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05/06/2015 | FRANCE | N°382015

France | France, Conseil d'État, 2ème / 7ème ssr, 05 juin 2015, 382015


Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 26 janvier 2012 par laquelle le gouverneur de la Banque de France a prononcé son licenciement et de condamner la Banque de France à réparer son préjudice financier et moral. Par un jugement n° 1205537/5-1 du 11 mars 2013, le tribunal administratif a annulé cette décision et condamné la Banque de France à lui verser une indemnité dans la limite de 37 300 euros au titre de son préjudice financier ainsi qu'une indemnité de 2 000 euros en réparation de son préjudice

moral.

Par un arrêt n° 13PA01793 du 28 avril 2014, la cour administra...

Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 26 janvier 2012 par laquelle le gouverneur de la Banque de France a prononcé son licenciement et de condamner la Banque de France à réparer son préjudice financier et moral. Par un jugement n° 1205537/5-1 du 11 mars 2013, le tribunal administratif a annulé cette décision et condamné la Banque de France à lui verser une indemnité dans la limite de 37 300 euros au titre de son préjudice financier ainsi qu'une indemnité de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Par un arrêt n° 13PA01793 du 28 avril 2014, la cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement du tribunal administratif et a rejeté la demande présentée devant celui-ci par M.B....

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 30 juin et 24 septembre 2014, M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la Banque de France ;

3°) de mettre à la charge de la Banque de France la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention internationale du travail n° 158 concernant la cessation de la relation de travail à l'initiative de l'employeur ;

- le code du travail ;

- le code monétaire et financier ;

- le statut du personnel de la Banque de France ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Chadelat, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de M.B..., et à la SCP Delvolvé, avocat de la Banque de France ;

1. Considérant qu'après avoir été admis au concours externe d'adjoint de direction de la Banque de France, M. B...a été affecté, à compter du 1er février 2011, à la direction générale des opérations en qualité d'adjoint de direction de 3ème classe, sur le poste de spécialiste en systèmes de paiement et infrastructures de marché, pour une période probatoire d'un an ; qu'à la suite de deux rapports d'évaluation ainsi que de l'avis de la commission de fin de période probatoire, le gouverneur de la Banque de France a, par décision du 26 janvier 2012, refusé de l'admettre à titre définitif dans le personnel des cadres de la Banque de France et prononcé son licenciement à l'issue d'un préavis de trois mois qu'il l'a dispensé d'effectuer ; que, saisi par M. B...d'une demande tendant à l'annulation de la décision du 26 janvier 2012 et à la réparation de son préjudice financier et moral, le tribunal administratif de Paris a annulé cette décision et fait partiellement droit à sa demande indemnitaire ; que M.B..., se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 28 avril 2014 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, sur recours de la Banque de France, annulé le jugement de première instance et rejeté la demande présentée devant le tribunal administratif par M. B...;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 142-1 du code monétaire et financier : " La Banque de France est une institution dont le capital appartient à l'Etat " ; qu'aux termes de l'article L. 142-9 du même code : " (...) Le conseil général de la Banque de France détermine, dans les conditions prévues par le troisième alinéa de l'article L. 142-2, les règles applicables aux agents de la Banque de France dans les domaines où les dispositions du code du travail sont incompatibles avec le statut ou avec les missions de service public dont elle est chargée (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 1221-19 du code du travail : " Le contrat de travail à durée indéterminée peut comporter une période d'essai dont la durée maximale est de : (...) 3° Pour les cadres, de quatre mois " ; qu'aux termes de l'article L. 1221-21 du même code : " La période d'essai peut être renouvelée une fois si un accord de branche étendu le prévoit. Cet accord fixe les conditions et les durées de renouvellement. La durée de la période d'essai, renouvellement compris, ne peut pas dépasser : (...) 3° Huit mois pour les cadres " ; qu'il résulte cependant de l'article L. 1211-1 de ce code que, si les dispositions du livre II de sa première partie, relatives au contrat de travail, sont applicables au personnel des personnes publiques qui, tel celui de la Banque de France, est employé dans les conditions du droit privé, c'est " sous réserve des dispositions particulières ayant le même objet résultant du statut qui régit ce personnel " ; que selon l'article 411 du statut du personnel de la Banque de France, les adjoints de direction de 3ème classe, qui sont recrutés par voie de concours en vertu de l'article 408, " ne sont admis à titre définitif qu'à l'expiration d'une période probatoire d'une année. Cette période peut être prolongée d'un an au maximum. Il est statué sur l'admission définitive de l'agent, la prolongation de la période probatoire ou sa non admission, par décision du Gouverneur après avis d'une commission composée de trois membres du personnel des cadres désignés par le Gouverneur et de trois représentants élus des adjoints de direction " (...) ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions précitées du statut du personnel de la Banque de France, édictées par son conseil général sur le fondement de l'article L. 142-9 du code monétaire et financier, que les agents de direction sont recrutés par concours, après titularisation à l'issue d'un stage probatoire, en vue d'y accomplir leur carrière et non seulement d'occuper un emploi ; que ces dispositions, inspirées du droit de la fonction publique, tiennent compte de la nature particulière et des caractéristiques propres de cette personne publique, chargée par la loi de missions de service public ; qu'elles sont, en vertu de l'article L. 1211-1 du code du travail, seules applicables aux agents de direction de la Banque de France, à l'exclusion de celles des articles L. 1221-19 et L. 1221-21 de ce code prévoyant une période d'essai de quatre mois pouvant être portée à huit mois par accord de branche, dont M. B... ne peut, dès lors, utilement se prévaloir ; que ce motif doit être substitué à celui retenu par la cour administrative d'appel de Paris dont il justifie, sur ce point, le dispositif ; que, par suite, les moyens de M. B...tendant à critiquer la motivation de l'arrêt attaqué relative à la durée de la période probatoire qu'il a dû accomplir sont inopérants ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte du paragraphe 2 (b) de l'article 2 de la convention internationale du travail n° 158 concernant la cessation de la relation de travail à l'initiative de l'employeur, que la faculté pour un Etat membre d'exclure de tout ou partie du bénéfice de la convention les salariés effectuant une période d'essai est subordonnée à la fixation préalable de la durée de celle-ci et à son caractère raisonnable ; qu'il ressort des énonciations précédentes que M. B...avait vocation, en cas de titularisation à l'issue de sa période de stage probatoire, à accomplir une carrière au sein du personnel de direction de la Banque de France ; que, par suite, la cour administrative d'appel de Paris n'a, en tout état de cause, pas commis d'erreur de droit en estimant que la durée d'un an de cette période probatoire ne pouvait être regardée comme déraisonnable au sens de cette convention ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne résulte d'aucune disposition applicable aux agents de la Banque de France ni d'aucun principe que le licenciement d'un stagiaire à la fin de sa période probatoire ne puisse intervenir, hors le cas où il revêtirait le caractère d'une sanction disciplinaire, sans que l'intéressé ait été mis à même de prendre connaissance de son dossier ; que, par suite, la cour administrative d'appel, qui n'a pas entaché sa décision d'une contradiction de motifs, n'a commis aucune erreur de droit en écartant le moyen tiré de ce que la décision du 26 janvier 2012 refusant d'admettre M. B...dans le personnel des cadres de la Banque de France aurait dû être précédée de la communication de son dossier ;

6. Considérant, en quatrième lieu, que l'appréciation qui doit être faite, en fin de stage probatoire, de la manière de servir d'un agent ayant vocation à être titularisé ne peut être censurée par le juge de l'excès de pouvoir qu'en cas d'erreur manifeste ; que, par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit en limitant ainsi l'étendue de son contrôle sur cette appréciation ;

7. Considérant, enfin, que, contrairement à ce que soutient M.B..., la cour s'est livrée à une analyse circonstanciée et approfondie des conditions d'accomplissement de son stage au regard, notamment, de l'adéquation du poste auquel l'intéressé avait été affecté à la formation qu'il avait reçue ; que ce faisant, la cour, qui n'a entaché son arrêt ni d'une omission de statuer sur les conclusions dont M. B...l'avait saisie ni d'une d'erreur de droit, s'est livrée à une appréciation souveraine des faits de l'espèce, exempte de dénaturation ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M.B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Banque de France qui n'est pas, en la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. B...le versement de la somme que réclame la Banque de France au même titre ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. B...est rejeté.

Article 2 : Les conclusions de la Banque de France présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et à la Banque de France.


Synthèse
Formation : 2ème / 7ème ssr
Numéro d'arrêt : 382015
Date de la décision : 05/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

13-025 CAPITAUX, MONNAIE, BANQUES. BANQUE DE FRANCE. - INAPPLICABILITÉ DES DISPOSITIONS DU CODE DU TRAVAIL RELATIVES À LA PÉRIODE D'ESSAI À LA SITUATION DES AGENTS DE DIRECTION [RJ1].

13-025 Il résulte des dispositions de l'article 411 du statut du personnel de la Banque de France, édictées par son conseil général sur le fondement de l'article L. 142-9 du code monétaire et financier, que les agents de direction sont recrutés par concours, après titularisation à l'issue d'un stage probatoire, en vue d'y accomplir leur carrière et non seulement d'occuper un emploi.... ,,Ces dispositions prévoyant un stage probatoire d'un an, inspirées du droit de la fonction publique, tiennent compte de la nature particulière et des caractéristiques propres de cette personne publique, chargée par la loi de missions de service public. Elles sont, en vertu de l'article L. 1211-1 du code du travail, seules applicables aux agents de direction de la Banque de France, à l'exclusion de celles des articles L. 1221-19 et L. 1221-21 de ce code prévoyant une période d'essai de quatre mois pouvant être portée à huit mois par accord de branche, qui sont incompatibles avec ces dispositions statutaires.


Références :

[RJ1]

Rappr., en matière de limites d'âges, CE, 6 mars 2015, M. Aumas, n° 374400, à mentionner aux Tables ;

CE, 9 juillet 2014, Banque de France, n° 370180, à mentionner aux Tables. Comp., pour la prescription de l'action disciplinaire, CE, 11 mars 2011, La Banque de France, n° 316412, T. pp. 790-1176.


Publications
Proposition de citation : CE, 05 jui. 2015, n° 382015
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Catherine Chadelat
Rapporteur public ?: Mme Béatrice Bourgeois-Machureau
Avocat(s) : SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN, COUDRAY ; SCP DELVOLVE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:382015.20150605
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