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05/06/2015 | FRANCE | N°373858

France | France, Conseil d'État, 9ème / 10ème ssr, 05 juin 2015, 373858


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Groupe Bruxelles Lambert a demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner l'État à lui verser les intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales qui lui étaient dus à la suite du remboursement de la retenue à la source prélevée sur les dividendes de source française versés de 2003 à 2006 et d'assortir cette condamnation du paiement des intérêts moratoires afférents à la somme due au titre des intérêts. Par un jugement n° 0914185 du 4 fé

vrier 2011, après avoir prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Groupe Bruxelles Lambert a demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner l'État à lui verser les intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales qui lui étaient dus à la suite du remboursement de la retenue à la source prélevée sur les dividendes de source française versés de 2003 à 2006 et d'assortir cette condamnation du paiement des intérêts moratoires afférents à la somme due au titre des intérêts. Par un jugement n° 0914185 du 4 février 2011, après avoir prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la demande tendant au paiement d'intérêts moratoires d'un montant de 557 282 euros, le tribunal administratif de Montreuil a condamné l'État à verser à la société Groupe Bruxelles Lambert des intérêts au taux légal calculés sur un capital de 186 226 euros pour la période du 9 au 20 avril 2010, puis rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Par un arrêt n° 11VE01434 du 3 octobre 2013, la cour administrative d'appel de Versailles a réformé ce jugement et jugé que :

- les intérêts moratoires dus à la suite des restitutions à la société Groupe Bruxelles Lambert des retenues à la source prélevées sur les dividendes des sociétés Lafarge et Suez au titre des années 2003 à 2006 avaient pour point de départ les dates de paiement par l'établissement payeur à la société requérante des dividendes nets de retenues à la source (article 1er) ;

- l'État devait verser à la société Groupe Bruxelles Lambert ces intérêts moratoires, sous déduction des intérêts moratoires qu'il avait déjà versés, d'une part à l'issue de l'admission partielle des réclamations en date des 17 octobre 2007, 28 novembre 2008, 7 septembre 2009 et 27 janvier 2010 et, d'autre part, en exécution du jugement du tribunal administratif de Montreuil (article 2) ;

- l'État devait verser des intérêts au taux légal, à compter de la réception par l'administration de demandes formées en ce sens par la société Groupe Bruxelles Lambert, pour l'ensemble des créances en litige constituées des intérêts moratoires non versés (article 3).

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés le 10 décembre 2013 et le 15 avril 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre délégué chargé du Budget demande au Conseil d'État d'annuler l'arrêt n° 11VE01434 du 3 octobre 2013 de la cour administrative d'appel de Versailles.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention fiscale du 10 mars 1964 entre la France et la Belgique, notamment son article 15 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Julien Anfruns, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Ortscheidt, avocat de la société Groupe Bruxelles Lambert ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Groupe Bruxelles Lambert, société de droit belge, a perçu des dividendes en sa qualité d'actionnaire des sociétés françaises Lafarge et Suez au titre des années 2003 à 2006 ; que ces dividendes ont donné lieu au versement de retenues à la source au taux de 15 %, en application des dispositions de l'article 119 bis du code général des impôts et des stipulations de l'article 15-2 de la convention fiscale franco-belge ; que la requérante a toutefois sollicité et obtenu la restitution de ces retenues à la source, majorées d'intérêts moratoires ; que le présent litige porte sur la date à partir de laquelle ces intérêts moratoires doivent être décomptés ; que par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Versailles a jugé que les intérêts moratoires dus à la suite des restitutions à la société Groupe Bruxelles Lambert des retenues à la source prélevées sur les dividendes des sociétés Lafarge et Suez ont pour point de départ les dates de paiement par l'établissement payeur à la société requérante des dividendes nets de retenues à la source ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1672 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " 1. La retenue à la source prévue au 1 de l'article 119 bis est payée par la personne qui effectue la distribution, à charge par elle d'en retenir le montant sur les sommes versées aux bénéficiaires desdits revenus. / 2. La retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 bis est versée au Trésor par la personne qui assure le paiement des revenus. / Un décret fixe les modalités et les conditions d'application de la présente disposition et, notamment, les obligations auxquelles doivent se soumettre les personnes chargées d'opérer la retenue " ; qu'aux termes de l'article 381 A de l'annexe III au code général des impôts : " I. - La retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 bis du code général des impôts prélevée par un établissement payeur dans les conditions du 2 de l'article 1672 du même code fait l'objet, dans les quinze premiers jours du mois suivant celui au titre duquel elle est due, d'un versement au service des impôts désigné par le ministre chargé du budget. / II. Chaque versement est accompagné du dépôt d'une déclaration établie sur une formule délivrée par l'administration. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : " Quand l'État est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés " ;

3. Considérant qu'il résulte du mécanisme même de la retenue à la source que la date de paiement par l'établissement payeur à son client des dividendes nets de retenue à la source est aussi celle à laquelle ce dernier s'acquitte de cette imposition ; qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales que les intérêts moratoires dus au titre des sommes perçues indûment par l'administration fiscale courent à partir du jour du paiement de ces dernières ; que la date de paiement doit s'entendre de celle à partir de laquelle la somme indûment payée est devenue indisponible pour le contribuable, dès lors que les règles relatives au calcul des intérêts dus ne sauraient aboutir à priver ce dernier d'une indemnisation adéquate de la perte occasionnée par le paiement indu de la taxe ; qu'il en résulte que, dans le cas où, en vertu des dispositions combinées de l'article 1672 du code général des impôts et de l'article 381 A de l'annexe III à ce code, la date de paiement de l'imposition par le contribuable diffère de celle à laquelle l'État dispose effectivement de ces sommes, la date de paiement au sens de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales doit s'entendre de la date à laquelle le contribuable s'est acquitté de la retenue à la source ; que, par suite, en retenant comme date de paiement, pour l'application des dispositions de l'article L. 208 du livre de procédures fiscales, la date de paiement par l'établissement payeur à la société requérante des dividendes nets de retenue à la source et non celle du paiement par l'établissement payeur à l'État des sommes correspondant à cette même retenue à la source, la cour administrative d'appel de Versailles n'a pas commis d'erreur de droit ; qu'il en résulte que le ministre n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à la société Groupe Bruxelles Lambert au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi du ministre des finances et des comptes publics est rejeté.

Article 2 : L'État versera à la société Groupe Bruxelles Lambert une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Groupe Bruxelles Lambert et au ministre des finances et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 9ème / 10ème ssr
Numéro d'arrêt : 373858
Date de la décision : 05/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - RÈGLES GÉNÉRALES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT - DÉGRÈVEMENT - INTÉRÊTS MORATOIRES (ART - L - 208 DU LPF) - CAS D'UNE RETENUE À LA SOURCE - POINT DE DÉPART DES INTÉRÊTS - DATE À PARTIR DE LAQUELLE LA SOMME INDÛMENT PAYÉE EST DEVENUE INDISPONIBLE.

19-01-03-06 Il résulte du mécanisme même de la retenue à la source que la date de paiement par l'établissement payeur à son client des dividendes nets de retenue à la source est aussi celle à laquelle ce dernier s'acquitte de cette imposition. Il résulte des dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales (LPF) que les intérêts moratoires dus au titre des sommes perçues indûment par l'administration fiscale courent à partir du jour du paiement de ces dernières. La date de paiement doit s'entendre de celle à partir de laquelle la somme indûment payée est devenue indisponible pour le contribuable, dès lors que les règles relatives au calcul des intérêts dus ne sauraient aboutir à priver ce dernier d'une indemnisation adéquate de la perte occasionnée par le paiement indu de la taxe. Il en résulte que, dans le cas où, en vertu des dispositions combinées de l'article 1672 du code général des impôts et de l'article 381 A de l'annexe III à ce code, la date de paiement de l'imposition par le contribuable diffère de celle à laquelle l'État dispose effectivement de ces sommes, la date de paiement au sens de l'article L. 208 du LPF doit s'entendre de la date à laquelle le contribuable s'est acquitté de la retenue à la source.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - DIVERS - REMBOURSEMENT - INTÉRÊTS MORATOIRES (ART - L - 208 DU LPF) - CAS D'UNE RETENUE À LA SOURCE - POINT DE DÉPART DES INTÉRÊTS - DATE À PARTIR DE LAQUELLE LA SOMME INDÛMENT PAYÉE EST DEVENUE INDISPONIBLE.

19-01-06 Il résulte du mécanisme même de la retenue à la source que la date de paiement par l'établissement payeur à son client des dividendes nets de retenue à la source est aussi celle à laquelle ce dernier s'acquitte de cette imposition. Il résulte des dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales (LPF) que les intérêts moratoires dus au titre des sommes perçues indûment par l'administration fiscale courent à partir du jour du paiement de ces dernières. La date de paiement doit s'entendre de celle à partir de laquelle la somme indûment payée est devenue indisponible pour le contribuable, dès lors que les règles relatives au calcul des intérêts dus ne sauraient aboutir à priver ce dernier d'une indemnisation adéquate de la perte occasionnée par le paiement indu de la taxe. Il en résulte que, dans le cas où, en vertu des dispositions combinées de l'article 1672 du code général des impôts et de l'article 381 A de l'annexe III à ce code, la date de paiement de l'imposition par le contribuable diffère de celle à laquelle l'État dispose effectivement de ces sommes, la date de paiement au sens de l'article L. 208 du LPF doit s'entendre de la date à laquelle le contribuable s'est acquitté de la retenue à la source.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - RÈGLES GÉNÉRALES - IMPÔT SUR LE REVENU - COTISATIONS D`IR MISES À LA CHARGE DE PERSONNES MORALES OU DE TIERS - RETENUES À LA SOURCE - REMBOURSEMENT - INTÉRÊTS MORATOIRES (ART - L - 208 DU LPF) - POINT DE DÉPART - DATE À PARTIR DE LAQUELLE LA SOMME INDÛMENT PAYÉE EST DEVENUE INDISPONIBLE.

19-04-01-02-06-01 Il résulte du mécanisme même de la retenue à la source que la date de paiement par l'établissement payeur à son client des dividendes nets de retenue à la source est aussi celle à laquelle ce dernier s'acquitte de cette imposition. Il résulte des dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales (LPF) que les intérêts moratoires dus au titre des sommes perçues indûment par l'administration fiscale courent à partir du jour du paiement de ces dernières. La date de paiement doit s'entendre de celle à partir de laquelle la somme indûment payée est devenue indisponible pour le contribuable, dès lors que les règles relatives au calcul des intérêts dus ne sauraient aboutir à priver ce dernier d'une indemnisation adéquate de la perte occasionnée par le paiement indu de la taxe. Il en résulte que, dans le cas où, en vertu des dispositions combinées de l'article 1672 du code général des impôts et de l'article 381 A de l'annexe III à ce code, la date de paiement de l'imposition par le contribuable diffère de celle à laquelle l'État dispose effectivement de ces sommes, la date de paiement au sens de l'article L. 208 du LPF doit s'entendre de la date à laquelle le contribuable s'est acquitté de la retenue à la source.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - RÈGLES GÉNÉRALES - IMPÔT SUR LES BÉNÉFICES DES SOCIÉTÉS ET AUTRES PERSONNES MORALES - RETENUE À LA SOURCE - REMBOURSEMENT - INTÉRÊTS MORATOIRES (ART - L - 208 DU LPF) - POINT DE DÉPART - DATE À PARTIR DE LAQUELLE LA SOMME INDÛMENT PAYÉE EST DEVENUE INDISPONIBLE.

19-04-01-04 Il résulte du mécanisme même de la retenue à la source que la date de paiement par l'établissement payeur à son client des dividendes nets de retenue à la source est aussi celle à laquelle ce dernier s'acquitte de cette imposition. Il résulte des dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales (LPF) que les intérêts moratoires dus au titre des sommes perçues indûment par l'administration fiscale courent à partir du jour du paiement de ces dernières. La date de paiement doit s'entendre de celle à partir de laquelle la somme indûment payée est devenue indisponible pour le contribuable, dès lors que les règles relatives au calcul des intérêts dus ne sauraient aboutir à priver ce dernier d'une indemnisation adéquate de la perte occasionnée par le paiement indu de la taxe. Il en résulte que, dans le cas où, en vertu des dispositions combinées de l'article 1672 du code général des impôts et de l'article 381 A de l'annexe III à ce code, la date de paiement de l'imposition par le contribuable diffère de celle à laquelle l'État dispose effectivement de ces sommes, la date de paiement au sens de l'article L. 208 du LPF doit s'entendre de la date à laquelle le contribuable s'est acquitté de la retenue à la source.


Publications
Proposition de citation : CE, 05 jui. 2015, n° 373858
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Julien Anfruns
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP ORTSCHEIDT

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:373858.20150605
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