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03/06/2015 | FRANCE | N°375750

France | France, Conseil d'État, 2ème ssjs, 03 juin 2015, 375750


Vu la procédure suivante :

M. B...A...et l'Association de défense des intérêts des fonctionnaires de l'Etat P et T (ADIFE P et T) ont demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de France Télécom rejetant leur demande préalable du 12 avril 2011 tendant à ce que France Télécom prenne les mesures nécessaires afin que les fonctionnaires reclassés bénéficient de voies de promotion interne conformes aux dispositions statutaires en vigueur, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint à France Télécom d'organiser,

pour les fonctionnaires reclassés, des voies de promotion interne conform...

Vu la procédure suivante :

M. B...A...et l'Association de défense des intérêts des fonctionnaires de l'Etat P et T (ADIFE P et T) ont demandé au tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de France Télécom rejetant leur demande préalable du 12 avril 2011 tendant à ce que France Télécom prenne les mesures nécessaires afin que les fonctionnaires reclassés bénéficient de voies de promotion interne conformes aux dispositions statutaires en vigueur, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint à France Télécom d'organiser, pour les fonctionnaires reclassés, des voies de promotion interne conformes aux dispositions statutaires applicables, avec effet à compter de la première année pendant laquelle ces voies de promotion interne n'ont pas été organisées, à compter de l'entrée en vigueur des dispositions du décret du 26 novembre 2004, et, en toute hypothèse, à compter de la demande préalable, dans le délai de quinze jours, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1114153/5-2 du 23 décembre 2013, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 24 février et 26 mai 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...et l'Association de défense des intérêts des fonctionnaires de l'Etat P et T (ADIFE P et T) demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur demande ;

3°) de mettre à la charge de France Télécom le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

Vu la loi n° 96-660 du 26 juillet 1996 ;

Vu la loi n° 2003-1365 du 31 décembre 2003 ;

Vu le décret n° 2004-1300 du 26 novembre 2004 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Camille Pascal, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Xavier Domino, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rousseau, Tapie, avocat de M. A...et de l'ADIFE P et T, et à la SCP Delvolvé, avocat de la société Orange ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article R. 311-1 du code de justice administrative : " Le Conseil d'Etat est compétent pour connaître en premier et dernier ressort : (...) 2° Des recours dirigés contre les actes réglementaires des ministres et des autres autorités à compétence nationale (...) " ; que la demande adressée par M. A...et l'Association de défense des intérêts des fonctionnaires de l'Etat P et T au président de France Télécom le 12 avril 2011 tendait à ce que soient prises " les mesures nécessaires afin que les fonctionnaires reclassés de France Télécom bénéficient de voies de promotion interne, organisées conformément aux dispositions statutaires applicables " ; que de telles mesures auraient présenté un caractère réglementaire ; que le refus implicite opposé à la demande présente le même caractère et relève ainsi de la compétence de premier et dernier ressort du Conseil d'Etat, en vertu des dispositions précitées de l'article R. 311-1 ; que, dès lors, c'est à tort que le tribunal administratif de Paris s'est estimé compétent pour connaître du recours pour excès de pouvoir formé par M. A...et l'association requérante ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'annuler son jugement du 23 décembre 2013 et de statuer directement sur la demande présentée devant lui ;

2. Considérant que la loi du 2 juillet 1990 a créé, aux termes de son article 1er, les exploitants publics La Poste et France Télécom ; que selon l'article 29 de cette loi : " Les personnels de La Poste et de France Télécom sont régis par des statuts particuliers, pris en application de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droit et obligations des fonctionnaires et de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, qui comportent des dispositions spécifiques dans les conditions prévues aux alinéas ci-après, ainsi que dans les conditions de l'article 29-1 " ;

3. Considérant que la loi du 26 juillet 1996 relative à l'entreprise nationale France Télécom a transformé la personne morale de droit public France Télécom en une entreprise nationale ; que l'article 5 de cette loi a modifié l'article 29-1 de la loi du 2 juillet 1990 et rattaché les corps de fonctionnaires de France Télécom à l'entreprise nationale France Télécom, les plaçant sous l'autorité du président de cette entreprise, qui dispose des pouvoirs de nomination et de gestion à leur égard, l'entreprise ne pouvant plus procéder à des recrutements externes de fonctionnaires à compter du 1er janvier 2002 et pouvant employer librement des agents contractuels sous le régime des conventions collectives ; que la loi du 31 décembre 2003 relative aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom a soumis France Télécom aux dispositions applicables aux sociétés anonymes sous réserve des dispositions particulières de la loi du 2 juillet 1990 ; que, selon l'article 29-2 de la loi du 2 juillet 1990 résultant de la loi du 31 décembre 2003, les pouvoirs nécessaires à la nomination et à la gestion, sauf pour le prononcé de sanctions disciplinaires du quatrième groupe, des fonctionnaires présents dans l'entreprise ont été confiés au président de France Télécom durant la période transitoire liée à la présence de fonctionnaires dans l'entreprise ;

4. Considérant qu'en vertu de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " En vue de favoriser la promotion interne, les statuts particuliers fixent une proportion de postes susceptibles d'être proposés au personnel appartenant déjà à l'administration (...) " ; qu'aux termes de l'article 58 de la même loi : " L'avancement de grade a lieu de façon continue d'un grade au grade immédiatement supérieur. Il peut être dérogé à cette règle dans les cas où l'avancement est subordonné à une sélection professionnelle (...) " ;

5. Considérant que la possibilité offerte aux fonctionnaires qui sont demeurés dans les corps dits de " reclassement " de France Télécom de bénéficier, au même titre que les fonctionnaires ayant choisi d'intégrer les corps dits de " reclassification " créés en 1993, de mesures de promotion organisées en vue de pourvoir des emplois vacants proposés dans ces corps de " reclassification ", ne dispensait pas le président de France Télécom, avant le 1er janvier 2002, de faire application des dispositions de la loi du 11 janvier 1984 relatives au droit à la promotion interne dans le cadre des corps de " reclassement " ; que le législateur, en décidant par les dispositions précitées de l'article 29-1 de la loi du 2 juillet 1990, résultant de la loi du 26 juillet 1996, que les recrutements externes de fonctionnaires par France Télécom cesseraient au plus tard le 1er janvier 2002, n'a pas entendu priver d'effet, après cette date, les dispositions de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 relatives au droit à la promotion interne à l'égard des fonctionnaires " reclassés " ; que, toutefois, le décret du 24 novembre 2004 relatif aux dispositions statutaires applicables à certains corps de fonctionnaires de France Télécom a rendu à nouveau possible, au sein de France Télécom, des promotions internes, non liées aux recrutements externes, pour les fonctionnaires " reclassés " ;

6. Considérant qu'il n'est pas contesté que France Télécom a pris, après l'intervention du décret du 24 novembre 2004, des mesures permettant la promotion interne de fonctionnaires appartenant à des corps de " reclassement " ; qu'il ne ressort pas des éléments versés au dossier que France Télécom n'aurait pas alors fait application des dispositions réglementaires applicables, résultant des statuts particuliers des différents corps de fonctionnaires considérés et déterminant les modalités de promotion interne fixées pour chaque corps, dont la légalité n'est pas contestée ; que la légalité des décisions individuelles de promotion qui sont intervenues sur le fondement des dispositions statutaires soulève des litiges distincts ; qu'aucune disposition législative n'habilitait, en tout état de cause, les autorités investies du pouvoir réglementaire à prendre des mesures à caractère rétroactif ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de la décision implicite qu'ils attaquent ; que leurs conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A...et de l'Association de défense des intérêts des fonctionnaires de l'Etat P et T (ADIFE P et T) le versement à la société Orange de la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A...et de l'Association de défense des intérêts des fonctionnaires de l'Etat P et T (ADIFE P et T) est rejetée.

Article 2 : M. A...et l'Association de défense des intérêts des fonctionnaires de l'Etat P et T (ADIFE P et T) verseront la somme de 3 000 euros à la société Orange en application des dispositions de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B...A..., à l'Association de défense des intérêts des fonctionnaires de l'État P et T (ADIFE P et T) et à la société Orange. Copie en sera adressé, pour information, au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique.


Synthèse
Formation : 2ème ssjs
Numéro d'arrêt : 375750
Date de la décision : 03/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 03 jui. 2015, n° 375750
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Camille Pascal
Rapporteur public ?: M. Xavier Domino
Avocat(s) : SCP ROUSSEAU, TAPIE ; SCP DELVOLVE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:375750.20150603
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