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22/05/2015 | FRANCE | N°385429

France | France, Conseil d'État, 1ère sous-section jugeant seule, 22 mai 2015, 385429


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. O...I..., M. V...F..., Mme B...N..., M. T... A..., Mme W...C..., M. S...D..., M. U...L..., Mme P...E..., M. R...Q...et Mme J...H...ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 23 mars 2014 en vue de l'élection des conseillers municipaux et communautaires de la commune de Castelnaudary (Aude). Par un jugement n° 1401463 du 2 octobre 2014, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur protestation.

Procédure devant le Con

seil d'Etat

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 30 oc...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. O...I..., M. V...F..., Mme B...N..., M. T... A..., Mme W...C..., M. S...D..., M. U...L..., Mme P...E..., M. R...Q...et Mme J...H...ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 23 mars 2014 en vue de l'élection des conseillers municipaux et communautaires de la commune de Castelnaudary (Aude). Par un jugement n° 1401463 du 2 octobre 2014, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur protestation.

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 30 octobre 2014 et 13 mars 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. I...et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 3 octobre 2014 ;

2°) de faire droit à leur protestation ;

3°) de mettre à la charge de M. K...la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Florence Marguerite, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de M. K...et autres ;

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue du scrutin organisé le 23 mars 2014 en vue de l'élection des conseillers municipaux et communautaires de la commune de Castelnaudary, la liste " Castelnaudary intensément ", conduite par M.K..., maire sortant, a obtenu 50,18 % des suffrages exprimés et vingt-cinq élus au conseil municipal, tandis que la liste " Castelnaudary renouveau ", conduite par M.I..., obtenait 35,47 % des suffrages et six élus et la liste " Agir local et autrement ", conduite par M.D..., obtenait 14,33% des suffrages et deux élus. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la protestation formée par MM. I...et D...et par certains de leurs colistiers contre ces opérations électorales après avoir, d'une part, constaté une discordance d'une unité entre le nombre des émargements et le nombre des enveloppes trouvées dans l'urne dans le bureau de vote n° 1 mais relevé que, même en retranchant une voix au nombre des suffrages exprimés en faveur de la liste conduite par M. K..., celle-ci conservait néanmoins la majorité absolue des voix et, d'autre part, écarté les autres griefs soulevés par les protestataires.

Sur la campagne électorale :

2. En premier lieu, l'article L. 48-2 du code électoral dispose qu'" Il est interdit à tout candidat de porter à la connaissance du public un élément nouveau de polémique électorale à un moment tel que ses adversaires n'aient pas la possibilité d'y répondre utilement avant la fin de la campagne électorale ".

3. Il résulte de l'instruction que la liste conduite par M. K...a distribué, à compter de la journée du mardi 18 mars 2014, un grand nombre de tracts intitulés " les 11 raisons de ne pas voter pour M.I... ", qui critiquaient en termes vifs le programme et les motivations de M.I.... Ces tracts, qui ne comprenaient pas d'affirmations mensongères, diffamatoires ou injurieuses et n'excédaient pas les limites de ce qui peut être toléré dans le cadre de la polémique électorale, ne comportaient pas d'élément nouveau de polémique électorale auquel l'intéressé n'aurait pas été en mesure de répondre utilement avant la fin de la campagne. A cet égard, est sans incidence la circonstance que la liste de M.I..., compte tenu des dépenses déjà exposées, n'aurait pu faire imprimer un nouveau tract sans dépasser le plafond des dépenses électorales résultant de l'article L. 52-11 du code électoral. Par suite, la diffusion du tract litigieux ne peut être regardée comme intervenue en violation des dispositions de l'article L. 48-2 du code électoral.

4. En deuxième lieu, l'article L. 49 du code électoral prévoit que : " A partir de la veille du scrutin à zéro heure, il est interdit de distribuer ou faire distribuer des bulletins, circulaires et autres documents. / A partir de la veille du scrutin à zéro heure, il est également interdit de diffuser ou de faire diffuser par tout moyen de communication au public par voie électronique tout message ayant le caractère de propagande électorale ".

5. S'il ne résulte pas de l'instruction que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la diffusion du tract mentionné au point 3 se serait poursuivie le samedi 22 mars, en revanche, plusieurs commerçants ont reçu ce jour-là, en violation de l'article L. 49 du code électoral, un courrier de M. K... relatif à ses ambitions pour l'économie de la ville, qui constituait un message de propagande électorale. Toutefois, pour regrettable qu'elle soit, la distribution de ce courrier, qui se bornait à rappeler en des termes généraux l'engagement de son auteur pour le développement économique de la ville et n'apportait pas d'élément nouveau à la polémique électorale, ne peut être regardée, malgré le faible écart séparant le nombre de voix obtenu par la liste de M. K...de la majorité absolue des suffrages exprimés, comme ayant altéré la sincérité du scrutin.

6. En troisième lieu, il est constant que M. I...a reçu un courrier de la mairie de Castelnaudary daté du 26 septembre 2013, lui rappelant l'interdiction prévue par le règlement du marché de la ville de distribuer des prospectus sur le marché. Si les requérants produisent quelques attestations selon lesquelles les partisans de la liste conduite par M. K... ont distribué des tracts sur la place du marché, il résulte de l'instruction qu'ils ont eux-mêmes diffusé des documents électoraux sur le marché. Par suite, les faits litigieux ne peuvent être regardés comme à l'origine d'une rupture d'égalité entre candidats qui aurait altéré la sincérité du scrutin.

Sur les opérations électorales :

7. En premier lieu, il résulte de l'article L. 58 du code électoral que les candidats ou les mandataires de chaque liste peuvent faire déposer des bulletins de vote sur une table préparée à cet effet dans chaque salle de scrutin. En outre, aux termes du premier alinéa de l'article L. 62 du code électoral : " A son entrée dans la salle du scrutin, l'électeur, après avoir fait constater son identité (...), prend, lui-même, une enveloppe. Sans quitter la salle du scrutin, il doit se rendre isolément dans la partie de la salle aménagée pour le soustraire aux regards pendant qu'il met son bulletin dans l'enveloppe ; il fait ensuite constater au président qu'il n'est porteur que d'une seule enveloppe ; le président le constate sans toucher l'enveloppe, que l'électeur introduit lui-même dans l'urne ".

8. Il résulte de l'instruction que MmeG..., colistière de M. K..., s'étant installée à la table où avaient été déposés les bulletins de vote et les enveloppes dans le bureau de vote n° 3, alors qu'elle n'avait pas été désignée pour y exercer une quelconque fonction, a manipulé des enveloppes destinées aux électeurs. Toutefois, d'une part, contrairement à ce que soutiennent les requérants, ces faits ne méconnaissent nullement les dispositions de l'article L. 58 du code électoral. D'autre part, il ne résulte pas de l'instruction que Mme G...aurait remis des enveloppes à des électeurs en méconnaissance des dispositions de l'article L. 62 du code électoral. Enfin, il ne résulte pas non plus de l'instruction que ces faits aient été constitutifs d'actes d'intimidation ou de pressions à l'égard des électeurs ni qu'ils auraient permis des fraudes ou tentatives de fraudes. Par suite, ces faits n'ont pas été de nature à altérer la sincérité du scrutin.

9. En deuxième lieu, si les protestataires ont soulevé, dans un mémoire enregistré au greffe du tribunal le 13 mai 2014, soit après l'expiration du délai de protestation, un grief tiré de la méconnaissance du premier alinéa de l'article L. 62 du code électoral par le président du bureau de vote n° 3, ce grief n'était pas distinct de celui tiré de la manipulation des enveloppes par une autre personne, colistière de M.K..., dans le même bureau de vote. Dès lors, c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a regardé ce grief comme tardif et, par suite, irrecevable. Il appartient dès lors au Conseil d'Etat de se prononcer sur ce grief, dont il se trouve saisi en vertu des principes applicables au jugement des litiges en appel.

10. Les requérants font valoir, ainsi que l'attestent un témoignage et les mentions portées au procès-verbal des opérations électorales qui se sont déroulées dans le bureau de vote n° 3, que le président de ce bureau a touché certaines enveloppes afin de faciliter leur introduction dans l'urne. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que cette irrégularité ait participé d'une intention frauduleuse ou permis l'exercice d'une pression sur les électeurs. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, elle ne peut être regardée comme une manoeuvre de nature à entraîner l'annulation des opérations électorales.

11. En dernier lieu, les requérants font valoir, en produisant l'attestation d'un électeur inscrit sur la liste du bureau de vote n° 5, que la présidente de ce bureau de vote, adjointe au maire sortant, a demandé à ce dernier s'il avait bien réfléchi à son vote, sans toutefois que cette interpellation ait eu d'incidence sur le sens de son vote. Cet incident isolé ne peut être regardé comme de nature à avoir exercé une influence sur le résultat du scrutin.

Sur les autres griefs :

12. Dans le délai de protestation de cinq jours prévu à l'article R. 119 du code électoral, M. I...et les autres protestataires n'avaient énoncé que les griefs relatifs au déroulement de la campagne et aux opérations de vote examinés ci-dessus, ainsi que le grief tiré de la discordance entre le nombre d'émargements et le nombre d'enveloppes trouvés dans l'urne dans le bureau de vote n° 1 et un grief tiré de ce que le maire sortant aurait eu un comportement de nature à exercer une pression sur les électeurs le jour du scrutin.

13. En premier lieu, le grief, soulevé en première instance, tiré de pressions exercées sur une personne pour qu'elle ne s'implique pas dans la campagne a été présenté devant le tribunal administratif par un mémoire enregistré au-delà du délai de cinq jours. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal l'a regardé comme tardif et, dès lors, écarté comme irrecevable.

14. En second lieu, si les requérants se prévalent devant le Conseil d'Etat de l'irrégularité de l'ajout de deux électeurs sur la liste électorale du bureau de vote n° 2 et de l'irrégularité de trente-neuf votes par procuration, ces griefs sont nouveaux en appel. Par suite, M. K...et les autres défendeurs sont fondés à soutenir que ces griefs ne sont pas recevables.

15. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur protestation dirigée contre les opérations électorales qui se sont déroulées le 23 mars 2014 dans la commune de Castelnaudary.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Les dispositions de cet article font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de M. I...et des autres requérants présentées à ce titre. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. I... et de M. D...la somme demandée au même titre par M. K...et les autres défendeurs.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. I...et autres est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de M. K...et des autres défendeurs présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. O...I..., à M. M... K...et au ministre de l'intérieur.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 22 mai. 2015, n° 385429
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Florence Marguerite
Rapporteur public ?: M. Alexandre Lallet
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN, STOCLET

Origine de la décision
Formation : 1ère sous-section jugeant seule
Date de la décision : 22/05/2015
Date de l'import : 23/03/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 385429
Numéro NOR : CETATEXT000030625083 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2015-05-22;385429 ?
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