Vu la procédure suivante :
M. C...E...a demandé au tribunal administratif de Fort-de-France d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 30 mars 2014 dans la commune de Sainte-Anne (Martinique). Par un jugement n° 1400239 du 27 juin 2014, le tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté sa protestation.
Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés les 28 juillet et 28 août 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. E... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de mettre à la charge de M. D...le versement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code électoral ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Emmanuelle Petitdemange, auditeur,
- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Thouin-Palat, Boucard, avocat de M. E...et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de M. D...;
1. Considérant qu'à l'issue du second tour des opérations électorales qui se sont déroulées les 23 et 30 mars 2014 en vue de l'élection des conseillers municipaux de la commune de Sainte-Anne (Martinique), la liste conduite par M. F...D...a obtenu 55,76 % des suffrages exprimés et 21 sièges et celle conduite par M. B...A..., maire sortant, 44,24 % des suffrages exprimés et 6 sièges ; qu'un électeur de la commune, M. E..., a contesté le résultat de ces élections ; qu'il demande l'annulation du jugement du 27 juin 2014 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa protestation ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article R. 773-1 du code de justice administrative et des articles R. 119 et R. 120 du code électoral que, par dérogation aux prescriptions de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, les tribunaux administratifs ne sont pas tenus d'ordonner la communication des mémoires en défense des conseillers municipaux dont l'élection est contestée aux auteurs des protestations non plus que celle des autres mémoires ultérieurement enregistrés et qu'il appartient aux parties, si elles le jugent utile, de prendre connaissance de ces défenses et mémoires ultérieurs au greffe du tribunal administratif ; que l'avocate de M. E...devant le tribunal administratif a demandé le 21 mai 2014 au tribunal administratif de Fort-de-France la possibilité de consulter le mémoire en défense produit par M. D... ; que cette consultation a eu lieu le 23 mai 2014 ; que l'audience, initialement prévue le 28 mai 2014, a été reportée au 26 juin 2014 ; qu'ainsi, M. E... n'est en tout état de cause pas fondé à soutenir que le caractère contradictoire de la procédure aurait été méconnu en raison de la date à laquelle son avocate a pu prendre connaissance du mémoire produit par M. D... ;
3. Considérant qu'en vertu de l'article R. 721-9 du code de justice administrative, la décision par laquelle la juridiction se prononce sur une demande de récusation d'un de ses membres n'est pas motivée ; que, si M. E... soutient qu'en raison de consignes données par la présidente du tribunal administratif, son avocate aurait rencontré des difficultés pour prendre connaissance du mémoire en défense produit par M.D..., celle-ci a, en tout état de cause, comme il a été dit, pu consulter ce mémoire le 23 mai 2014, deux jours après qu'elle en avait fait la demande ; que la contestation par M. D... de la décision du 20 juin 2014 par lequel le tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté sa demande de récusation de la présidente de ce tribunal administratif ne peut donc qu'être rejetée ;
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 52-8 du code électoral : " (...) Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués " ; que M. E...soutient que, durant la campagne électorale, un panneau appelant à voter pour M. D...a été posé dans un terrain agricole appartenant à la société Usine du Marin et produit une photographie de ce panneau ; que, s'il n'est pas contesté que le terrain appartient à la société Usine du Marin, il n'est pas établi que celle-ci a autorisé la mise en place du panneau ou en a même été informée ; qu'en outre, cet unique panneau, rudimentaire et de dimensions modestes, ne peut être regardé, dans les circonstances de l'espèce, comme entrant dans le champ des avantages prohibés par l'article L. 52-8 du code électoral ;
5. Considérant, en deuxième lieu, que M. E...soutient qu'un reportage diffusé par la chaîne Antilles Télévision le matin du scrutin à 00 h 24 aurait fait une présentation trompeuse de l'élection, notamment en indiquant que trois listes étaient présentes au second tour et que trois listes présentes au premier tour, dont celle de M.D..., se seraient alliées contre la liste conduite par M.A... ; qu'à supposer que ce reportage ait pu comporter de telles ambiguïtés, il ne peut être regardé, compte tenu de l'heure de sa diffusion et eu égard à l'écart de voix séparant les deux listes présentes au second tour, comme ayant été de nature à influer sur les résultats du scrutin ;
6. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'ont été apposés le 30 mars 2014, sur un panneau placé devant la maison d'une tante de M.D..., située à proximité d'un des bureaux de vote, plusieurs documents, dont une lettre anonyme reçue par la tante de M.D..., accusant celui-ci, sans le nommer, d'avoir parmi ses colistiers des membres du Front National et contenant des propos injurieux et diffamatoires à son égard et une lettre en réponse adressée par M. D...et ses colistiers aux électeurs de la commune, imputant la lettre anonyme à M. A...et contenant des propos injurieux et diffamatoires à son encontre qui excédaient largement les limites de la polémique électorale ; qu'il n'est pas soutenu que cette réponse aurait été distribuée aux électeurs ou affichée en d'autres endroits de la commune ; que, pour regrettables que soient son contenu ainsi que le lieu et le moment de son affichage, cette réponse ne peut, eu égard à l'écart de voix séparant les deux listes, être regardée comme ayant été de nature à influer sur les résultats du scrutin ;
7. Considérant, enfin, que, si M. E...soutient que M. D...aurait proposé des dons divers aux électeurs en échange de votes en sa faveur, les deux témoignages produits, faisant état, de manière peu circonstanciée, d'une telle pratique ne permettent pas de regarder les faits allégués comme établis ; qu'à supposer qu'une telle pratique ait existé, en l'absence d'éléments permettant d'estimer son ampleur, elle ne peut être regardée, eu égard à l'écart de voix séparant les deux listes, comme ayant été de nature à influer sur les résultats du scrutin ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête de M. E... doit être rejetée ;
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. D...qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au même titre par M. D... ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. E...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. D...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à MM. C...E..., F...D..., B...A...et au ministre de l'intérieur.