Vu la requête et le mémoire, enregistrés les 14 et 20 février 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par la société Free, dont le siège est 16, rue de la Ville l'Evêque à Paris (75008) ; la société Free demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 3 décembre 2013 du ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation, et de la ministre déléguée auprès du ministre du redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique, relatif à l'information préalable du consommateur sur les caractéristiques techniques des offres d'accès à l'internet en situation fixe filaire ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la consommation ;
Vu le code des postes et des communications électroniques ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Tristan Aureau, auditeur,
- les conclusions de M. Xavier Domino, rapporteur public ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 24 avril 2015, présentée par la société Free ;
1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 113-3 du code de la consommation, dans sa version en vigueur à la date de la décision attaquée : " Tout vendeur de produit ou tout prestataire de services doit, par voie de marquage, d'étiquetage, d'affichage ou par tout autre procédé approprié, informer le consommateur sur les prix, les limitations éventuelles de la responsabilité contractuelle et les conditions particulières de la vente, selon des modalités fixées par arrêtés du ministre chargé de l'économie, après consultation du Conseil national de la consommation " ;
Sur la légalité externe :
2. Considérant qu'aux termes des dispositions précitées de l'article L. 113-3 du code de la consommation, il revient au ministre chargé de l'économie de consulter le Conseil national de la consommation préalablement à l'adoption d'un arrêté fixant les modalités selon lesquelles le consommateur est informé sur les prix et les conditions particulières de la vente ; qu'il ressort des pièces du dossier que le Conseil national de la consommation a été consulté sur le projet d'arrêté attaqué selon la procédure écrite prévue à l'article 1er de l'arrêté ministériel du 14 mars 2005 portant règlement intérieur du Conseil national de la consommation ; que, conformément à ces dispositions, un dossier de consultation a été adressé, le 24 septembre 2013 par voie électronique, à l'ensemble des membres du Conseil national de la consommation par le secrétariat de ce Conseil ; que ce dossier de consultation comprenait une lettre de la directrice générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, un projet d'arrêté relatif à l'information préalable du consommateur sur les caractéristiques techniques des offres d'accès à l'internet en situation fixe filaire, une note de présentation exposant les motifs de l'arrêté envisagé ainsi qu'un formulaire de réponse à renvoyer avant le 1er octobre 2013 au secrétariat du Conseil national de la consommation ; qu'il ressort des pièces du dossier que ce délai de réponse était justifié par le lancement imminent d'une nouvelle technologie d'accès à l'internet fixe filaire ; que l'ensemble des membres du Conseil national de la consommation a pris part au vote dans les conditions prévues par l'avant-dernier alinéa de l'article 1er de l'arrêté précité du 14 mars 2005 ; que la circonstance que l'avis du Conseil national de la consommation n'ait pas été publié est sans incidence sur sa régularité ; que l'arrêté attaqué mentionne dans ses visas avoir été adopté après consultation du Conseil national de la consommation ; que, par suite, le Conseil national de la consommation a été régulièrement consulté ;
Sur la légalité interne :
3. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté attaqué a été pris par le ministre chargé de l'économie, sur le fondement des dispositions de l'article L. 113-3 du code de la consommation, en vue d'améliorer l'information préalable du consommateur sur les caractéristiques techniques des offres d'accès à l'internet en situation fixe filaire ;
4. Considérant, d'une part, qu'en vue de poursuivre cet objectif, l'arrêté attaqué est, aux termes de son article 1er, applicable à l'ensemble des fournisseurs de services de communications électroniques qui proposent un accès en situation fixe filaire à l'internet ou à certains de ses services ; qu'aux termes de son article 2, l'arrêté attaqué impose à l'ensemble de ces fournisseurs de services de mettre à la disposition du public des informations pédagogiques au sein d'un espace en ligne dédié à ces informations ; qu'aux termes de son article 3, cet arrêté impose à l'ensemble de ces fournisseurs de services de ne mentionner dans les messages publicitaires et les documents commerciaux relatifs à une offre proposée par un fournisseur de services que le débit utile pour le consommateur, correspondant aux capacités dédiées au protocole internet, exprimé en quantité de données pouvant être échangées par unité de temps ;
5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes des dispositions combinées de l'article 4 de l'arrêté attaqué et du I de l'annexe B à cet arrêté, l'information sur le débit mentionnée dans un message publicitaire ou dans un document commercial portant sur une offre d'accès à internet supportée par le réseau de cuivre est accompagnée d'une mention relative à la longueur de la ligne reliant l'utilisateur à un répartiteur téléphonique ; qu'aux termes des dispositions combinées de l'article 5 de l'arrêté attaqué du II de l'annexe B à cet arrêté, la référence, directe ou indirecte, aux performances relatives au débit d'une offre d'accès à internet supportée par le réseau de cuivre figurant dans un message publicitaire ou dans un document commercial est accompagnée d'une mention relative à la longueur de la ligne reliant l'utilisateur à un répartiteur téléphonique ; que ces dispositions visent les offres d'accès à internet supportées par le réseau de cuivre et non les offres d'accès à internet supportées par d'autres technologies filaires, notamment celles reposant sur le réseau de câbles ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier, et n'est au demeurant pas contesté, que le débit dont bénéficie un utilisateur accédant à internet grâce à une offre supportée par le réseau de cuivre varie de manière importante et définitive en fonction de la longueur de la ligne qui le relie à un répartiteur téléphonique ; qu'à cet égard, les contraintes propres au réseau de cuivre ne sont pas de même nature que celles propres au réseau de câbles, lesquelles tiennent au nombre d'utilisateurs d'une même grappe de logements se connectant de manière simultanée et sont, par suite, susceptibles de connaître des variations au cours d'une période donnée ; que les fournisseurs de services de communications électroniques proposant une offre d'accès à internet supportée par le réseau de cuivre sont ainsi placés dans une situation différente de celle des fournisseurs proposant un offre d'accès internet supportée par le réseau de câbles ; que la société requérante n'établit pas qu'elle se trouverait dans une situation différente de celle des autres fournisseurs de services électroniques proposant des offres d'accès à internet supportées par le réseau de cuivre ; qu'il résulte de ce qui précède qu'en adoptant l'arrêté attaqué, qui répond à l'objectif d'amélioration de l'information consommateur tout respectant la plus grande neutralité possible, d'un point de vue technologique, le ministre chargé de l'économie n'a ni méconnu le principe d'égalité ni, en tout état de cause, le principe de neutralité technologique énoncé au II de l'article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance que les obligations définies par les dispositions de l'arrêté attaqué seraient susceptibles de remettre en cause les stratégies de communication mises en oeuvre par les fournisseurs de services électroniques est sans influence sur la légalité de cet arrêté ;
7. Considérant, en troisième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit, l'arrêté attaqué a été adopté par le ministre chargé de l'économie en vue d'améliorer, sur le fondement de l'article L. 113-3 du code de la consommation, l'information préalable du consommateur ; qu'il est applicable à l'ensemble des fournisseurs de services de communications électroniques ; que si les dispositions combinées de l'article 4 et du I de l'annexe B à cet arrêté, d'une part, ainsi que les dispositions combinées de l'article 5 et du II de l'annexe B à cet arrêté, d'autre part, définissent des obligations applicables uniquement aux offres d'accès à internet supportées par le réseau de cuivre, il est constant que le consommateur d'une offre d'accès à internet supportée par le réseau de cuivre est dans une situation différente de celle du consommateur d'une offre d'accès à internet supportée par une autre technologie filaire ; qu'ainsi, les moyens tirés de ce que l'arrêté attaqué méconnaîtrait les principes de la liberté du commerce et fausserait le jeu de la concurrence ne peuvent qu'être écartés ;
8. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date à laquelle l'arrêté attaqué a été adopté, la France était, au sein de l'Union européenne, l'un des Etats dans lesquels l'écart entre les débits réels des offres d'accès à l'internet supportées par le réseau de cuivre et les débits annoncés pour ces mêmes offres par les fournisseurs de services de communications électroniques était le plus grand ; que le moyen tiré de ce que les mesures prises par le ministre chargé de l'économie en adoptant cet arrêté ne seraient ni nécessaires, ni proportionnées est, par suite, infondé ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Free n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté attaqué ; que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ; qu'il y lieu de laisser à sa charge les entiers dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la société Free est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Free et au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique.