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06/05/2015 | FRANCE | N°375880

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 06 mai 2015, 375880


Vu la procédure suivante :

La société par actions simplifiée Optique de précision Jean Fichou a demandé au tribunal administratif de Melun de lui accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution additionnelle à cet impôt et de prélèvement exceptionnel auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2005 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1007091 du 28 février 2013, le tribunal administratif de Melun a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 13PA01667 du 20 dé

cembre 2013, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé contre c...

Vu la procédure suivante :

La société par actions simplifiée Optique de précision Jean Fichou a demandé au tribunal administratif de Melun de lui accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution additionnelle à cet impôt et de prélèvement exceptionnel auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2005 ainsi que des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1007091 du 28 février 2013, le tribunal administratif de Melun a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 13PA01667 du 20 décembre 2013, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 27 février, 17 avril et 1er décembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Optique de précision Jean Fichou demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Mathieu Herondart, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Odent, Poulet, avocat de la SAS Optique de précision Jean Fichou ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Optique de précision Jean Fichou était propriétaire d'un bien immobilier à Fresnes qu'elle occupait en partie, le reste des locaux étant donné en location ; que, par un acte notarié du 24 février 2006, elle a vendu cet immeuble à la société civile immobilière La Garenne avec effet rétroactif au 30 septembre 2005 pour un montant de 290 000 euros, le gérant de cette dernière société étant également le président de la société Optique de précision Jean Fichou ; que la société Optique de précision Jean Fichou a déclaré la plus-value relative à cette cession au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2005 ; qu'à la suite d'une vérification de la comptabilité de cette société, l'administration a estimé que la cession avait eu lieu à un prix minoré constitutif d'un acte anormal de gestion et lui a notifié un rehaussement d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2005 à raison d'un complément de plus-value de cession ; que la société Optique de précision Jean Fichou se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 20 décembre 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel formé contre le jugement du 28 février 2013 rejetant sa demande en décharge de l'imposition litigieuse ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. / 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'un bilan doit être établi à la date de clôture de chaque période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt et que ce bilan doit exprimer de manière régulière et sincère la situation de l'entreprise, telle qu'elle résulte à cette date des opérations de toute nature faites par l'entreprise ; que si, parmi ces opérations, figurent des contrats conclus avec des tiers dans le cadre d'une gestion commerciale normale, les conséquences de ces contrats pour l'entreprise, qu'il s'agisse des droits et des obligations résultant de leurs stipulations ou des profits et des charges entraînés par leur exécution, doivent donc être reprises dans le bilan établi à la date de clôture de la période au cours de laquelle les contrats ont été conclus, mais ne peuvent l'être dans le bilan précédent, expression de la situation de l'entreprise à une date à laquelle les contrats n'étaient pas encore conclus ; que, par suite, lorsqu'un effet rétroactif est attaché à ces contrats par la volonté des parties ou par la loi civile ou commerciale, les conséquences de cette rétroactivité peuvent affecter les résultats de la période au cours de laquelle de pareils contrats ont été effectivement conclus, mais ne peuvent en aucun cas conduire à rectifier ceux de la période précédente ;

3. Considérant qu'en jugeant que l'inscription de la plus-value au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2005 en raison du caractère rétroactif de l'acte de vente du 24 février 2006 constituait une décision de gestion opposable à l'entreprise justifiant le rattachement de la partie de la plus-value non déclarée au même exercice, alors qu'une telle décision ne pouvait faire obstacle au rattachement de cette partie de la plus-value à l'exercice au cours de laquelle l'acte de vente a été conclu, la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit ;

4. Considérant que, si le ministre des finances et des comptes publics soutient que cette partie de la plus-value pouvait être rattachée à l'exercice clos le 30 septembre 2005 dès lors que le transfert de propriété serait intervenu à cette date et que le bien immobilier n'apparaîtrait plus au bilan de clôture de l'exercice, ce motif, qui ne répond pas à un moyen invoqué devant les juges du fond, n'est pas d'ordre public et implique l'appréciation de circonstances de fait, ne saurait être substitué au motif erroné en droit retenu par l'arrêt attaqué ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la société Optique de précision Jean Fichou est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Optique de précision Jean Fichou, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 20 décembre 2013 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à la société Optique de précision Jean Fichou au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société par actions simplifiée Optique de précision Jean Fichou et au ministre des finances et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 375880
Date de la décision : 06/05/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 06 mai. 2015, n° 375880
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Mathieu Herondart
Rapporteur public ?: Mme Nathalie Escaut
Avocat(s) : SCP ODENT, POULET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:375880.20150506
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