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06/05/2015 | FRANCE | N°365503

France | France, Conseil d'État, 5ème sous-section jugeant seule, 06 mai 2015, 365503


Vu la décision du 21 octobre 2013 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi du centre hospitalier de Voiron dirigées contre l'arrêt n° 11LY02771, 11LY02824 du 29 novembre 2012 de la cour administrative d'appel de Lyon en tant qu'il se prononce sur les préjudices de Mme B... consistant dans des pertes de revenus et une incidence professionnelle ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en sé

ance publique :

- le rapport de M. Charles Touboul, maître des requêtes,

- les conclu...

Vu la décision du 21 octobre 2013 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi du centre hospitalier de Voiron dirigées contre l'arrêt n° 11LY02771, 11LY02824 du 29 novembre 2012 de la cour administrative d'appel de Lyon en tant qu'il se prononce sur les préjudices de Mme B... consistant dans des pertes de revenus et une incidence professionnelle ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Charles Touboul, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Fabienne Lambolez, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Le Prado, avocat du centre hospitalier de Voiron, à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de Mme B..., à la SCP Boutet, Hourdeaux, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère et à la SCP Roger, Sevaux, Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, le 31 août 2005, MmeB..., a subi au centre hospitalier de Voiron une intervention chirurgicale consistant dans la pose d'une prothèse de soutènement urétral ; qu'elle a été victime dans la nuit du 16 au 17 septembre 2005 d'un sepsis sévère associant une pleuropneumopathie, une septicémie et une sacro-iliite droite dont elle a conservé des douleurs lombaires permanentes rendant l'appui et la marche difficiles ; que, par un jugement du 27 septembre 2011, le tribunal administratif de Grenoble, retenant le caractère nosocomial de l'infection, a condamné le centre hospitalier à verser à Mme B... une indemnité de 41 280 euros en réparation des préjudices subis et à rembourser à la CPAM de l'Isère les débours exposés par elle à hauteur de 101 173 euros ; que, par un arrêt du 29 novembre 2012, la cour administrative d'appel de Lyon a porté à 54 713 euros l'indemnité allouée à Mme B...et, pour le surplus, confirmé la décision des premiers juges ; que, saisi d'un pourvoi en cassation du centre hospitalier de Voiron, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a prononcé l'admission des conclusions de ce pourvoi dirigées contre l'arrêt de la cour administrative de Lyon en tant seulement qu'il se prononce sur les préjudices de Mme B...consistant dans des pertes de revenus et une incidence professionnelle ;

2. Considérant, d'une part, qu'en application des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction résultant de la loi du 21 décembre 2006 relative au financement de la sécurité sociale, le juge saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel et du recours subrogatoire d'un organisme de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudices, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime ; qu'il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste de préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime ; que le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste de préjudice qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 341-1 du code de la sécurité sociale : " L'assuré a droit à une pension d'invalidité lorsqu'il présente une invalidité réduisant dans des proportions déterminées, sa capacité de travail ou de gain, c'est-à-dire le mettant hors d'état de se procurer, dans une profession quelconque, un salaire supérieur à une fraction de la rémunération normale perçue dans la même région par des travailleurs de la même catégorie, dans la profession qu'il exerçait avant la date de l'interruption de travail suivie d'invalidité ou la date de la constatation médicale de l'invalidité si celle-ci résulte de l'usure prématurée de l'organisme " ; qu'eu égard à la finalité de réparation d'une incapacité permanente de travail qui lui est assignée par ces dispositions législatives et à son mode de calcul, en fonction du salaire, fixé par l'article R. 341-4 du code de la sécurité sociale, la pension d'invalidité doit être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire ses pertes de revenus professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité ; que, dès lors, le recours exercé par une caisse de sécurité sociale au titre d'une pension d'invalidité ne saurait s'exercer que sur ces deux postes de préjudice ;

4. Considérant que, pour se conformer aux règles rappelées ci-dessus, il appartenait aux juges du fond de déterminer, en premier lieu, si l'incapacité conservée par Mme B... en raison des fautes commises par le centre hospitalier de Voiron entraînait des pertes de revenus professionnels et une incidence professionnelle et, dans l'affirmative, d'évaluer ces postes de préjudice sans tenir compte, à ce stade, du fait qu'ils donnaient lieu au versement d'une pension d'invalidité ; que, pour déterminer ensuite dans quelle mesure ces préjudices étaient réparés par la pension, il y avait lieu de regarder cette prestation comme réparant prioritairement les pertes de revenus professionnels et, par suite, comme ne réparant tout ou partie de l'incidence professionnelle que si la victime ne subissait pas de pertes de revenus ou si le montant de ces pertes était inférieur au capital représentatif de la pension ; que, dès lors qu'il avait été définitivement jugé que les fautes commises par le centre hospitalier engageaient son entière responsabilité, le montant intégral des pertes de revenus et de l'incidence professionnelle devait être mis à sa charge ; que la victime devait se voir allouer, le cas échéant, une somme correspondant à la part de ces postes de préjudice non réparée par la pension, évaluée ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le solde étant versé à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère ;

5. Considérant que, par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Lyon a, s'agissant des pertes de revenus, d'une part, rejeté les conclusions de Mme B...au motif qu'elle n'établissait pas que ces pertes n'avaient pas été entièrement compensées par les indemnités journalières et la rente d'invalidité versées par la CPAM de l'Isère et, d'autre part, confirmé la condamnation du centre hospitalier de Voiron à rembourser ces prestations à la caisse par le versement d'une somme de 62 619 euros pour la période antérieure au 7 juillet 2011 et d'une rente annuelle de 8 820 euros pour la période ultérieure ; que la cour a, par ailleurs, mis à la charge du centre hospitalier le versement à Mme B...d'une indemnité de 10 000 euros au titre de l'incidence de l'infection sur sa vie professionnelle ; qu'en procédant de la sorte, sans déterminer le montant des pertes de revenus avant compensation par les prestations et sans procéder à l'imputation de ces prestations par priorité sur ce montant puis au besoin sur celui qu'elle retenait au titre de l'incidence professionnelle, la cour n'a pas mis en oeuvre les règles rappelées ci-dessus et a ainsi commis une erreur de droit ; que son arrêt doit, par suite, être annulé en tant qu'il se prononce sur les pertes de revenus et l'incidence professionnelle et condamne le centre hospitalier à verser à ce titre à la CPAM de l'Isère et à Mme B...les sommes mentionnées ci-dessus ;

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les sommes demandées sur leur fondement par Mme B... et la CPAM de l'Isère soient mises à la charge du centre hospitalier de Voiron qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 29 novembre 2012 est annulé en tant qu'il se prononce sur l'indemnisation des pertes de revenus et de l'incidence professionnelle subies par Mme B...et condamne à ce titre le centre hospitalier de Voiron à verser à la CPAM de l'Isère une indemnité de 62 619 euros et une rente de 8 820 euros à compter du 7 juillet 2011, et à Mme B...une indemnité de 10 000 euros.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la mesure de la cassation ainsi prononcée, à la cour administrative d'appel de Lyon.

Article 3 : Les conclusions présentées par la CPAM de l'Isère et Mme B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au centre hospitalier de Voiron, à Mme A...B..., à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.


Synthèse
Formation : 5ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 365503
Date de la décision : 06/05/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 06 mai. 2015, n° 365503
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Charles Touboul
Rapporteur public ?: Mme Fabienne Lambolez
Avocat(s) : SCP ROGER, SEVAUX, MATHONNET ; SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP BOUTET, HOURDEAUX ; LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:365503.20150506
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