Vu la procédure suivante :
Mme B...A...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux de suspendre l'exécution de la décision n° 314/2014 du 17 septembre 2014 du directeur du centre hospitalier de Fumel l'affectant, à la reprise de son travail, dans les fonctions de " responsable du développement des activités externes" et d'enjoindre au directeur de la rétablir dans ses précédentes fonctions. Par une ordonnance n° 1404812 du 18 décembre 2014, le juge des référés du tribunal administratif, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a fait droit à ces conclusions.
1° Sous le n° 386847, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 2 et 19 janvier et 6 février 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le centre hospitalier de Fumel demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant au titre de la procédure de référé, de rejeter la demande formée par Mme A... ;
3°) de mettre à la charge de Mme A...le versement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n° 387207, par une requête, enregistrée le 19 janvier 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le centre hospitalier de Fumel demande au Conseil d'Etat :
1°) d'ordonner le sursis à exécution de la même ordonnance ;
2°) subsidiairement, d'ordonner à ce qu'il soit sursis à l'exécution de cette ordonnance en tant qu'elle lui ordonne, à l'article 2 du dispositif, de réintégrer provisoirement Mme A...dans les fonctions d'encadrement au sein du service de médecine ;
3°) de mettre à la charge de Mme A...le versement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Le centre hospitalier invoque les mêmes moyens que dans son pourvoi en cassation enregistré sous le n° 386847 et soutient en outre que :
- les moyens qu'il soulève contre l'ordonnance attaquée sont non seulement sérieux, mais de nature à justifier l'infirmation de la solution retenue par le juge des référés, tant à l'article 1er qu'à l'article 2 de l'ordonnance attaquée ;
- l'exécution de l'ordonnance attaquée risque d'entraîner pour le centre hospitalier des conséquences difficilement réparables ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er avril 2015, Mme A...conclut au rejet de la requête à fin de sursis à exécution et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge du centre hospitalier au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Pour un mémoire en réplique, enregistré le 8 avril 2015, le centre hospitalier de Fumel maintient les conclusions de sa requête par les mêmes moyens.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 2012-1466 du 26 décembre 2012 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Charles Touboul, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Fabienne Lambolez, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Didier, Pinet, avocat du centre hospitalier de Fumel et à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, Poupot, avocat de MmeA... ;
1. Considérant que le pourvoi et la requête visés ci-dessus sont dirigés contre la même ordonnance ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés qu'à la suite du signalement à la direction du centre hospitalier de Fumel, effectué le 1er février 2013 par MmeA..., cadre supérieur de santé paramédical, dans l'exercice de ses fonctions d'encadrement au sein du service de médecine, de l'absence de traçabilité de la prescription médicale et de l'injection d'un produit sédatif administré le 26 janvier précédent à une patiente de l'unité de soins palliatifs peu avant son décès, cette unité a connu une crise importante qui s'est notamment traduite par la démission du médecin responsable des lits identifiés en soins palliatifs, la fermeture temporaire des deux tiers de ces lits et des signalements de harcèlement moral et de souffrance au travail par des agents du service à l'encontre de Mme A... ; que celle-ci, victime d'un syndrome anxio-dépressif reconnu comme la conséquence d'un accident du travail, a été placée en arrêt maladie ; qu'après qu'elle a été reconnue apte à reprendre son travail dans le cadre d'un mi-temps thérapeutique par la commission de réforme, le directeur de l'établissement a, le 17 septembre 2014, décidé de la muter dans l'intérêt du service et de l'affecter sur un poste nouvellement créé de " responsable du développement des activités externes " ; que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux, estimant satisfaite la condition d'urgence, a regardé comme de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de cette décision d'affectation le moyen tiré de ce qu'elle constituait en réalité une mesure de sanction déguisée ;
4. Considérant que le juge des référés, qui a énoncé les motifs pour lesquels il regardait ce moyen comme sérieux, a fondé cette appréciation sur la circonstance que Mme A... avait été affectée sur un poste " dépourvu de tout contenu substantiel " en rapport avec les responsabilités qu'elle avait vocation à assumer et qu'elle se trouvait " marginalisée dans sa communauté de travail " ; qu'en se fondant uniquement, pour retenir l'existence d'un doute sérieux relatif à l'existence d'une sanction déguisée, sur les effets de la mesure litigieuse sur la situation de l'intéressée, sans rechercher si cette mesure procédait d'une volonté de la sanctionner, et alors qu'il relevait au contraire que le centre hospitalier ne soutenait pas que Mme A... aurait commis des fautes dans l'exercice de ses missions, le juge des référés a commis une erreur de droit ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que le centre hospitalier de Fumel est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque ; que cette annulation prive d'objet ses conclusions à fin de sursis à exécution de cette ordonnance ; qu'il n'y a, dès lors, pas lieu de statuer sur ces conclusions ;
6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par Mme A...;
7. Considérant que l'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ;
8. Considérant que la mesure contestée ne modifie pas la situation financière de MmeA... ; que si celle-ci déclare ressentir son affectation dans de nouvelles fonctions comme une mise en cause de ses qualités professionnelles et une " mise au placard ", il ressort des pièces du dossier que le " responsable du développement des activités externes " est chargé d'un projet qui implique un travail délicat de coordination et d'interface avec des services extérieurs ; qu'une telle fonction, alors même qu'elle ne comporte pas de responsabilités d'encadrement, est de la nature de celles qui peuvent être confiées à un cadre supérieur de santé paramédical ; que le poste nouvellement créé s'inscrit dans les objectifs du projet d'établissement et revêt un contenu réel, qu'il appartient à son titulaire de développer ; que, consciente de la fragilité de l'état de santé de MmeA..., la direction de l'établissement s'est efforcée de lui assurer un accompagnement et une protection dans le cadre de sa reprise de fonctions ; que le centre hospitalier établit par ailleurs l'intérêt qui s'attache, pour la sérénité du climat de travail dans son ancien service, à ce que l'intéressée ne soit pas réintégrée au sein de ce service aussi longtemps que les mesures de réorganisation engagées dans le courant de l'année 2013 n'auront pas produit tous leurs effets ; que, dans ces conditions, il n'apparaît pas, en l'état de l'instruction, que l'urgence, qui doit s'apprécier objectivement et globalement, justifie la suspension de l'exécution de la décision du centre hospitalier de Fumel de nommer Mme A...sur de nouvelles fonctions de " responsable du développement des activités externes " ; que l'une des conditions posées par l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'étant pas remplie, la demande de suspension présentée par Mme A... devant le juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux ne saurait en tout état de cause être accueillie, non plus que ses conclusions à fin d'injonction ;
9. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A...les sommes demandées par le centre hospitalier de Fumel au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du centre hospitalier qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 18 décembre 2014 du juge des référés du tribunal administratif de Bordeaux est annulée.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du centre hospitalier de Fumel tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de cette ordonnance.
Article 3 : La demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif de Bordeaux est rejetée ainsi que les conclusions du centre hospitalier de Fumel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au centre hospitalier de Fumel et à Mme B...A....