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15/04/2015 | FRANCE | N°369521

France | France, Conseil d'État, 10ème / 9ème ssr, 15 avril 2015, 369521


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société LPG Systems a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge du prélèvement à la source de 15 % auquel elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2000 et 2001 et de l'amende de 5 % qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1731 du code général des impôts. Par un jugement n° 0704219 du 28 juin 2012, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 12LY02002 du 23 avril 2013, la cour administrative d'appel de Ly

on, après avoir annulé l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Grenoble, a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société LPG Systems a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge du prélèvement à la source de 15 % auquel elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2000 et 2001 et de l'amende de 5 % qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1731 du code général des impôts. Par un jugement n° 0704219 du 28 juin 2012, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 12LY02002 du 23 avril 2013, la cour administrative d'appel de Lyon, après avoir annulé l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Grenoble, a fait droit à l'appel de la société LPG Systems et l'a déchargée de ce prélèvement à la source et de cette amende.

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 juin 2013 et 23 avril 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre délégué chargé du budget demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler les articles 1er et 2 de l'arrêt n° 12LY02002 du 23 avril 2013 de la cour administrative d'appel de Lyon ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention entre le Gouvernement de la République française et le gouvernement des Etats-Unis d'Amérique, en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, signée à Paris le 31 août 1994 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Romain Godet, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de la société LPG Systems ;

1. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 57 du code général des impôts rendu applicable à l'impôt sur les sociétés par l'article 209 du même code : " Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités. Il est procédé de même à l'égard des entreprises qui sont sous la dépendance d'une entreprise ou d'un groupe possédant également le contrôle d'entreprises situées hors de France. (...) " ; qu'aux termes de l'article 109 du même code : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital (....) " ; qu'aux termes de l'article 110 du même code : " Pour l'application du 1° du 1 de l'article 109 les bénéfices s'entendent de ceux qui ont été retenus pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés. Toutefois, ces bénéfices sont augmentés de ceux qui sont légalement exonérés dudit impôt, y compris les produits déductibles du bénéfice net en vertu du I de l'article 216, ainsi que des bénéfices que la société a réalisés dans des entreprises exploitées hors de France et diminués des sommes payées au titre de l'impôt sur les sociétés. " ;

2. Considérant, d'autre part, que selon le 2 de l'article 3 de la convention conclue le 31 août 1994 entre la France et les Etats-Unis d'Amérique en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune : " Pour l'application de la convention par chacun des Etats, toute expression qui n'est pas autrement définie a le sens qui lui est attribué par la législation de cet Etat régissant les impôts faisant l'objet de la convention, à moins que le contexte n'exige une interprétation différente " ; qu'aux termes de son article 10 : " 1. Les dividendes payés par une société qui est un résident d'un Etat contractant à un résident de l'autre Etat contractant sont imposables dans cet autre Etat. / 2. Ces dividendes sont aussi imposables dans l'Etat contractant dont la société qui paie les dividendes est un résident, et selon la législation de cet Etat, mais si leur bénéficiaire effectif est un résident de l'autre Etat contractant, l'impôt ainsi établi ne peut excéder : (...) 15 % du montant des dividendes dans tous les autres cas (...) 5. a) Le terme " dividende " désigne les revenus d'actions, actions ou bon de jouissance, parts de mines, parts de fondateur ou autre parts bénéficiaires à l'exceptions des créances, ainsi que les revenus soumis au régime des distributions par la législation fiscale de l'Etat contractant dont la société distributrice est un résident (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'en application d'un accord transactionnel conclu le 13 janvier 2000 entre les sociétés LPG USA, LPG Systems, Luxar Corporation et ESC Medical, et ayant pour objet de mettre fin à un différend survenu aux Etats-Unis d'Amérique, la société LPG USA, filiale américaine de la société LPG Systems, a bénéficié du versement d'une indemnité et de l'attribution de stock-options sur les titres de la société ESC Medical ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 1999, 2000 et 2001, l'administration a réintégré au résultat fiscal de la société LPG Systems, en application de l'article 57 du code général des impôts, les sommes résultant du versement de cette indemnité ainsi que des gains issus de l'attribution et de l'exercice de ces stock-options, qu'elle a regardées comme un avantage abandonné par la société LPG Systems à la société LPG USA ; qu'elle a également considéré que ces sommes constituaient un revenu distribué pour la société LPG Systems, au sens du 1° du 1 de l'article 109 du code général des impôts, passible de la retenue à la source prévue par le 2° de l'article 119 bis du même code ; qu'après avoir appliqué, dans un premier temps, le taux légal de 25 % en matière de retenue à la source, elle a appliqué, dans un second temps, le taux de 15 % prévu par la convention franco-américaine du 31 août 1994, et a prononcé en conséquence un dégrèvement du montant correspondant ; que la cour administrative d'appel de Lyon, après avoir annulé l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Grenoble rejetant la demande de décharge du prélèvement à la source pratiqué sur les sommes versées à la société LPG USA en application du protocole transactionnel précité, a prononcé la décharge de ce prélèvement ;

4. Considérant que, sous réserve de dénaturation, il n'appartient pas au Conseil d'Etat, juge de cassation, de contrôler l'interprétation faite par les juges du fond de la commune intention des parties à un contrat de transaction ;

5. Considérant, en premier lieu, que dans le cadre de son pouvoir souverain d'appréciation, la cour a estimé, eu égard au montant du préjudice subi par la société LPG USA à raison des agissements des sociétés ESC Medical et Luxar Corporation tel qu'il ressortait des éléments présentés par les parties, que seul le versement d'une somme de 3,5 millions de dollars en application de l'accord transactionnel du 13 janvier 2000 pouvait être regardé comme la contrepartie de ce préjudice et que, par suite, l'attribution, en plus de cette somme, de stock-options sur les titres de la société ESC Medical n'avait pas pour objet d'indemniser ce préjudice ; qu'ainsi, elle a pu, sans entacher son arrêt de contradiction, juger que l'attribution de ces stock-options à la société LPG USA constituait un avantage qui n'était justifié dans la transaction par aucune contrepartie alors que la société LPG Systems, partie à la transaction, n'avait bénéficié d'aucun versement de la part des sociétés ESC Medical et Luxar Corporation ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'après avoir relevé que les stipulations de l'accord transactionnel prévoyaient, comme contrepartie aux obligations souscrites à l'égard de la société LPG Systems par les sociétés Luxar Corporation et ESC Medical, l'attribution de stock-options sur les titres de cette dernière, la cour a pu, dans le cadre d'une appréciation souveraine exempte de dénaturation, juger que cette contrepartie abandonnée par la société LPG Systems à la société LPG USA consistait dans la seule valeur de l'option d'achat ou de souscription de ces titres, à la date de son attribution ; que dès lors que n'était pas en cause la taxation des gains résultant de la levée de l'option et de la vente des titres de ESC Medical chez la société LPG USA, et qu'il n'était pas contesté devant elle que cette attribution était intervenue au cours de l'année 2000, elle a pu juger, sans erreur de droit, que cet avantage ne pouvait pas être imposé au titre de l'année 2001 chez la société LPG Systems ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué, qui est suffisamment motivé ;

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la société LPG Systems présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de ces dispositions ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi du ministre délégué chargé du budget est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la société LPG Systems une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre des finances et des comptes publics ainsi qu'à la société LPG Systems.


Synthèse
Formation : 10ème / 9ème ssr
Numéro d'arrêt : 369521
Date de la décision : 15/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - REQUÊTES AU CONSEIL D'ETAT - RECOURS EN CASSATION - CONTRÔLE DU JUGE DE CASSATION - APPRÉCIATION SOUVERAINE DES JUGES DU FOND - INTERPRÉTATION D'UN CONTRAT DE TRANSACTION.

19-02-045-01-02-04 Sous réserve de dénaturation, il n'appartient pas au Conseil d'Etat, juge de cassation, de contrôler l'interprétation faite par les juges du fond de la commune intention des parties à un contrat de transaction conclu sur le fondement de l'article 2044 du code civil.

PROCÉDURE - VOIES DE RECOURS - CASSATION - CONTRÔLE DU JUGE DE CASSATION - BIEN-FONDÉ - APPRÉCIATION SOUVERAINE DES JUGES DU FOND - INTERPRÉTATION D'UN CONTRAT DE TRANSACTION.

54-08-02-02-01-03 Sous réserve de dénaturation, il n'appartient pas au Conseil d'Etat, juge de cassation, de contrôler l'interprétation faite par les juges du fond de la commune intention des parties à un contrat de transaction conclu sur le fondement de l'article 2044 du code civil.


Publications
Proposition de citation : CE, 15 avr. 2015, n° 369521
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Romain Godet
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP BOUZIDI, BOUHANNA

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:369521.20150415
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