Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et deux mémoires en réplique, enregistrés les 22 mai, 23 août 2013, 15 janvier et 18 mars 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association calédonienne pour la liberté d'expression et le pluralisme des médias, le parti " Calédonie-Ensemble " et M. B... A...demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 22 janvier 2013 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a autorisé l'association Image-Communication-Information (ICI) à exploiter un service de télévision locale généraliste dénommé NC9 diffusant en mode numérique en Nouvelle-Calédonie ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 ;
- la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Manon Perrière, auditeur,
- les conclusions de Mme Fabienne Lambolez, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, avocat de l'Association calédonienne pour la liberté d'expression et le pluralisme des médias, du parti " Calédonie-Ensemble " et de M.A... ;
1. Considérant que, par décision du 18 janvier 2011, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a procédé, sur le fondement de l'article 30-1 de la loi du 30 septembre 1986, à un appel à candidatures pour l'exploitation en Nouvelle-Calédonie de deux services de télévision diffusés par voie hertzienne en mode numérique, à temps complet ; qu'après avoir reporté au 31 mai 2011 la date limite de dépôt des candidatures et admis la recevabilité des deux candidatures reçues, le CSA a, par ses décisions n° 2013-182 et n° 2013-183 du 22 janvier 2013, autorisé respectivement la société d'économie mixte locale de Télévision-Radio à exploiter un service de télévision locale en mode numérique intitulé " NC.TV " et l'association Image-Communication-Information (ICI) à exploiter un service de télévision locale en mode numérique intitulé " NC9 " ; que l'Association calédonienne pour la liberté d'expression et le pluralisme des médias, le parti " Calédonie-Ensemble " et M. A...demandent l'annulation pour excès de pouvoir de la décision n° 2013-183 du CSA autorisant l'association ICI à exploiter le service " NC9 " ;
Sur la légalité externe de la décision attaquée :
2. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que les membres du CSA ont reçu communication, le 18 janvier 2013, des dossiers qui devaient être examinés lors de la séance du 22 janvier 2013, au cours de laquelle la décision attaquée a été adoptée ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que ces dossiers ne leur auraient pas été communiqués vingt-quatre heures au moins avant la séance, comme l'exige le règlement intérieur du CSA, manque en fait ;
3. Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée a été adoptée lors de la réunion plénière du 22 janvier 2013 en présence de l'ensemble des membres du CSA ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que la règle de quorum applicable aurait été méconnue manque en fait ;
4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 6-1 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie : " I. - Les lois et, lorsqu'ils sont publiés au Journal officiel de la République française, les actes administratifs entrent en vigueur en Nouvelle-Calédonie à la date qu'ils fixent ou, à défaut, le dixième jour qui suit leur publication au Journal officiel de la République française. (...) / V. Les dispositions législatives et réglementaires applicables en Nouvelle-Calédonie sont publiées, pour information, au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie " ; qu'aux termes de l'article 32 de la loi du 30 septembre 1986 : " Les autorisations prévues (...) sont publiées au Journal officiel de la République française avec les obligations dont elles sont assorties " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'entrée en vigueur de la décision n° 2011-171 du 22 mars 2011 reportant la date de dépôt des candidatures au 31 mai 2011 était uniquement subordonnée à sa publication au Journal officiel de la République française, qui est intervenue de manière régulière le 28 avril 2011 ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la procédure d'appel à candidatures aurait été irrégulière en l'absence de publication de cette décision de report au Journal officiel de la Nouvelle-Calédonie avant la date de ce report doit être écarté ;
5. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 37 de la loi organique du 19 mars 1999 : " Le gouvernement est consulté en matière de communication audiovisuelle : / (...) - par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, sur toute décision réglementaire ou individuelle relevant de sa compétence (...), lorsque ces décisions intéressent la Nouvelle-Calédonie " ; qu'il ressort des pièces du dossier que le CSA a, le 26 décembre 2011, demandé son avis au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie sur la liste des candidats qu'il envisageait de retenir, en joignant une fiche détaillant la programmation et le plan de financement de chaque candidat ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la consultation n'aurait pas été régulière doit être écarté ;
6. Considérant, enfin, qu'il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, le dossier de candidature déposé par l'association ICI le 31 mai 2011 ne faisait pas mention d'un budget de fonctionnement de 1,2 milliard de francs CFP ; que le moyen tiré de ce que le CSA ne pouvait légalement accueillir la candidature de l'association dès lors que le montant de ce budget avait été substantiellement revu à la baisse après la date limite de dépôt des candidatures manque en fait ;
Sur la légalité interne de la décision attaquée :
7. Considérant qu'en prévoyant à l'article 30-1 de la loi du 30 septembre 1986 que le CSA délivre les autorisations relatives aux services de télévision par voie hertzienne terrestre en mode numérique " en appréciant l'intérêt de chaque projet pour le public au regard des impératifs prioritaires et des critères mentionnés aux articles 29 et 30 ", le législateur a entendu se référer à ceux des impératifs et critères qui sont prévus à l'article 29 pour les services radiophoniques, que l'article 30 rend applicables aux services de télévision en mode analogique ; qu'il a ainsi rendu applicables aux services de télévision en mode numérique les dispositions des sixième à douzième alinéa de l'article 29 ;
8. Considérant, d'une part, qu'il résulte des dispositions du sixième alinéa de l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 que le CSA accorde les autorisations en appréciant notamment l'intérêt de chaque projet pour le public, au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socio-culturels, la diversification des opérateurs et la nécessité d'éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'autre service autorisé en Nouvelle-Calédonie par une décision du 22 janvier 2013, " NC.TV ", qui s'adresse à tout type de publics, est un service généraliste ancré localement et qui défend l'identité kanak, tandis que le service " NC9 " accorde une place importante à l'information et se présente comme une chaîne consensuelle avec deux rédactions indépendantes, l'une oeuvrant pour l'indépendance, l'autre pour le maintien de la Nouvelle-Calédonie au sein de la République française ; qu'en outre, il ressort des pièces du dossier que l'association ICI ne dispose que d'une autorisation d'usage de la ressource radioélectrique et n'est pas rattachée à un groupe audiovisuel qui disposerait d'autres autorisations ; que, dans ces conditions, en délivrant à l'association ICI l'autorisation contestée, le CSA, qui a accueilli les deux candidatures qui lui étaient soumises, n'a méconnu ni l'objectif de sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socio-culturels ni l'impératif de diversification des opérateurs et a pris en compte l'intérêt pour le public des programmes, ainsi que la loi lui en fait l'obligation ;
9. Considérant, d'autre part, qu'il résulte des dispositions du huitième alinéa de l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 que le CSA accorde les autorisations en tenant compte, notamment, du financement et des perspectives d'exploitation du service ; qu'il ressort des pièces du dossier que, si le plan de financement de l'association ICI reposait exclusivement, pour les cinq premières années d'exploitation, sur un financement public, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et la province Sud avaient, à la date de la décision attaquée, souscrit des engagements fermes pour assurer le financement d'une partie importante du projet au cours de la première année et que le gouvernement ainsi que la commune de Nouméa avaient exprimé l'intention d'assurer une part substantielle de ce financement au cours de chacune des années suivantes ; qu'il ressort également des pièces du dossier qu'aucun autre éditeur de services n'avait présenté sa candidature au cours des deux années durant lesquelles s'était déroulée la procédure et qu'aucune autre candidature n'était prévisible à terme à la date de la décision attaquée ; que, dans ces conditions, et alors que l'autorisation prévoit que le CSA peut constater sa caducité au terme d'un délai de neuf mois si les émissions n'ont pas débuté, ce qui lui permettrait de lancer un nouvel appel aux candidatures afin d'attribuer à un autre opérateur la fréquence ainsi libérée, l'instance de régulation n'a pas commis d'erreur d'appréciation en délivrant l'autorisation contestée plutôt que de laisser inutilisée la fréquence correspondante, faute de projet alternatif ;
10. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 35 de la loi de 1986 : " Il est interdit de prêter son nom, de quelque manière que ce soit, à toute personne qui se porte candidate à la délivrance d'une autorisation relative à un service de communication audiovisuelle " ; qu'il ressort des pièces du dossier, contrairement à ce qui est soutenu, que l'association ICI, déclarée auprès du haut-commissaire de la République le 22 mars 2011 et constituée pour éditer le service de télévision " NC9 ", a fait acte de candidature en son nom propre et n'a aucunement prêté son nom, au sens de ces dispositions ; que le moyen tiré de leur méconnaissance doit donc être écarté ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée à la requête par le CSA, que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de la décision attaquée ; que les conclusions qu'ils ont présentées au titre de l'article L.761-1 du code de la justice administrative doivent, en conséquence, être rejetées ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de l'Association calédonienne pour la liberté d'expression et le pluralisme des médias, du parti " Calédonie-Ensemble " et de M. A... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'Association calédonienne pour la liberté d'expression et le pluralisme des médias, au parti " Calédonie-Ensemble ", à M. B... A...et au Conseil supérieur de l'audiovisuel.
Copie en sera adressée pour information à l'association Image-Communication-Information et à la ministre de la culture et de la communication.