Vu la procédure suivante :
M. et Mme B... A...ont demandé au tribunal administratif d'Orléans la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2004. Par un jugement n° 0803905, 0901259 du 11 octobre 2011, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande.
Par un arrêt n° 11NT03168 du 31 janvier 2013, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par M. et Mme A... contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 29 mars 2013, 28 juin 2013 et 27 septembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme A... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;
3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 ;
- la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 ;
- le décret n° 2003-1384 du 31 décembre 2003 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Luc Matt, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Le Prado, avocat de M. et Mme A...;
1. Considérant qu'aux termes du I de l'article 150 UB du code général des impôts, dans sa rédaction résultant de la loi du 30 décembre 2003 de finances pour 2004, applicable aux gains nets tirés de cessions à titre onéreux de valeurs mobilières et de droits sociaux de sociétés non cotées soumises à l'impôt sur les sociétés dont l'actif satisfait aux conditions qu'il prévoit, acquis avant le 21 novembre 2003 et cédés entre le 1er janvier 2004 et le 31 décembre 2004 : " Les gains nets retirés de cessions à titre onéreux de droits sociaux de sociétés ou groupements qui relèvent des articles 8 à 8 ter, dont l'actif est principalement constitué d'immeubles ou de droits portant sur ces biens, sont soumis exclusivement au régime d'imposition prévu au I et au 1° du II de l'article 150 U. Pour l'application de cette disposition, ne sont pas pris en considération les immeubles affectés par la société à sa propre exploitation industrielle, commerciale, agricole ou à l'exercice d'une profession non commerciale " ; que l'article 50 de la loi du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004 a remplacé, à compter du 1er janvier 2005, la seconde phrase du I de cet article par les dispositions suivantes : " Pour l'application de cette disposition, sont considérées comme sociétés à prépondérance immobilière les sociétés dont l'actif est, à la clôture des trois exercices qui précèdent la cession, constitué pour plus de 50 % de sa valeur réelle par des immeubles ou des droits portant sur des immeubles, non affectés par ces sociétés à leur propre exploitation industrielle, commerciale, agricole ou à l'exercice d'une profession non commerciale ", reprenant celles de l'article réglementaire 74 SB de l'annexe II au code général des impôts, abrogé à compter de la même date ;
2. Considérant que pour déterminer le régime d'imposition applicable à la plus-value de cession des parts sociales détenues par M. et Mme A...dans la SCI 4M, réalisée le 26 novembre 2004, la cour s'est fondée sur les dispositions du I de l'article 150 UB du code général des impôts dans la version résultant de l'article 50 de la loi du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004, seulement applicable pour l'imposition des plus-values résultant de cessions intervenues à compter du 1er janvier 2005 ; qu'elle a ainsi commis une erreur de droit ;
3. Considérant, toutefois, que le ministre soutient que doit être substitué à ce motif erroné celui, qu'il avait invoqué devant les juges du fond et dont l'examen n'implique l'appréciation d'aucune circonstance de fait, tiré de l'application des dispositions combinées du I de l'article 150 UB du code général des impôts, dans la version issue de la loi du 30 décembre 2003 de finances pour 2004, et de l'article 74 SB de l'annexe II au code général des impôts, également applicables aux impositions litigieuses, ces dernières étant identiques à celles, insérées à l'article 150 UB du même code par la loi du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004, dont la cour a fait application ;
4. Mais considérant que M. et Mme A...excipent de l'illégalité de l'article 74 SB de l'annexe II au code général des impôts, en soutenant qu'il méconnaît les dispositions de l'article 150 UB du code général des impôts dans sa version, applicable aux impositions en litige, résultant de la loi du 30 décembre 2003 de finances pour 2004 ; que cet article 74 SB a été introduit à l'annexe II au code général des impôts par l'article 1er du décret du 31 décembre 2003 pris pour l'application des articles 150 U et 150 VH et 244 bis A du code général des impôts et relatif aux plus-values réalisées par les particuliers et modifiant l'annexe II au code général des impôts, sur le fondement du IX de l'article 10 de la loi du 30 décembre 2003 de finances pour 2004, prévoyant qu'un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application de ces articles et notamment les obligations déclaratives incombant aux contribuables et aux intermédiaires ; qu'en subordonnant ainsi, par les dispositions de l'article 74 SB, le bénéfice du régime d'imposition institué par l'article 150 UB à la condition que la société dont les titres sont cédés revête le caractère de prépondérance immobilière à la clôture des trois exercices précédant la cession, le pouvoir réglementaire ne s'est pas limité à préciser les conditions d'application de la loi fiscale mais a restreint le champ d'application d'un régime légal d'imposition en fixant une condition de durée de détention non prévue par la loi ; qu'il a ainsi fixé une règle relative à l'assiette de l'impôt qui relève du domaine de la loi ; que, dès lors, la demande du ministre tendant à ce que soit substitué au motif erroné en droit retenu par la cour l'application de la condition de durée prévue par décret ne peut être accueillie ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, M. et Mme A...sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent ;
5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SCI 4M, dont M. et Mme A... étaient associés, a acquis, par contrat de crédit-bail du 1er juillet 1988, pour une durée de quinze ans, un ensemble immobilier ; qu'après avoir opté pour son assujettissement à l'impôt sur les sociétés le 1er janvier 2003, la SCI 4 M a levé l'option d'achat prévue par le contrat et a inscrit à l'actif de son bilan le 1er octobre 2003 l'ensemble immobilier qu'elle avait acquis ; que M. et Mme A...ont, le 26 novembre 2004, vendu leurs parts sociales et entendu bénéficier du régime spécifique d'imposition des plus-values immobilières prévu par l'article 150 UB du code général des impôts ; que l'administration a remis en cause l'application de ce régime, au motif que la SCI 4M ne pouvait être regardée comme étant à prépondérance immobilière, et leur a appliqué le régime d'imposition des plus-values de valeurs mobilières et de droits sociaux prévu à l'article 150-0 A du code général des impôts ;
7. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 4, il y a lieu d'écarter, pour le règlement du présent litige, l'application de l'article 74 SB de l'annexe II au code général des impôts en tant qu'il fixe une durée de détention de trois années ; que l'article 150 UB du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige, ne prévoit aucune condition relative à la durée de détention des biens immobiliers par une société à prépondérance immobilière ; qu'à la date de la cession des titres détenus par M. et MmeA..., l'actif de la SCI 4M, société non cotée soumise à l'impôt sur les sociétés, était constitué pour plus de 50 % de sa valeur réelle par des immeubles ou des droits portant sur des immeubles, non affectés par la société à sa propre exploitation industrielle, commerciale, agricole ou à l'exercice d'une profession non commerciale; que, par suite, la plus-value litigieuse était imposable à l'impôt sur le revenu dans les conditions prévues aux articles 150 V à 150 VH du code général des impôts ; que, dès lors, c'est à tort que l'administration a taxé cette plus-value selon le régime d'imposition des plus-values de valeurs mobilières et de droits sociaux prévu à l'article 150-0 A du code général des impôts ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2004 ;
9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 3 500 euros à verser à M. et Mme A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 31 janvier 2013 de la cour administrative d'appel de Nantes et le jugement du 11 octobre 2011 du tribunal administratif d'Orléans sont annulés.
Article 2 : M. et Mme A...sont déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2004.
Article 3 : L'État versera à M. et Mme A...une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme B... A...et au ministre des finances et des comptes publics.