Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 et 29 août 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. A...D..., demeurant ... ; M. D... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 25 avril 2014 rapportant le décret du 17 avril 2009 lui accordant la nationalité française ;
2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui accorder la nationalité française et de délivrer des visas de long séjour d'établissement en France à son épouse B...et à ses enfants Jean, Giselle, Henriette, Antoine et Thaddée, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code civil ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Luc Briand, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Haas, avocat de M. D...;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 27-2 du code civil : " Les décrets portant acquisition, naturalisation ou réintégration peuvent être rapportés sur avis conforme du Conseil d'Etat dans le délai d'un an à compter de leur publication au Journal officiel si le requérant ne satisfait pas aux conditions légales ; si la décision a été obtenue par mensonge ou fraude, ces décrets peuvent être rapportés dans le délai de deux ans à partir de la découverte de la fraude " ;
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.D..., ressortissant congolais, a déposé une demande de naturalisation le 29 août 2007 par laquelle il a indiqué être célibataire et père de trois enfants nés en 1962, 1964 et 1966 ; qu'au vu de ses déclarations, il a été naturalisé par décret du 17 avril 2009 ; que, toutefois, le 22 mai 2012, le ministre des affaires étrangères a informé le ministre chargé des naturalisations que M. D... avait épousé en République démocratique du Congo, le 14 décembre 2011, Mme B...C..., ressortissante congolaise résidant habituellement au Congo avec laquelle il avait eu cinq enfants nés entre 1998 et 2002 ; que, par le décret attaqué en date du 25 avril 2014, le Premier ministre a rapporté le décret prononçant la naturalisation de M. D...au motif qu'il avait été pris au vu d'informations mensongères délivrées par l'intéressé quant à sa situation familiale ;
3. Considérant, en premier lieu, que le décret attaqué énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde ; qu'il comporte par suite une motivation qui satisfait aux exigences des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que le délai de deux ans imparti par l'article 27-2 du code civil pour rapporter le décret de naturalisation de M. D...a commencé à courir à la date à laquelle la réalité de la situation familiale de l'intéressé a été portée à la connaissance du ministre chargé des naturalisations ; qu'il ressort des pièces du dossier que ce ministre n'en a été informé, s'agissant des cinq enfants nés entre 1998 et 2002, que par un envoi électronique du ministre des affaires étrangères reçu le 22 mai 2012 ; qu'ainsi, le décret du 25 avril 2014 a été pris dans le délai prévu par les dispositions de l'article 27-2 du code civil ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé s'est borné à indiquer, dans sa demande de naturalisation, qu'il était célibataire et père de trois enfants, sans faire connaître à l'administration chargée de l'instruction de sa demande l'existence de cinq enfants nés au Congo entre 1998 et 2002 ; qu'il ne peut, en particulier, sérieusement prétendre avoir ignoré l'existence de ces cinq enfants nés à la date de sa demande de naturalisation ; qu'il maîtrise la langue française et ne pouvait se méprendre sur la teneur des indications qui devaient être portées à la connaissance de l'administration chargée d'instruire sa demande et qui portaient sur l'intégralité de sa situation familiale, non plus que sur la portée de la déclaration sur l'honneur qu'il a signée en formulant sa demande ; qu'il doit, dans les circonstances de l'espèce, être regardé comme ayant volontairement dissimulé sa véritable situation familiale ; que, par suite, en rapportant sa naturalisation, le Premier ministre n'a pas fait une inexacte application de l'article 27-2 du code civil ;
6. Considérant, en quatrième lieu, que le requérant ne saurait utilement invoquer à l'appui de son recours la circulaire du 27 juillet 2010 relative à la déconcentration de la procédure d'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique qui est dépourvue de valeur réglementaire ;
7. Considérant, en cinquième lieu, que le décret qui rapporte une naturalisation ne porte, par lui-même, aucune atteinte au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale ; qu'ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne saurait être accueilli ;
8. Considérant, en sixième lieu, que le requérant ne saurait utilement soutenir craindre pour sa vie en cas de retour en République démocratique du Congo, dès lors que le décret attaqué ne lui fait pas obligation de quitter le territoire français ;
9. Considérant, enfin, que le requérant ne saurait utilement soutenir remplir les conditions de recevabilité d'une demande de naturalisation, ni se prévaloir de son intégration dans la société française, à l'appui du présent recours contestant le retrait pour fraude du décret lui ayant accordé la nationalité française ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 25 avril 2014 rapportant le décret du 17 avril 2009 lui accordant la nationalité française ; que ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent, par suite et en tout état de cause, être accueillies ;
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A...D...et au ministre de l'intérieur.