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10/04/2015 | FRANCE | N°375743

France | France, Conseil d'État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 10 avril 2015, 375743


Vu la procédure suivante :

La clinique du Croisé-Laroche, aux droits de laquelle est venue la société HPM Nord, a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation (ARH) du Nord-Pas-de-Calais sur sa demande du 11 avril 2006 tendant à ce que son activité chirurgicale soit reconnue comme constituant des " soins hautement coûteux en chirurgie ". Par un jugement n° 0702438 du 18 juillet 2012, le tribunal administratif de Lille a annulé

cette décision.

Par un arrêt n° 12DA01440 du 10 décembre 2013, la ...

Vu la procédure suivante :

La clinique du Croisé-Laroche, aux droits de laquelle est venue la société HPM Nord, a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation (ARH) du Nord-Pas-de-Calais sur sa demande du 11 avril 2006 tendant à ce que son activité chirurgicale soit reconnue comme constituant des " soins hautement coûteux en chirurgie ". Par un jugement n° 0702438 du 18 juillet 2012, le tribunal administratif de Lille a annulé cette décision.

Par un arrêt n° 12DA01440 du 10 décembre 2013, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé contre le jugement du tribunal administratif de Lille par le ministre des affaires sociales de la santé et enjoint à ce ministre de réexaminer la demande de la société HPM Nord dans un délai de deux mois à compter de la notification de son arrêt.

Par un pourvoi, enregistré le 24 février 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre des affaires sociales et de la santé demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt de la cour administrative d'appel de Douai ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le décret n° 2004-1539 du 30 décembre 2004 ;

- l'arrêté du 5 mars 2006 relatif à la classification et à la prise en charge des prestations d'hospitalisation pour les activités de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie et pris en application de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Vu la note en délibéré, enregistrée le 30 mars 2015, présentée pour la société HPM Nord ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier-Roland Tabuteau, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Capron, avocat de la société HPM Nord, venant aux droits de la clinique du Croisé-Laroche ;

1. Considérant que, par une lettre du 11 avril 2006, la clinique du Croisé-Laroche, aux droits de laquelle est venue la société HPM Nord, a demandé à l'agence régionale de l'hospitalisation du Nord-Pas-de-Calais de pouvoir bénéficier du " supplément soins particulièrement coûteux " (SRA) prévu pour les " soins hautement coûteux en chirurgie " (SHCC) ; que la décision rejetant implicitement sa demande a été annulée par le tribunal administratif de Lille par jugement en date du 18 juillet 2012 ; que la cour administrative d'appel de Douai, saisie en appel par le ministre des affaires sociales de la santé, a confirmé, par un arrêt du 10 décembre 2013, la décision d'annulation prononcée par le tribunal administratif et enjoint au ministre des affaires sociales et de la santé de réexaminer la demande de la société HPM Nord dans un délai de deux mois à compter de la notification de son arrêt ; que le ministre des affaires sociales de la santé se pourvoit en cassation contre cet arrêt de la cour administrative d'appel de Douai ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 6111-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " Les établissements de santé, publics ou privés, ont pour objet de dispenser : / 1° Avec ou sans hébergement : / a) Des soins de courte durée ou concernant des affections graves pendant leur phase aiguë en médecine, chirurgie, obstétrique, odontologie ou psychiatrique (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction en vigueur à la même date : " Un décret en Conseil d'État (...) détermine les catégories de prestations donnant lieu à facturation pour les activités de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie mentionnées au a du 1° de l'article L. 6111-2 du code de la santé publique (...) exercées par les établissements suivants :/ (...) d) Les établissements de santé privés autres que ceux mentionnés aux b et c ayant conclu un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens avec l'agence régionale de l'hospitalisation ; / e) Les établissements de santé privés autres que ceux mentionnés aux b, c et d. / Ce décret précise : / 1° Les catégories de prestations d'hospitalisation sur la base desquelles les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale arrêtent la classification des prestations, tenant compte notamment des moyens techniques, matériels et humains mis en oeuvre pour la prise en charge des patients, donnant lieu à une prise en charge par les régimes obligatoires de sécurité sociale (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 162-32 du même code, dans sa rédaction également en vigueur à la même date : " Les catégories de prestations d'hospitalisation donnant lieu à une prise en charge par les régimes obligatoires de sécurité sociale mentionnées au 1° de l'article L. 162-22-6 sont les suivantes : / 1° Le séjour et les soins avec ou sans hébergement, représentatifs de la mise à disposition de l'ensemble des moyens nécessaires à l'hospitalisation du patient (...). / La prise en charge des frais occasionnés par ces prestations est assurée par des forfaits. / Ces forfaits sont facturés par séance, journée ou séjour. Ils peuvent être minorés ou majorés notamment en fonction de la durée de séjour (...) " ; qu'aux termes des dispositions de l'article R. 162-32-4 du même code : " Un arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale précise les conditions d'application des articles R. 162-32 et R. 162-32-1 à chacune des prestations prises en charge par l'assurance-maladie " ;

3. Considérant que, sur le fondement de ces dispositions, des forfaits et suppléments de tarification ont été définis par arrêté ministériel ; qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 5 mars 2006 relatif à la classification et à la prise en charge des prestations d'hospitalisation pour les activités de médecine, chirurgie, obstétrique et odontologie et pris en application de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale : " La catégorie de prestations visée au 1° de l'article R. 162-32 du code de la sécurité sociale donnant lieu à une prise en charge par les régimes obligatoires de sécurité sociale est couverte par les forfaits suivants : / 1° Des forfaits de séjour et de soins dénommés " groupes homogènes de séjours " (GHS), dont la liste est fixée en annexe 1. Ils sont établis selon la classification des groupes homogènes de malades (GHM) fixée par l'arrêté du 31 décembre 2003 susvisé. Le cas échéant, des suppléments journaliers peuvent être facturés en sus de ces forfaits (...) " ; que l'article 5 de ce même arrêté dispose que : " Les modalités de facturation des forfaits et suppléments mentionnés à l'article 1er sont définies aux I et III ci-dessous. / I. - Les forfaits " groupes homogènes de séjours " sont facturés dans les conditions suivantes : / (...) 7° Lorsque le patient est pris en charge dans un établissement ou un service bénéficiant d'un classement hors catégorie en application des dispositions de l'arrêté du 29 juin 1978 susvisé, les établissements mentionnés aux d et e de l'article L. 162-22-6 du code de la sécurité sociale peuvent facturer un des suppléments suivants : / a) Un supplément dénommé " supplément soins particulièrement coûteux " (SRA) pour chaque journée où le patient est pris en charge soit dans un lit de réanimation classé en application des dispositions de l'annexe B de l'arrêté du 29 juin 1978 susvisé, soit dans un centre lourd de néphrologie et d'hémodialyse mentionné à l'annexe C du même arrêté, soit dans un lit classé en chirurgie à soins particulièrement coûteux en application des dispositions de l'annexe A et bénéficiant d'une reconnaissance de soins hautement coûteux en chirurgie (...) " ;

4. Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'avait, à la date de la décision attaquée, défini la nature des " soins hautement coûteux en chirurgie " mentionnés à l'article 5 de l'arrêté du 5 mars 2006 ni précisé les critères et la procédure de reconnaissance de tels soins, alors que de telles précisions étaient nécessaires pour rendre applicables les dispositions en cause ; que, par suite, l'administration ne pouvait faire application des dispositions relatives aux soins hautement coûteux en chirurgie ; que, dès lors, le directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation du Nord-Pas-de-Calais était tenu de rejeter la demande présentée par la clinique du Croisé-Laroche ; qu'ainsi, la cour administrative d'appel de Douai a commis une erreur de droit en jugeant que l'administration ne pouvait légalement refuser à la clinique du Croisé-Laroche la reconnaissance d'une activité de " soins hautement coûteux en chirurgie " et, partant, le bénéfice du " supplément soins particulièrement coûteux " ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé ;

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que le directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation du Nord-Pas-de-Calais était tenu, ainsi qu'il l'a fait, de rejeter la demande présentée par la clinique du Croisé-Laroche ; qu'ainsi, c'est à tort que le tribunal administratif de Lille s'est fondé sur le motif selon lequel, en l'absence de dispositions définissant la procédure permettant d'obtenir la qualification de " soins hautement coûteux en chirurgie ", le directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation n'avait pas compétence pour se prononcer sur une demande d'octroi de cette qualification et il appartenait au ministre chargé de la santé et de la sécurité sociale d'y statuer, pour annuler la décision implicite de rejet de la demande présentée par la clinique du Croisé-Laroche le 11 avril 2006 ;

7. Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la clinique du Croisé-Laroche devant le tribunal administratif de Lille ;

8. Considérant que la clinique du Croisé-Laroche soutenait qu'en l'absence de dispositions législatives ou réglementaires régissant la reconnaissance d'une activité de " soins hautement coûteux en chirurgie ", le directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation du Nord-Pas-de-Calais ne pouvait refuser de reconnaître qu'elle exerçait une telle activité et qu'elle remplissait les conditions fixées par des circulaires de 1997 de la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) pour qu'un établissement soit reconnu comme dispensant des " soins hautement coûteux en chirurgie " et invoquait la circonstance qu'elle n'avait pas fait l'objet d'une décision motivée rejetant sa demande de reconnaissance d'établissement dispensant des " soins hautement coûteux en chirurgie " ; qu'il résulte toutefois de ce qui a été dit précédemment que ces moyens sont inopérants et ne peuvent donc qu'être écartés ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée devant le tribunal administratif de Lille par l'agence régionale de l'hospitalisation du Nord-Pas-de-Calais, que le ministre des affaires sociales et de la santé est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 18 juillet 2012, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision implicite de rejet de la demande présentée par la clinique du Croisé-Laroche le 11 avril 2006 ; que, par voie de conséquence, les conclusions de la clinique du Croisé-Laroche à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées ;

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par la clinique du Croisé-Laroche et par la société HPM Nord, venant aux droits de cette dernière, tant devant le tribunal administratif de Lille et la cour administrative d'appel de Douai que devant le Conseil d'Etat ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 10 décembre 2013 et le jugement du tribunal administratif de Lille du 18 juillet 2012 sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par la clinique du Croisé-Laroche devant le tribunal administratif de Lille et ses conclusions tendant à ce qu'il soit fait application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes et à la société HPM Nord.


Synthèse
Formation : 1ère et 6ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 375743
Date de la décision : 10/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 10 avr. 2015, n° 375743
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Didier-Roland Tabuteau
Rapporteur public ?: M. Rémi Decout-Paolini
Avocat(s) : SCP CAPRON

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:375743.20150410
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