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03/04/2015 | FRANCE | N°386336

France | France, Conseil d'État, 1ère - 6ème ssr, 03 avril 2015, 386336


Vu la procédure suivante :

Par des mémoires, enregistrés les 6 janvier et 6 février 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association Diversité et Proximité Mutualiste (ADPM) demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation du décret n° 2014-1144 du 8 octobre 2014 relatif à la sélection des contrats d'assurance complémentaire de santé susceptibles de bénéficier du crédit d'impôt mentionné à l'article L. 863-1 du code de la sécurité sociale

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Vu la procédure suivante :

Par des mémoires, enregistrés les 6 janvier et 6 février 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Association Diversité et Proximité Mutualiste (ADPM) demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation du décret n° 2014-1144 du 8 octobre 2014 relatif à la sélection des contrats d'assurance complémentaire de santé susceptibles de bénéficier du crédit d'impôt mentionné à l'article L. 863-1 du code de la sécurité sociale, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 863-6 du code de la sécurité sociale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 34 et 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 ;

- la loi n° 2014-892 du 8 août 2014 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Puigserver, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public ;

1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant que l'article L. 863-6 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue des lois du 23 décembre 2013 et du 8 août 2014, dispose que : " Le bénéfice du crédit d'impôt mentionné à l'article L. 863-1 est réservé aux contrats individuels ou, lorsque l'assuré acquitte l'intégralité du coût de la couverture, collectifs facultatifs d'assurance complémentaire en matière de santé respectant les conditions fixées à l'article L. 871-1, ouverts à tous les bénéficiaires de l'attestation du droit à l'aide au paiement d'une assurance complémentaire de santé et sélectionnés à l'issue d'une procédure de mise en concurrence. Cette procédure vise à sélectionner des contrats offrant, au meilleur prix, des garanties au moins aussi favorables que celles prévues au même article L. 871-1. Elle est régie par des dispositions définies par décret en Conseil d'Etat, dans le respect des principes de transparence, d'objectivité et de non-discrimination. / Ce décret fixe notamment les règles destinées à garantir une publicité préalable suffisante, les conditions de recevabilité et d'éligibilité des candidatures, les critères de sélection des contrats, le ou les niveaux de prise en charge des dépenses entrant dans le champ des garanties mentionnées au premier alinéa ainsi que le nombre minimal de contrats retenus pour chaque niveau de garantie. / La liste des contrats ainsi sélectionnés est rendue publique et est communiquée par les caisses d'assurance maladie aux bénéficiaires de l'attestation du droit à l'aide au paiement d'une assurance complémentaire santé " ;

3. Considérant que l'Association Diversité et Proximité Mutualiste soutient, en premier lieu, qu'en instituant une procédure de sélection, après mise en concurrence, des contrats susceptibles d'être souscrits par les bénéficiaires de l'aide au paiement d'une assurance complémentaire de santé, le législateur a porté une atteinte disproportionnée à la liberté contractuelle ;

4. Considérant, toutefois, qu'il est loisible au législateur d'apporter à la liberté contractuelle, qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi ;

5. Considérant que les dispositions de l'article L. 863-6 du code de la sécurité sociale instaurent un processus de sélection des contrats ouvrant droit à l'aide au paiement d'une assurance complémentaire de santé pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour en bénéficier ; qu'elles visent ainsi à leur garantir, à l'issue d'une procédure de mise en concurrence conduite " dans le respect des principes de transparence, d'objectivité et de non-discrimination ", l'accès à des offres de contrat présentant un meilleur rapport entre le coût de souscription et les prestations offertes, tant dans leur propre intérêt que dans celui d'une allocation optimale des ressources publiques, eu égard au caractère significatif de l'aide apportée à leur souscription, sous la forme d'un crédit d'impôt consenti aux prestataires de ces contrats ; qu'en renvoyant au pouvoir réglementaire le soin de déterminer le " nombre minimal de contrats " retenus, le législateur a, néanmoins, entendu que la liberté de choix des intéressés soit préservée ;

6. Considérant, en outre, que les dispositions transitoires du II de l'article 56 de la loi du 23 décembre 2013 prévoient que ces nouvelles dispositions ne s'appliquent qu'aux contrats souscrits ou renouvelés à compter du 1er juillet 2015 et que " les contrats en cours à cette date restent éligibles au bénéfice du crédit d'impôt mentionné à l'article L. 863-1 du même code jusqu'à la date à laquelle ils prennent fin " ; qu'ainsi, les dispositions litigieuses ne portent pas atteinte aux contrats légalement conclus ;

7. Considérant que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le législateur aurait porté une atteinte disproportionnée à la liberté contractuelle des intéressés au regard de l'objectif poursuivi ne présente pas de caractère sérieux ;

8. Considérant, en second lieu, que l'association requérante soutient que le législateur a méconnu sa propre compétence en déléguant au pouvoir réglementaire le soin de déterminer le " nombre minimal de contrats " susceptibles d'être retenus au terme du processus de sélection et que cette méconnaissance affecte par elle-même la liberté d'entreprendre ;

9. Considérant qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution : " (...) La loi détermine les principes fondamentaux : (...) des obligations civiles et commerciales (...) " ; que, par les dispositions litigieuses, le législateur a prévu la sélection des meilleures offres à l'issue d'une procédure de mise en concurrence conduisant nécessairement à retenir un nombre limité d'organismes assureurs ; qu'en renvoyant au pouvoir réglementaire le soin de déterminer le " nombre minimal de contrats " susceptibles d'être retenus, le législateur a, néanmoins, entendu que ce nombre soit fixé de manière à préserver la liberté de choix des intéressés tout en assurant une mutualisation des risques suffisante pour permettre la réduction des tarifs proposés ; que, ce faisant, le législateur n'a pas privé de garanties légales les exigences constitutionnelles ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce qu'il aurait méconnu l'étendue de sa compétence et affecté la liberté d'entreprendre ne présente pas non plus de caractère sérieux ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que l'article L. 863-6 du code de la sécurité sociale porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ;

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par l'Association Diversité et Proximité Mutualiste.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'Association Diversité et Proximité Mutualiste et à la ministre des affaires sociales de la santé et des droits des femmes.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre et au ministre des finances et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 1ère - 6ème ssr
Numéro d'arrêt : 386336
Date de la décision : 03/04/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 03 avr. 2015, n° 386336
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Frédéric Puigserver
Rapporteur public ?: M. Rémi Decout-Paolini

Origine de la décision
Date de l'import : 17/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:386336.20150403
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