Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 juin et 13 septembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'association Avenir d'Alet, dont le siège est impasse du Séminaire à Alet-les-Bains (11580) ; l'association Avenir d'Alet demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 10MA01907 du 10 avril 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0701474 du 12 mars 2010 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation du récépissé de déclaration du 22 janvier 2007 délivré par le préfet de l'Aude, à la commune d'Alet-les-Bains, pour une demande de prélèvement à l'émergence forée de la source des " Eaux chaudes ", d'autre part, à l'annulation du récépissé de déclaration du 22 janvier 2007 et à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'Aude de mettre en demeure la commune d'Alet-les-Bains de présenter un dossier de demande d'autorisation, dans le délai de trois mois suivant la notification de l'arrêt susvisé, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Cyrille Beaufils, auditeur,
- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat de l'association Avenir d'Alet et à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, Poupot, avocat de la commune d'Alet-Les-Bains ;
1. Considérant que, sur le fondement des dispositions figurant au II de l'article L. 214-3 et à l'article R. 214-32 du code de l'environnement, la commune d'Alet-les-Bains a adressé au préfet de l'Aude une déclaration concernant la réalisation, à l'émergence forée de la source des " Eaux chaudes " située sur son territoire, d'une installation destinée à permettre un prélèvement annuel de 199 000 m3 ; que, le 22 janvier 2007, le préfet a délivré un récépissé de cette déclaration ; que l'association Avenir d'Alet se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 10 avril 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 12 mars 2010 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de ce récépissé ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 214-3 du code de l'environnement : " I.- Sont soumis à autorisation de l'autorité administrative les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d'accroître notablement le risque d'inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment aux peuplements piscicoles. (...) / II.- Sont soumis à déclaration les installations, ouvrages, travaux et activités qui, n'étant pas susceptibles de présenter de tels dangers, doivent néanmoins respecter les prescriptions édictées en application des articles L. 211-2 et L. 211-3. / Dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat, l'autorité administrative peut s'opposer à l'opération projetée s'il apparaît qu'elle est incompatible avec les dispositions du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux ou du schéma d'aménagement et de gestion des eaux, ou porte aux intérêts mentionnés à l'article L. 211-1 une atteinte d'une gravité telle qu'aucune prescription ne permettrait d'y remédier. Les travaux ne peuvent commencer avant l'expiration de ce délai. (...) " ; que l'article R. 214-1 du même code définit la nomenclature des installations, ouvrages, travaux et activités soumis à autorisation ou à déclaration en application des articles L. 214-1 à L. 214-6 ; qu'aux termes de l'article R. 214-42 du même code : " Si plusieurs ouvrages, installations, catégories de travaux ou d'activités doivent être réalisés par la même personne sur le même site, une seule demande d'autorisation ou une seule déclaration peut être présentée pour l'ensemble de ces installations. / Il en est obligatoirement ainsi lorsque les ouvrages, installations, travaux ou activités envisagés dépendent de la même personne, de la même exploitation ou du même établissement et concernent le même milieu aquatique, si leur ensemble dépasse le seuil fixé par la nomenclature des opérations ou activités soumises à autorisation ou à déclaration, alors même que, pris individuellement, ils sont en dessous du seuil prévu par la nomenclature, que leur réalisation soit simultanée ou successive " ; qu'aux termes de l'article R. 214-33 du même code, applicable aux opérations soumises à déclaration : " Dans les quinze jours suivant la réception d'une déclaration, il est adressé au déclarant : (...) / 2°) Lorsque la déclaration est complète, un récépissé de déclaration qui indique soit la date à laquelle, en l'absence d'opposition, l'opération projetée pourra être entreprise, soit l'absence d'opposition qui permet d'entreprendre cette opération sans délai. Le récépissé est assorti, le cas échéant, d'une copie des prescriptions générales applicables " ; qu'aux termes de l'article R. 214-35 du même code : " Le délai accordé au préfet par l'article L. 214-3 pour lui permettre de s'opposer à une opération soumise à déclaration est de deux mois à compter de la réception d'une déclaration complète " ;
3. Considérant, d'une part, qu'il résulte des dispositions précitées que pour déterminer si les ouvrages, installations, travaux ou activités sont soumis à déclaration ou à autorisation au regard de la nomenclature définie à l'article R. 214-1 du code de l'environnement, l'administration est tenue d'inviter le pétitionnaire à former une demande unique pour le ou les projets formant ensemble une seule et même opération, dès lors que ces projets dépendent de la même personne, exploitation ou établissement et concernent le même milieu aquatique ; que le seuil de 200 000 mètres cubes d'eau prélevés par an, fixé par le 1.1.2.0 du tableau annexé à l'article R. 214-1, au-delà duquel la demande de prélèvement est soumise à autorisation, ne s'applique qu'aux ouvrages envisagés lors du dépôt de la demande ;
4. Considérant, d'autre part, que, pour statuer sur la demande, le préfet doit prendre en compte dans son appréciation l'impact sur le milieu aquatique de l'ensemble des ouvrages, installations, travaux et activités existants et envisagés ; que, dans le cadre du pouvoir qu'il exerce en application du II de l'article R. 214-33 pour délivrer le récépissé, le préfet apprécie si le projet ne présente pas d'incompatibilité avec les dispositions du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) ou du schéma d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE) et ne porte pas aux intérêts mentionnés à l'article L. 211-1 une atteinte d'une gravité telle qu'aucune prescription ne permettrait d'y remédier, et décide, en conséquence, soit de ne pas s'y opposer, soit de faire usage du délai mentionné à l'article R. 214-35 ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en rejetant les conclusions de l'association Avenir d'Alet, tendant à l'annulation du récépissé de la déclaration en litige, au motif que, cette déclaration étant complète et compatible avec les dispositions du SDAGE, le préfet était tenu de délivrer un récépissé valant autorisation d'exploiter l'installation, alors que la délivrance d'un tel récépissé sans opposition de sa part impliquait, ainsi qu'il a été dit, l'exercice d'un pouvoir d'appréciation, la cour administrative d'appel de Marseille, qui en a déduit que les moyens tirés du détournement de procédure, de détournement de pouvoir et d'erreur manifeste d'appréciation étaient inopérants, a commis une erreur de droit ; que, dès lors et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, l'association Avenir d'Alet est, dès lors, fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'association Avenir d'Alet, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la commune d'Alet-les-Bains demande à ce titre ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à l'association Avenir d'Alet, au titre des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 10 avril 2012 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 3 : L'Etat versera à l'association Avenir d'Alet une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la commune d'Alet-les-Bains au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'association Avenir d'Alet, à la commune d'Alet-les-Bains et à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.