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27/03/2015 | FRANCE | N°386646

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 27 mars 2015, 386646


Vu la procédure suivante :

Le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler, en application de l'article L. 551-24 du code de justice administrative, la délibération du 27 octobre 2014 du comité du syndicat intercommunal à vocation multiple (SIVM) de la Côte Est renouvelant au profit de la société Enercal la concession de la distribution publique de l'énergie électrique et autorisant son président à négocier les modalités de ce renouvellement.

Par une ordonnance

n° 1400445 du 4 décembre 2014, le juge des référés du tribunal administratif de...

Vu la procédure suivante :

Le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler, en application de l'article L. 551-24 du code de justice administrative, la délibération du 27 octobre 2014 du comité du syndicat intercommunal à vocation multiple (SIVM) de la Côte Est renouvelant au profit de la société Enercal la concession de la distribution publique de l'énergie électrique et autorisant son président à négocier les modalités de ce renouvellement.

Par une ordonnance n° 1400445 du 4 décembre 2014, le juge des référés du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté la requête du haut-commissaire de la République.

Par un pourvoi, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés le 23 décembre 2014, les 3 février et 10 mars 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre des outre-mer demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1400445 du 4 décembre 2014 du juge des référés du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;

2°) statuant en référé, de faire droit à la demande du haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Stéphane Bouchard, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Odent, Poulet, avocat de la société Enercal ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-24 du code de justice administrative : " En Nouvelle-Calédonie, (...) le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés et contrats publics en vertu de dispositions applicables localement. / Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par ce manquement, ainsi que le haut-commissaire de la République dans le cas où le contrat est conclu ou doit être conclu par une collectivité territoriale ou un établissement public local. / Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat ou l'exécution de toute décision qui s'y rapporte. Il peut également annuler ces décisions et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. Dès qu'il est saisi, il peut enjoindre de différer la signature du contrat jusqu'au terme de la procédure et pour une durée maximum de vingt jours. / Le président du tribunal administratif ou son délégué statue en premier et dernier ressort en la forme des référés " ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie que le syndicat intercommunal à vocation multiple de la Côte Est a concédé à la société Enercal, pour une durée de quarante ans à compter du 30 août 1976, la distribution publique d'électricité dans sa zone géographique de compétence ; que par une délibération du 27 octobre 2014, le comité de ce syndicat a décidé de renouveler la concession au profit de la société Enercal sans publicité ni mise en concurrence et a autorisé son président à négocier la durée et les modalités de ce renouvellement ; que le ministre des outre-mer se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du juge des référés qui, statuant sur le fondement de l'article L. 551-24 du code de justice administrative précité, a rejeté la demande du haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie tendant à la suspension de l'exécution et à l'annulation de cette délibération ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 22 de la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie : " La Nouvelle-Calédonie est compétente dans les matières suivantes : / (...) 17° Règles relatives à la commande publique dans le respect des principes de liberté d'accès, d'égalité de traitement des candidats, de transparence des procédures, d'efficacité de la commande publique et de bon emploi des deniers publics ; (...) " ; qu'aux termes de l'article 51 de la même loi organique : " Les communes ou leurs groupements autorisent les concessions de distribution électrique. Ils peuvent, avec l'accord de l'assemblée de province, déléguer cette compétence à la province. " ;

4. Considérant qu'en l'absence de toute disposition mettant en oeuvre les principes fondamentaux de la commande publique, rappelés par l'article 22 de la loi organique précitée, des motifs d'intérêt général peuvent justifier qu'un pouvoir adjudicateur en aménage les conditions de mise en oeuvre, sous le contrôle du juge, afin de tenir compte notamment, s'agissant des délégations de service public, des particularités du service délégué ; que, par suite, le juge des référés du tribunal administratif n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que le syndicat intercommunal à vocation multiple de la Côte Est pouvait lui-même apprécier, sous le contrôle du juge, si des motifs d'intérêt général justifiaient une dérogation à ces principes et, par suite, un renouvellement de la concession de distribution électrique en cause sans mesure de publicité ni mise en concurrence préalables ;

5. Considérant que le juge des référés, qui a relevé, en motivant suffisamment son ordonnance sur ce point, que la séparation des réseaux de transport et de distribution d'électricité, gérés tous deux par la société Enercal, soulèverait des difficultés techniques, n'a pas commis d'erreur dans la qualification juridique des faits en estimant que le retard dans l'accès des habitants des communes du syndicat intercommunal à vocation multiple de la Côte Est au service public de l'électricité nécessitait, au moins pour un certain temps, et alors que la société Enercal s'était engagé dans un programme d'investissements pour assurer ce rattrapage, que la même société assure à la fois l'achèvement du réseau de transport de l'électricité et du réseau de distribution dans ces communes et justifiait ainsi que la concession de distribution soit renouvelée au bénéfice de la société Enercal, pour une durée et selon des modalités restant à négocier entre les parties, sans publicité ni mise en concurrence ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre des outre-mer n'est pas fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société Enercal de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi du ministre des outre-mer est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la société Enercal la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la ministre des outre-mer, au syndicat intercommunal à vocation multiple de la Côte Est et à la société Enercal.


Synthèse
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 386646
Date de la décision : 27/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 27 mar. 2015, n° 386646
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Stéphane Bouchard
Rapporteur public ?: M. Gilles Pellissier
Avocat(s) : SCP ODENT, POULET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:386646.20150327
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