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25/02/2015 | FRANCE | N°375590

France | France, Conseil d'État, 4ème / 5ème ssr, 25 février 2015, 375590


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 février et 19 mai 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. D... B..., demeurant ... ; M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 1301675 du 19 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nîmes, après avoir déclaré légale la décision du 11 septembre 2006 de l'inspecteur du travail autorisant Me C...A..., administrateur judiciaire de la société Annunziata France, à licencier M. B...pour motif économique, a rejeté sa demande tendant à

l'annulation de cette décision ;

2°) de déclarer que cette décision est e...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 février et 19 mai 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. D... B..., demeurant ... ; M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 1301675 du 19 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nîmes, après avoir déclaré légale la décision du 11 septembre 2006 de l'inspecteur du travail autorisant Me C...A..., administrateur judiciaire de la société Annunziata France, à licencier M. B...pour motif économique, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;

2°) de déclarer que cette décision est entachée d'illégalité et de l'annuler ;

3°) de mettre solidairement à la charge de l'Etat et de MeA..., en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Annunziata France, le versement d'une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Pauline Pannier, auditeur,

- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de M. B...;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.B..., délégué syndical CFDT, secrétaire du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, délégué du personnel titulaire et représentant syndical au comité d'entreprise et au comité central d'entreprise, était salarié de la société Annunziata France sur l'un de ses deux sites, situé à Châteauneuf-de-Gadagne ; que la société a été placée en redressement judiciaire par un jugement du tribunal de commerce de Poitiers du 15 février 2006 ; que le même tribunal a ordonné, par un jugement du 11 juillet 2006, d'une part la cessation des activités et le licenciement de l'ensemble des salariés de l'établissement de Châteauneuf-de-Gadagne, lequel n'a pas trouvé de repreneur par la suite, et d'autre part, la cession partielle et la cessation d'activité pour l'autre site de la société ; que l'administrateur judiciaire a sollicité de l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier pour motif économique M.B..., autorisation que l'inspecteur du travail a octroyée par une décision du 11 septembre 2006, qui n'a fait l'objet d'aucun recours pour excès de pouvoir et est devenue définitive ; que M. B...et les autres salariés licenciés ont saisi, le 22 décembre 2006, le conseil de prud'hommes d'Avignon, lequel a déclaré, par un jugement du 20 juin 2011, que les licenciements pour motif économique étaient fondés sur une cause réelle et sérieuse et a débouté les demandeurs de leurs demandes de dommages et intérêts ; que, sur appel de M.B..., la cour d'appel de Nîmes a, par un arrêt du 16 avril 2013, renvoyé au juge administratif la question de la légalité de la décision de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement de l'intéressé ; que M. B...fait appel du jugement du 19 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a déclaré légale la décision du 11 septembre 2006 ;

Sur la légalité de la décision du 11 septembre 2006 :

2. Considérant qu'aux termes du troisième alinéa de l'article R. 436-4 du code du travail, applicable à la date de la décision contestée, lorsque l'inspecteur du travail se prononce sur une demande d'autorisation de licenciement : " La décision de l'inspecteur est motivée. " ; qu'il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient le requérant, la décision du 11 septembre 2006 mentionne que " le redressement judiciaire de l'entreprise, sans repreneur, à ce jour, entraîne l'arrêt de l'activité et le licenciement de tous les salariés " et que " le projet de rupture du contrat de travail n'apparaît pas lié à l'exercice des mandats " ; qu'il fait état des " mesures du plan de sauvegarde de l'emploi " ; que dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté ;

3. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ;

4. Considérant, en premier lieu, que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions d'effectifs envisagées et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel celle-ci appartient ;

5. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que l'activité avait totalement et définitivement cessé dans l'établissement de Châteauneuf-de-Gadagne où travaillait M. B...et que l'autre établissement de l'entreprise avait fait l'objet d'une cession partielle et, pour le reste, d'une cessation d'activité ; qu'il en résulte que l'inspecteur du travail a pu constater que " le redressement judiciaire de l'entreprise, sans repreneur, à ce jour, entraîne l'arrêt de l'activité et le licenciement de tous les salariés " ; que dès lors, le requérant n'est en tout état de cause pas fondé à soutenir qu'il aurait méconnu l'étendue de sa compétence en omettant de rechercher si la cessation d'activité revêtait un caractère total et définitif ;

6. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, la société Annunziata France, qui n'appartient pas à un groupe, avait totalement et définitivement cessé son activité ; que, dans les circonstances de l'espèce, l'inspecteur du travail, qui s'est référé aux mesures de reclassement prévues dans le plan de sauvegarde de l'emploi, a suffisamment contrôlé l'effort de reclassement mis en oeuvre par l'entreprise pour M. B...;

7. Considérant, en second lieu, que lorsqu'en application des dispositions des articles L. 321-4 et suivants du code du travail alors applicables, l'employeur est tenu de mettre en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi comportant des mesures destinées à favoriser le reclassement des salariés dont le licenciement ne peut être évité, il appartient à l'autorité administrative saisie d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif économique, de s'assurer que la procédure de consultation des représentants du personnel a été respectée, que l'employeur a rempli ses obligations de reclassement et que les salariés protégés ont accès aux mesures prévues par le plan dans des conditions non discriminatoires ; qu'il ne lui appartient pas, en revanche, d'apprécier la validité du plan de sauvegarde de l'emploi, dès lors que l'autorisation de licenciement ne fait pas obstacle à ce que le salarié puisse ultérieurement contester cette validité devant la juridiction compétente ;

8. Considérant qu'il ressort de ses écritures que M. B...doit être regardé comme soutenant que la décision du 11 septembre 2006 autorisant son licenciement était illégale du fait de l'insuffisance du plan de sauvegarde de l'emploi ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que ce moyen est sans incidence sur la légalité de la décision contestée ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a déclaré que l'exception d'illégalité qu'il soulevait devant la cour d'appel de Nîmes n'était pas fondée ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

10. Considérant qu'il n'appartient pas au juge administratif, saisi d'une question préjudicielle portant sur la légalité d'une décision administrative, d'en prononcer l'annulation ; que dès lors, M. B...n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la somme demandée par M. B...soit mise à la charge de l'Etat et de MeA..., agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Annunziata France, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. D...B..., à Me C...A..., agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société Annunziata France et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.


Synthèse
Formation : 4ème / 5ème ssr
Numéro d'arrêt : 375590
Date de la décision : 25/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Appréciation de la légalité

Analyses

66-07-01-04-03 TRAVAIL ET EMPLOI. LICENCIEMENTS. AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIÉS PROTÉGÉS. CONDITIONS DE FOND DE L'AUTORISATION OU DU REFUS D'AUTORISATION. LICENCIEMENT POUR MOTIF ÉCONOMIQUE. - VALIDITÉ DU PLAN DE SAUVEGARDE DE L'EMPLOI - ABSENCE [RJ1].

66-07-01-04-03 Lorsqu'en application des dispositions des articles L. 321-4 et suivants du code du travail alors applicables, l'employeur est tenu de mettre en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'autorité administrative saisie d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif économique, de s'assurer que la procédure de consultation des représentants du personnel a été respectée, que l'employeur a rempli ses obligations de reclassement et que les salariés protégés ont accès aux mesures prévues par le plan dans des conditions non discriminatoires. Il ne lui appartient pas, en revanche, d'apprécier la validité du plan de sauvegarde de l'emploi (PSE), dès lors que l'autorisation de licenciement ne fait pas obstacle à ce que le salarié puisse ultérieurement contester cette validité devant la juridiction compétente.


Références :

[RJ1]

Cf. Cass. soc., 25 juin 2003, n° 01-44.722, Bull. 2003, V, n° 207 ;

Cass. soc., 22 juin 2004, n° 01-44.558, Bull., 2004, V, n° 177.


Publications
Proposition de citation : CE, 25 fév. 2015, n° 375590
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Pauline Pannier
Rapporteur public ?: Mme Gaëlle Dumortier
Avocat(s) : SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN, COUDRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:375590.20150225
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