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25/02/2015 | FRANCE | N°365752

France | France, Conseil d'État, 9ème / 10ème ssr, 25 février 2015, 365752


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La régie d'électricité d'Elbeuf a demandé au tribunal administratif de Rouen la décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2004 à 2007. Par un jugement n° 1001218 du 16 juin 2011, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 11DA01412 du 4 décembre 2012, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par la régie d'électricité d'Elbeuf contre ce jugement.

Procédure

devant le Conseil d'Etat

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La régie d'électricité d'Elbeuf a demandé au tribunal administratif de Rouen la décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2004 à 2007. Par un jugement n° 1001218 du 16 juin 2011, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 11DA01412 du 4 décembre 2012, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par la régie d'électricité d'Elbeuf contre ce jugement.

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 5 février et 6 mai 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la régie d'électricité d'Elbeuf demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 11DA01412 du 4 décembre 2012 de la cour administrative d'appel de Douai ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Maïlys Lange, auditeur,

- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la régie d'électricité d'Elbeuf ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la régie d'électricité d'Elbeuf, qui exerce une activité de production et de fourniture d'électricité, a conclu en 1999 avec Electricité de France (EDF) deux conventions organisant, selon leurs termes, la " mise en stand-by " de ses groupes de production d'électricité composés de moteurs diesel et au gaz, formant la centrale thermique " Jean de la Fontaine ", mise en service en janvier 1993 ; qu'elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 4 décembre 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté son appel dirigé contre le jugement du 16 juin 2011 du tribunal administratif de Rouen ayant rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2004 à 2007 à raison de la réintégration dans ses bases de la valeur locative des immobilisations composant la centrale thermique, dont l'exploitation avait été interrompue ;

2. Considérant qu'aux termes du I de l'article 1447 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " La taxe professionnelle est due chaque année par les personnes physiques ou morales qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée. " ; qu'aux termes de l'article 1467 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " La taxe professionnelle a pour base : / 1° Dans le cas des contribuables autres que ceux visés au 2° : / a. la valeur locative (...) des immobilisations corporelles dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence (...) " ; qu'aux termes du I de l'article 1478, dans sa rédaction alors applicable : " I. La taxe professionnelle est due pour l'année entière par le redevable qui exerce l'activité le 1er janvier. / Toutefois le contribuable qui cesse toute activité dans un établissement n'est pas redevable de la taxe pour les mois restant à courir, sauf en cas de cession de l'activité exercée dans l'établissement ou en cas de transfert d'activité. (...) " ; qu'aux termes de l'article 310 HT de l'annexe II au même code : " Lorsqu'un redevable suspend son activité dans un établissement pendant au moins douze mois consécutifs, l'opération constitue, au regard de l'article 1478 du code général des impôts, une cessation d'activité suivie d'une création d'établissement. " ;

3. Considérant que la cour administrative d'appel de Douai a relevé que la centrale thermique " Jean de la Fontaine ", bien que n'étant plus en fonctionnement au cours des années en cause en raison des engagements pris par l'exploitante, n'était ni déclassée, ni désaffectée, ni démontée et pouvait être remise en service dans des délais réduits et en a déduit que l'interruption de la production de l'ensemble des générateurs ne pouvait être regardée comme une suspension d'activité au sens des dispositions précitées de l'article 310 HT de l'annexe II au code général des impôts ; qu'en statuant ainsi, alors que, d'une part, elle avait relevé qu'aux termes des conventions conclues avec EDF, la " mise en stand-by " consiste à arrêter totalement la production d'électricité à partir des groupes de production concernés, sans obligation de les maintenir en état, et que seuls les groupes diesel pouvaient, le cas échéant et dans certaines circonstances exceptionnelles, être remis en service, et que, d'autre part, elle avait fait état dans son arrêt d'un constat d'huissier selon lequel la centrale était dans l'incapacité de démarrer sans une remise en état lourde, la cour administrative d'appel de Douai a inexactement qualifié les faits de l'espèce ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction et de ce qui a été dit au point 3 qu'alors même qu'en application de la convention dite de " mise en stand-by " des groupes de production diesel, la régie d'électricité d'Elbeuf pouvait faire appel à ces groupes de manière exceptionnelle pour remplir son obligation de service public, cette convention ne faisait peser sur elle aucune obligation de maintenir la centrale thermique " Jean de la Fontaine " en état ; que celle-ci n'était effectivement plus à même d'assurer de nouveau, en cas de besoin et instantanément, l'apport de sa production au réseau de distribution d'électricité ; qu'ainsi, et bien que la régie requérante ait perçu pendant les années d'imposition en litige une indemnité calculée en fonction de la puissance des équipements en cause, elle doit être regardée comme ayant suspendu son activité de production d'électricité dans cette centrale au sens de l'article 310 HT de l'annexe II au code général des impôts ; qu'il suit de là que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, elle est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses conclusions en décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2004 à 2007 ;

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, pour l'ensemble de la procédure, la somme de 6 000 euros à verser à la régie d'électricité d'Elbeuf, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 4 décembre 2012 et le jugement du tribunal administratif de Rouen du 16 juin 2011 sont annulés.

Article 2 : La régie d'électricité d'Elbeuf est déchargée des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2004 à 2007.

Article 3 : L'Etat versera à la régie d'électricité d'Elbeuf une somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la régie d'électricité d'Elbeuf et au ministre des finances et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 9ème / 10ème ssr
Numéro d'arrêt : 365752
Date de la décision : 25/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-03-04-02 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPOSITIONS LOCALES AINSI QUE TAXES ASSIMILÉES ET REDEVANCES. TAXE PROFESSIONNELLE. CRÉATION OU CESSATION D'ACTIVITÉ. - SUSPENSION D'ACTIVITÉ (ART. 310 HT DE L'ANNEXE II AU CGI) - NOTION - CAS D'UNE RÉGIE ÉLECTRIQUE - SITUATION D'IMPOSSIBILITÉ, EN APPLICATION DE CONVENTIONS CONCLUES AVEC EDF, D'ASSURER, EN CAS DE BESOIN ET INSTANTANÉMENT, L'APPORT DE SA PRODUCTION AU RÉSEAU DE DISTRIBUTION D'ÉLECTRICITÉ - INCLUSION, ALORS MÊME QUE LA RÉGIE A PERÇU, DANS LE CADRE DE CES CONVENTIONS, UNE INDEMNITÉ.

19-03-04-02 Une régie d'électricité, qui exerce une activité de production et de fourniture d'électricité, a conclu avec Electricité de France (EDF) des conventions organisant, selon leurs termes, la mise en stand-by de ses groupes de production d'électricité composés de moteurs diesel et au gaz, formant une centrale thermique. Aux termes de ces conventions, la mise en stand-by consiste à arrêter totalement la production d'électricité à partir des groupes de production concernés, sans obligation de les maintenir en état, seuls les groupes diesel pouvant, le cas échéant et dans certaines circonstances exceptionnelles, être remis en service. La centrale thermique n'est plus à même d'assurer de nouveau, en cas de besoin et instantanément, l'apport de sa production au réseau de distribution d'électricité. Ainsi, et bien que la régie ait perçu pendant les années d'imposition en litige une indemnité calculée en fonction de la puissance des équipements en cause, elle doit être regardée, en ce qui concerne la taxe professionnelle, comme ayant suspendu son activité de production d'électricité dans cette centrale au sens de l'article 310 HT de l'annexe II au code général des impôts.


Publications
Proposition de citation : CE, 25 fév. 2015, n° 365752
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Maïlys Lange
Rapporteur public ?: Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon
Avocat(s) : SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:365752.20150225
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