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18/02/2015 | FRANCE | N°385959

France | France, Conseil d'État, 6ème / 1ère ssr, 18 février 2015, 385959


Vu l'ordonnance n° 1411124 du 20 novembre 2014, enregistrée le 25 novembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle la vice-présidente de la 7ème section du tribunal administratif de Paris, avant de statuer sur la demande de l'association de valorisation du quartier Paris Maillot Dauphine et autres tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 20 juin 2014 par laquelle le maire de Paris a accordé un permis de construire à la société Kali Production pour l'implantation d'un chapiteau de cirque dans le square Parodi, a décidé, par applicat

ion des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-...

Vu l'ordonnance n° 1411124 du 20 novembre 2014, enregistrée le 25 novembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle la vice-présidente de la 7ème section du tribunal administratif de Paris, avant de statuer sur la demande de l'association de valorisation du quartier Paris Maillot Dauphine et autres tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 20 juin 2014 par laquelle le maire de Paris a accordé un permis de construire à la société Kali Production pour l'implantation d'un chapiteau de cirque dans le square Parodi, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 433-1 du code de l'urbanisme ;

Vu le mémoire, enregistré au greffe du tribunal administratif de Paris le 16 juillet 2014, présenté, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, par l'association de valorisation du quartier Paris Maillot Dauphine, dont le siège est 21, rue Marbeau à Paris (75116), représentée par son président, l'association " Coordination pour la sauvegarde du bois de Boulogne ", dont le siège est 79, boulevard de Montmorency, à Paris (75016), représentée par son président, M. A...B..., demeurant..., M. D...F..., demeurant..., et M. E...C..., demeurant ... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu l'ordonnance n° 2005-1527 du 8 décembre 2005 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Clémence Olsina, auditeur,

- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de l'association de valorisation du quartier Paris Maillot Dauphine et autres ;

1. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 433-1 du code de l'urbanisme : " Une construction n'entrant pas dans le champ d'application de l'article L. 421-5 et ne satisfaisant pas aux exigences fixées par l'article L. 421-6 peut exceptionnellement être autorisée à titre précaire dans les conditions fixées par le présent chapitre. / Dans ce cas, le permis de construire est soumis à l'ensemble des conditions prévues par les chapitres II à IV du titre II du présent livre " ; qu'aux termes de l'article L. 421-5 du même code : " Un décret en Conseil d'Etat arrête la liste des constructions, aménagements, installations et travaux qui, par dérogation aux dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-4, sont dispensés de toute formalité au titre du présent code en raison : / a) De leur très faible importance ; / b) De la faible durée de leur maintien en place ou de leur caractère temporaire compte tenu de l'usage auquel ils sont destinés ; / c) Du fait qu'ils nécessitent le secret pour des raisons de sûreté ; / d) Du fait que leur contrôle est exclusivement assuré par une autre autorisation ou une autre législation ; / e) De leur nature et de leur implantation en mer, sur le domaine public maritime immergé au-delà de la laisse de la basse mer " ; qu'aux termes de l'article L. 421-6 du même code : " Le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique (...) " ;

3. Considérant que l'association de valorisation du quartier Paris Maillot Dauphine et autres soutiennent que les dispositions de l'article L. 433-1 du code de l'urbanisme, citées ci-dessus, méconnaissent le principe d'égalité, garanti par les article 1er et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, le principe de prévention des atteintes à l'environnement, qui résulte de l'article 3 de la Charte de l'environnement, et la compétence du législateur, telle qu'elle est définie par l'article 34 de la Constitution ;

4. Considérant, en premier lieu, que l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dispose que la loi " doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse " ; que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ;

5. Considérant qu'il résulte des articles L. 433-3 et L. 433-4 du code de l'urbanisme que le titulaire d'un permis délivré à titre précaire ne bénéficie d'aucun droit au maintien des constructions autorisées, lesquelles doivent être enlevées sans indemnité et à ses frais soit à la date fixée par le permis, soit, lorsque la construction est située sur un emplacement réservé ou dans le périmètre d'une déclaration d'utilité publique, à la première demande du bénéficiaire de la réserve ou de l'expropriant ; qu'ainsi, le titulaire d'un tel permis se trouve placé dans une situation différente de celle du titulaire d'un permis ou d'une autorisation d'urbanisme de droit commun ; qu'en outre, la différence de traitement instituée entre ces deux catégories de titulaires d'autorisations d'urbanisme est en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit, qui est d'autoriser, à titre exceptionnel, des constructions temporaires qui, sans respecter l'ensemble de la règlementation d'urbanisme applicable, répondent à une nécessité caractérisée, tenant notamment à des motifs d'ordre économique, social, culturel ou d'aménagement, et ne dérogent pas de manière disproportionnée aux règles d'urbanisme applicables eu égard aux caractéristiques du terrain d'assiette, à la nature de la construction et aux motifs rendant nécessaire le projet ; qu'il résulte des dispositions législatives applicables que, lorsque l'arrêté accordant le permis a fixé un délai pour l'enlèvement de la construction, la puissance publique peut toujours l'ordonner avant l'expiration de ce délai et accorde alors au titulaire du permis une indemnité proportionnelle au délai restant à courir ; qu'en vertu de ces mêmes dispositions, le titulaire du permis se trouve soumis à une obligation de remise en état du terrain d'assiette à l'issue de l'enlèvement ou de la démolition des mêmes constructions ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce qu'en autorisant le titulaire d'un permis de construire à titre précaire à déroger exceptionnellement aux règles visées à l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme, les dispositions critiquées méconnaîtraient le principe d'égalité ne présente pas un caractère sérieux ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la Charte de l'environnement : " Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu'elle est susceptible de porter à l'environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences " ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'un permis à titre précaire n'est délivré que de façon exceptionnelle et sous réserve que les dérogations aux règles d'urbanisme ne soient pas disproportionnées ; que les articles L. 433-2 et L. 433-3 du code de l'urbanisme soumettent le titulaire d'un permis délivré à titre précaire à l'obligation de faire procéder à un état descriptif des lieux et à une remise en état du terrain d'assiette du projet ; qu'ainsi, en tout état de cause, le moyen tiré de ce que les dispositions critiquées méconnaîtraient l'article 3 de la Charte de l'environnement ne présente pas un caractère sérieux ;

7. Considérant, en troisième lieu, que l'association de valorisation du quartier Paris Maillot Dauphine et autres ne précisent pas dans quelle mesure les dispositions critiquées méconnaîtraient la compétence que le législateur tient de la Constitution pour déterminer, d'une part, les principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources et, d'autre part, les principes fondamentaux du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ces principes ne présente pas un caractère sérieux ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; qu'ainsi, il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité transmise par le tribunal administratif de Paris.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association de valorisation du quartier Paris Maillot Dauphine, premier requérant dénommé, à la ville de Paris, à la société Kali Production et à la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité. Les autres requérants seront informés de la présente décision par la SCP Gadiou, Chevallier, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui les représente devant le Conseil d'Etat.

Copie en sera adressée au tribunal administratif de Paris, au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 6ème / 1ère ssr
Numéro d'arrêt : 385959
Date de la décision : 18/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

68-03-025-02-03 URBANISME ET AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE. PERMIS DE CONSTRUIRE. NATURE DE LA DÉCISION. OCTROI DU PERMIS. PERMIS À TITRE PRÉCAIRE. - CONDITIONS DE LÉGALITÉ - CARACTÈRE NÉCESSAIRE ET PROPORTIONNÉ DE LA DÉROGATION AUX RÈGLES D'URBANISME APPLICABLES.

68-03-025-02-03 L'objet des dispositions relatives aux permis de construire précaires, figurant aux articles L. 433-1 et suivants du code de l'urbanisme, est d'autoriser, à titre exceptionnel, des constructions temporaires qui, sans respecter l'ensemble de la règlementation d'urbanisme applicable, répondent à une nécessité caractérisée, tenant notamment à des motifs d'ordre économique, social, culturel ou d'aménagement, et ne dérogent pas de manière disproportionnée aux règles d'urbanisme applicables eu égard aux caractéristiques du terrain d'assiette, à la nature de la construction et aux motifs rendant nécessaire le projet.


Publications
Proposition de citation : CE, 18 fév. 2015, n° 385959
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Clémence Olsina
Rapporteur public ?: M. Xavier de Lesquen
Avocat(s) : SCP GADIOU, CHEVALLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:385959.20150218
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