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17/02/2015 | FRANCE | N°382732

France | France, Conseil d'État, 1ère sous-section jugeant seule, 17 février 2015, 382732


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

1°) M. X...-AA...C..., M. I...U..., M. A...E..., M. X...-AC...Q..., M. I...Y..., M. G...N..., M. S...T...et Mme L...E...ont demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'élection de Mme M...W...à l'issue des opérations électorales qui se sont déroulées le 23 mars 2014 pour l'élection des conseillers municipaux de la commune de Laignes (Côte d'Or).

2°) M.C..., M.U..., M.E..., M.Q..., M.Y..., M.N..., M. T...et Mme E...ont demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'élection de M

me R...H...à l'issue des mêmes opérations électorales.

3°) M.C..., M.U..., M.E....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

1°) M. X...-AA...C..., M. I...U..., M. A...E..., M. X...-AC...Q..., M. I...Y..., M. G...N..., M. S...T...et Mme L...E...ont demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'élection de Mme M...W...à l'issue des opérations électorales qui se sont déroulées le 23 mars 2014 pour l'élection des conseillers municipaux de la commune de Laignes (Côte d'Or).

2°) M.C..., M.U..., M.E..., M.Q..., M.Y..., M.N..., M. T...et Mme E...ont demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'élection de Mme R...H...à l'issue des mêmes opérations électorales.

3°) M.C..., M.U..., M.E..., M.Q..., M.Y..., M.N..., M. T...et Mme E...ont demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'élection de Mme M...W..., Mme R...H..., M. X...-AB...J..., M. P...O..., M. X...-AD...V..., M. K...D..., M. X...-I... F...et Mme Z...B...à l'issue des mêmes opérations électorales

Par un jugement nos 1401093, 1401094 et 1401096 du 16 juin 2014, le tribunal administratif de Dijon, après avoir joint les trois protestations, a annulé l'élection de Mme M...W..., Mme R...H..., M. X...-AB...J..., M. P...O..., M. X... -AD...V..., M. K...D..., M. X...-I... F...et Mme Z...B..., annulé les opérations du second tour de scrutin et rejeté le surplus des conclusions de la protestation n° 1401096.

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 17 juillet 2014, 18 août 2014 et 13 janvier 2015 au secrétariat du Conseil d'Etat, M.F..., MmeW..., MmeH..., M.J..., M.O..., M.V..., M. D... et Mme B...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 16 juin 2014 ;

2°) de rejeter les protestations de M. C...et des autres protestataires de première instance ;

3°) de mettre à la charge de M. C...et des autres protestataires de première instance la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code électoral ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Florence Marguerite, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat de M. F...et autres.

Vu la note en délibéré, enregistrée le 29 janvier 2015, présentée par M. C... et les autres défendeurs.

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue du premier tour de scrutin organisé le 23 mars 2014 dans la commune de Laignes, commune de moins de 1 000 habitants, en vue de l'élection des conseillers municipaux, treize candidats, qui s'étaient présentés sur la liste conduite par M. X...-I...F..., maire sortant, ont obtenu un nombre de voix supérieur ou égal à la majorité absolue des suffrages exprimés et au quart des électeurs inscrits et ont ainsi été proclamés élus. A l'issue du second tour de scrutin, le 30 mars 2014, les deux derniers sièges restant à pourvoir ont été emportés par des candidats de la liste adverse, conduite par M. X...-AA...C....

2. Eu égard aux moyens qu'ils invoquent, les requérants doivent être regardés comme demandant l'annulation du jugement du tribunal administratif de Dijon du 16 juin 2014 en tant seulement que, par son article 1er, il a annulé leur élection ainsi que, par voie de conséquence, les opérations électorales du second tour de scrutin.

Sur la fin de non-recevoir soulevée par M. C...et les autres défendeurs :

3. En vertu de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, " La requête indique les noms et domicile des parties ". Toutefois, si la requête omet de mentionner l'un des protestataires de première instance, défendeur à l'instance d'appel, cette circonstance est sans incidence sur sa recevabilité, dès lors que le jugement attaqué, joint à la requête sommaire, permettait d'identifier l'ensemble des défendeurs. Dès lors, la fin de non-recevoir soulevée par M. C...et les autres défendeurs doit être écartée.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. Le deuxième alinéa de l'article L. 52-8 du code électoral dispose que : " Les personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d'un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués ".

5. Il résulte de l'instruction que, le 4 mars 2014, M. F...a adressé aux habitants de la commune un document à en-tête de la commune s'intitulant " Avis à la population ", signé en sa qualité de maire et comportant le tampon de la commune, par lequel il rappelait les accusations dont lui-même et son deuxième adjoint avaient fait l'objet dans le bulletin d'information " Pour que Laignes avance " diffusé par la liste adverse et indiquait avoir déposé plainte contre M. C...et ses colistiers en raison des propos dénoncés. Eu égard à son contenu, ce document doit être regardé comme émanant de M. F...en tant que candidat aux élections municipales. Il constitue ainsi une utilisation irrégulière, à des fins électorales, des moyens mis à la disposition du maire pour assurer le fonctionnement du service public et revêt le caractère d'un don d'une personne morale prohibé par les dispositions de l'article L. 52-8 du code électoral.

6. Toutefois, d'une part, il ne résulte pas de l'instruction que la distribution de ce document aurait été assurée par les agents de la commune. Ainsi, eu égard au coût très limité de l'impression du document litigieux, le financement irrégulier de la dépense correspondante n'a pas été, par lui-même, de nature à altérer les résultats du scrutin. D'autre part, eu égard tant au contexte de vive polémique électorale qu'à la teneur de ce document et à la date de son envoi, qui permettait aux candidats de la liste adverse d'y apporter une réponse appropriée, cette irrégularité, pour regrettable qu'elle soit, ne peut être regardée comme une pression sur les électeurs ayant été de nature à porter atteinte à l'égalité des candidats en matière de propagande électorale ni, par suite, à altérer la sincérité du scrutin du 23 mars 2014. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon s'est fondé sur ce motif pour annuler l'élection des requérants lors des opérations électorales qui se sont déroulées dans la commune de Laignes le 23 mars 2014.

7. Il appartient toutefois au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres griefs soulevés par M. C...et les autres défendeurs à l'appui de leurs protestations devant le tribunal administratif de Dijon.

8. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, lors des opérations de dépouillement auxquelles il a été procédé le 23 mars 2014 dans le bureau de vote de la commune de Laignes, le nombre des enveloppes trouvées dans l'urne était de 553, alors que le nombre des émargements était de 550 seulement. Il y a lieu, dès lors, même en l'absence de manoeuvre, de retrancher les trois suffrages irréguliers tant du nombre des suffrages exprimés que de celui des voix obtenues par les candidats proclamés élus. Après cette déduction, le nombre des suffrages exprimés se trouve ramené à 536 et celui des voix obtenues par Mme W...à 267. Ainsi, cette candidate n'atteignant pas la majorité absolue, ramenée à 269 voix, les requérants ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal a annulé son élection.

9. En deuxième lieu, il est constant que la convention passée entre la commune et un supermarché voisin, ayant pour objet la fourniture de denrées alimentaires à distribuer aux bénéficiaires de la banque alimentaire organisée dans la commune, expirait le 31 mars 2014. Si cette échéance, liée au changement de directeur du supermarché, a pu être évoquée par Mme H..., adjointe au maire, dans les locaux du centre communal d'action sociale quelques jours avant le scrutin, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle l'aurait été dans des termes laissant entendre que son renouvellement dépendait des résultats des élections et que les propos tenus à cette occasion aient eu le caractère d'un acte de pression ayant altéré la sincérité du scrutin.

10. En troisième lieu, il ne résulte pas de l'instruction, alors que M. F...et ses colistiers fournissent une facture relative à des achats d'étiquettes, que la commune de Laignes aurait fait bénéficier leur liste de la fourniture gratuite d'étiquettes. Dès lors, le moyen tiré de ce que la liste conduite par M. F...aurait bénéficié d'un avantage en nature de la part de la commune, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 52-8 du code électoral citées au point 4, doit être écarté.

11. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 34 du code électoral, dans sa rédaction applicable au scrutin des 23 et 30 mars 2014 : " La commission de propagande reçoit du préfet le matériel nécessaire à l'expédition des circulaires et bulletins de vote et fait préparer les libellés d'envoi. / Elle est chargée : / - d'adresser, au plus tard le mercredi précédant le premier tour de scrutin et, en cas de ballottage, le jeudi précédant le second tour, à tous les électeurs de la circonscription, une circulaire et un bulletin de vote de chaque candidat, binôme de candidats ou liste (...) ". M. C...et les autres protestaires de première instance soutiennent que les personnes candidates sur leur liste, ainsi que leurs proches résidant au même domicile, n'ont pas reçu la circulaire et le bulletin de vote de la liste conduite par M.F.... A la supposer établie, une telle circonstance ne serait pas de nature à altérer la sincérité du premier tour de scrutin, à l'issue duquel seuls des candidats inscrits sur la liste conduite par M. F...ont été proclamés élus.

12. En dernier lieu, il n'appartient pas au juge de l'élection d'apprécier la régularité des inscriptions sur les listes électorales, dès lors qu'il n'est pas établi que les inscriptions contestées aient résulté de manoeuvres de nature à porter atteinte à la sincérité du scrutin. En l'espèce, il ne résulte pas de l'instruction que la non-inscription d'une habitante de nationalité polonaise sur les listes électorales de la commune avant le 31 décembre 2013 soit le résultat d'une telle manoeuvre. Dès lors, M. C...et les autres protestataires de première instance ne sont pas fondés à soutenir que le scrutin se serait, pour ce motif, déroulé dans des conditions irrégulières.

13. D'une part, bien qu'après l'annulation de l'élection de MmeW..., aucun autre candidat ne puisse être proclamé élu à l'issue des opérations du premier tour de scrutin, ces dernières opérations n'ont pas été en elles-mêmes entachées d'irrégularités de nature à en entraîner l'annulation. D'autre part, le second tour de scrutin n'a pas eu lieu pour la désignation d'un nombre de conseillers supérieur à celui des sièges qui étaient légalement à pourvoir. C'est, dès lors, à tort que le tribunal administratif a jugé que les opérations du second tour de scrutin devaient être annulées.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. F...et les autres requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement qu'ils attaquent, le tribunal administratif de Dijon a annulé l'élection de MmeH..., M.J..., M.O..., M.V..., M.D..., M. F... et MmeB..., ainsi que, par voie de conséquence, les opérations électorales du second tour de scrutin.

15. Il résulte des dispositions de l'article L. 258 du code électoral, applicables aux communes de moins de 1 000 habitants, que lorsque le conseil municipal a perdu, par l'effet des vacances survenues, le tiers de ses membres, il est, dans le délai de trois mois à dater de la dernière vacance, procédé à des élections complémentaires. En l'espèce, d'une part, la proclamation de l'élection d'un autre candidat n'est pas possible. D'autre part, les dispositions de l'article L. 258 font obstacle à une élection ne portant que sur un siège. Dès lors, il y a lieu, pour le juge de l'élection, de constater la vacance de ce siège.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. F...et des autres requérants, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme que M. C...et les autres défendeurs demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. F...et des autres requérants présentées au même titre.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'élection, au premier tour de scrutin, de MmesH..., B...et de MM.J..., O..., V..., D...etF..., en qualité de conseillers municipaux de la commune de Laignes, et les opérations électorales qui se sont déroulées le 30 mars 2014 dans cette commune sont validées.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Dijon du 16 juin 2014 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. F...et des autres requérants est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de M. C...et des autres défendeurs présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. X...-I...F..., à M. X...-AA... C...et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 1ère sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 382732
Date de la décision : 17/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 17 fév. 2015, n° 382732
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Florence Marguerite
Rapporteur public ?: Mme Maud Vialettes
Avocat(s) : SCP GASCHIGNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:382732.20150217
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