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13/02/2015 | FRANCE | N°386667

France | France, Conseil d'État, 6ème sous-section jugeant seule, 13 février 2015, 386667


Vu la procédure suivante :

M. C...A...et Mme E...D...B...ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Versailles, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 15 janvier 2014 du préfet de l'Essonne portant prescriptions complémentaires à la société Fulchiron Industrielle pour l'exploitation de la carrière dite du " Bois Rond " sur la commune de Milly-la-Forêt, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de cet arrêté. Par une ordonnance n° 1408023 du 17 d

cembre 2014, le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a ...

Vu la procédure suivante :

M. C...A...et Mme E...D...B...ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Versailles, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 15 janvier 2014 du préfet de l'Essonne portant prescriptions complémentaires à la société Fulchiron Industrielle pour l'exploitation de la carrière dite du " Bois Rond " sur la commune de Milly-la-Forêt, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur la légalité de cet arrêté. Par une ordonnance n° 1408023 du 17 décembre 2014, le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a suspendu l'exécution de cet arrêté.

1° Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 23 et 31 décembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat sous le n° 386667, la société Fulchiron Industrielle demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance n° 1408023 du juge des référés du tribunal administratif de Versailles ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de suspension présentée de M. A... et Mme D...B...;

3°) de mettre à la charge de M. A...et Mme D...B...la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Par un pourvoi, enregistré le 2 janvier 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat sous le n° 386871, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie demande au Conseil d'Etat d'annuler l'ordonnance n° 1408023 du juge des référés du tribunal administratif de Versailles.

....................................................................................

3° Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 et 9 janvier 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat sous le n° 386929, la société Fulchiron Industrielle demande au Conseil d'Etat :

1°) d'ordonner le sursis à exécution de l'ordonnance n° 1408023 du juge des référés du tribunal administratif de Versailles ;

2°) de mettre à la charge de M. A...et Mme D...B...la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu :

- les autres pièces des dossiers ;

- le code de l'environnement ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le décret n° 2008-680 du 9 juillet 2008 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sophie Roussel, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, Texidor, avocat de la Société Fulchiron Industrielle SAS, à la SCP Delvolvé, avocat de M. A...et de Mme D...B... ;

Sur les pourvois :

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que par un arrêté du 20 juin 2003, le préfet de l'Essonne a autorisé la société Fulchiron Industrielle à exploiter la carrière de sable industriel dite du " Bois Rond " sur le territoire de la commune de Milly-la-Forêt, située à environ 300 mètres du lieu d'habitation de M. A...et Mme D...B...; que par un arrêté du 15 janvier 2014 portant prescriptions complémentaires à la société Fulchiron Industrielle, le préfet de l'Essonne a autorisé l'exploitation de la carrière par une nouvelle machine dénommée " XCentric-Ripper XR120 ", en remplacement des tirs de mines et du brise-roche hydraulique utilisés précédemment ; que M. A... et Mme D...B...ont demandé le 17 novembre 2014 la suspension de l'exécution de cet arrêté ; que par une ordonnance du 17 décembre suivant, le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a fait droit à cette demande en suspendant l'exécution de l'arrêté du 15 janvier 2014, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur sa légalité ; que, sous le n° 386667, la société Fulchiron Industrielle et, sous le n° 386871, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie se pourvoient en cassation contre cette ordonnance ; qu'il y a lieu de joindre leurs pourvois pour statuer par une seule décision ;

En ce qui concerne la recevabilité du pourvoi n° 386871 :

2. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces de la procédure que le pourvoi n° 386871 du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a été présenté par télécopie et enregistré au secrétariat de la section du Conseil d'Etat le 2 janvier 2015, dans le délai de quinze jours francs suivant la notification, le 17 décembre 2014, de l'ordonnance attaquée ; qu'ainsi, ce pourvoi, présenté conformément aux dispositions de l'article R. 523-1 du code de justice administrative, n'est pas tardif ; que, d'autre part, le signataire de ce pourvoi disposait, en sa qualité de directeur des affaires juridiques et en vertu des dispositions combinées de l'article 1er du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signatures des membres du gouvernement et du II de l'article 2 du décret du 9 juillet 2008 portant organisation de l'administration centrale du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, d'une délégation de signature régulière à cet effet ; qu'il résulte de ce qui précède que les fins de non-recevoir soulevées en défense par M. A...et Mme D... B...doivent être écartées ;

En ce qui concerne le bien-fondé des pourvois n° 386667 et 386871 :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision." ;

4. Considérant qu'il appartient au juge des référés, afin, notamment, de mettre le juge de cassation en mesure d'exercer son contrôle, de faire apparaître les raisons de droit et de fait pour lesquelles, soit il considère que l'urgence justifie la suspension de l'acte attaqué, soit il estime qu'elle ne la justifie pas ; que pour faire droit à la demande de suspension présentée devant lui, le juge des référés du tribunal administratif de Versailles s'est borné à relever que l'autorisation d'un troisième mode d'exploitation de la carrière causait des nuisances portant atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à la situation des requérants, sans caractériser ni la nature de ces nuisances, ni leur degré de gravité ; qu'il a, ce faisant, insuffisamment motivé son ordonnance ; qu'en outre, en se fondant, pour caractériser la situation d'urgence, sur la circonstance que les requérants menaient depuis plusieurs années des procédures contre l'exploitation de la carrière, alors qu'il lui appartenait de rechercher quels étaient les effets de la décision dont la suspension était demandée sur la situation des requérants, le juge des référés a, eu égard à son office, commis une erreur de droit ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des pourvois, que la société Fulchiron Industrielle et le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sont fondés à demander l'annulation de l'ordonnance qu'ils attaquent ;

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur la demande de suspension en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

7. Considérant que l'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre ; qu'il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue ;

8. Considérant, d'une part, que pour justifier l'urgence à ordonner la suspension de l'arrêté préfectoral du 15 janvier 2014, M. A...et Mme D...B...font état des nuisances sonores et de vibrations provoquées par l'utilisation de la machine " XCentric-Ripper XR120 " pour l'exploitation de la carrière de sable dite du " Bois Rond " ; que si les requérants indiquent que ces nuisances porteraient atteinte à leur propriété, il ressort des pièces du dossier que la dégradation de leur bien est antérieure à l'emploi de la machine " XCentric-Ripper XR120 " et serait la conséquence des tirs de mines précédemment autorisés ; que s'il apparaît que les vibrations émises par la machine et transmises par le sol sont susceptibles d'avoir des conséquences négatives sur l'état de santé de M.A..., handicapé à la suite d'un accident de la route, et de sa mère âgée, Mme D...B..., l'instruction ne fait pas apparaître d'éléments précis relatifs aux risques sérieux pour leur santé qu'entraînerait, dans l'immédiat, l'utilisation de la machine " XCentric-Ripper XR120 " ; qu'enfin, M. A...et Mme D...B...n'ont demandé l'annulation de l'arrêté du 15 janvier 2014 autorisant la société Fulchiron à utiliser la machine " XCentric-Ripper XR120 " que le 25 juillet 2014, alors qu'il n'est pas contesté que cette machine était déjà utilisée par la société dès le mois de janvier 2014, et qu'ils avaient connaissance de l'arrêté litigieux au moins depuis le 12 février 2014 ; qu'ils n'ont saisi le juge des référés du tribunal administratif de Versailles d'une demande tendant à la suspension de l'exécution de cet arrêté que le 17 novembre 2014, alors qu'aucun des arguments invoqués à l'appui de cette demande de suspension pour établir l'urgence de celle-ci ne correspond à des données qu'ils n'auraient pas été à même de connaître ou d'apprécier lors de la présentation de leurs conclusions principales, elles-mêmes présentées près de six mois après le début de l'exécution de l'arrêté du 15 janvier 2014 ;

9. Considérant, d'autre part, qu'à défaut de toute autre solution permettant d'exploiter les gisements de sables de la carrière du " Bois-Rond ", la société Fulchiron Industrielle se verrait contrainte, en cas de suspension, de cesser l'exploitation de cette carrière, ce qui risquerait d'entraîner à très brève échéance l'arrêt quasi-total de son site de traitement des sables extraits de Maisse, une mise en chômage partiel de ce site et l'exposerait à de lourdes pertes financières ainsi qu'à des demandes de dommages et intérêts pour rupture d'approvisionnement de la part de ses principaux clients, dont les industries fonctionnent à feu continu ;

10. Considérant que, dans ces conditions, il n'apparaît pas, en l'état de l'instruction, que l'urgence, qui, ainsi qu'il a été dit, doit s'apprécier objectivement et globalement, justifie la suspension de l'exécution de l'arrêté préfectoral du 15 janvier 2014 ; qu'au demeurant, la requête au fond relative à la légalité de l'arrêté contesté est susceptible d'être tranchée à brève échéance par le tribunal administratif de Versailles ; que l'une des conditions posées par l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'étant pas remplie, la demande de suspension présentée par M. A...et Mme D...B...devant le juge des référés du tribunal administratif de Versailles doit être rejetée ;

Sur le sursis à exécution :

11. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 821-5 du code de justice administrative : " La formation de jugement peut, à la demande de l'auteur du pourvoi, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution d'une décision juridictionnelle rendue en dernier ressort si cette décision risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens invoqués paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation de la décision juridictionnelle, l'infirmation de la solution retenue par les juges du fond. " ;

12. Considérant que, par la présente décision, le Conseil d'Etat s'est prononcé sur le pourvoi formé par la société Fulchiron Industrielle contre l'ordonnance n° 1408023 du 17 décembre 2014 du juge des référés du tribunal administratif de Versailles ; que, par suite, les conclusions à fin de sursis à exécution de cette ordonnance sont devenues sans objet ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A...et Mme D...B...la somme demandée par la société Fulchiron Industrielle au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 17 décembre 2014 du juge des référés du tribunal administratif de Versailles est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. A...et Mme D...B...devant le juge des référés du tribunal administratif de Versailles est rejetée.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 386929 présentées par la société Fulchiron Industrielle tendant à ce qu'il soit sursis à exécution de l'ordonnance du 17 décembre 2014 du juge des référés du tribunal administratif de Versailles.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par la société Fulchiron Industrielle dans le pourvoi n° 386667 et la requête n° 386929 et les conclusions présentées par M. A...et Mme D... B...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans les pourvois n° 386667 et 386871 et la requête n° 386929 sont rejetés.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Fulchiron Industrielle, à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, à M. C...A...et à Mme E...D...B....


Synthèse
Formation : 6ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 386667
Date de la décision : 13/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 13 fév. 2015, n° 386667
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Sophie Roussel
Rapporteur public ?: M. Xavier de Lesquen
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER, TEXIDOR ; SCP DELVOLVE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:386667.20150213
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