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13/02/2015 | FRANCE | N°383913

France | France, Conseil d'État, 2ème sous-section jugeant seule, 13 février 2015, 383913


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 août et 9 septembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. G...B...C..., demeurant..., et Mme H...E...F..., épouse B...C..., demeurant ...; M. et Mme B...C...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1405081 du 10 juillet 2014 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté leur demande tendant, d'une part, à ce que soit ordonnée la susp

ension de l'exécution de la décision implicite résultant du silence g...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 août et 9 septembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. G...B...C..., demeurant..., et Mme H...E...F..., épouse B...C..., demeurant ...; M. et Mme B...C...demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1405081 du 10 juillet 2014 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a rejeté leur demande tendant, d'une part, à ce que soit ordonnée la suspension de l'exécution de la décision implicite résultant du silence gardé par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejetant leur recours dirigé contre la décision du consul général de France à Djibouti en date du 30 décembre 2012 refusant de délivrer des visas d'entrée et de long séjour en France à Mme E...F...et à ses deux enfants en qualité respectivement de conjoint et d'enfants de ressortissant étranger bénéficiaire du statut de réfugié, d'autre part, à ce que soit enjoint à l'administration de délivrer les visas sollicités dans un délai d'un mois, ou, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen des demandes ;

2°) statuant en référé, de faire droit à leur demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et Poupot, leur avocat, en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

Vu la convention de New York relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-947 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Tristan Aureau, auditeur,

- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, Poupot, avocat de M. et Mme G...B...C... ;

1. Considérant, qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) " ;

2. Considérant que l'intérêt d'un enfant étant en principe de vivre auprès de la personne qui, en vertu d'une décision de justice qui produit des effets juridiques en France, est titulaire à son égard de l'autorité parentale, l'enfant confié dans de telles conditions à un étranger s'étant vu reconnaître la qualité de réfugié a droit, lorsqu'il a moins de dix-huit ans, sauf à ce que ses conditions d'accueil en France soient contraires à son intérêt, et sous réserve de motifs d'ordre public, à un visa d'entrée et de long séjour en France en vue de venir rejoindre le titulaire de l'autorité parentale réfugié en France ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M. B...C..., de nationalité somalienne, s'est vu reconnaître en 2010 la qualité de réfugié par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; que les demandes de visa formées auprès du consul général de France à Djibouti par Mme E...F..., épouse B...C..., et ses deux enfants ont été rejetées ; que le refus de délivrance des visas sollicités a été implicitement confirmé par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

4. Considérant que, pour rejeter la demande de suspension dirigée contre la décision de la commission de recours, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a relevé que les deux enfants concernés étaient les enfants de Mme B...C...nés d'une précédente union ; qu'il s'est ainsi fondé sur la seule absence de lien de filiation avec M. B...C...pour estimer que les moyens soulevés n'étaient pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée et rejeter en conséquence la demande de suspension dont il était saisi ; qu'en statuant ainsi, le juge des référés a commis une erreur de droit ; qu'ainsi M. et Mme B...C...sont fondés, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé ;

6. Considérant que si le ministre de l'intérieur fait valoir que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France aurait été saisie tardivement par Mme E...F..., les éléments qu'il produit ne sont pas de nature à établir de façon certaine la date à laquelle la décision des autorités consulaires à Djibouti a été notifiée à l'intéressée ;

7. Considérant qu'il résulte des pièces versées au dossier que les enfants Khalid et Sakariye, nés le 19 septembre 1999 et le 7 avril 2001 de l'union de Mme E...F...et de M. D...A..., ont été confiés, après le décès de M. D...A..., à M. B...C..., qui en a reçu la responsabilité parentale à raison de son mariage avec Mme E...F...ainsi que l'indique un certificat de la cour régionale de Banadir produit au cours de l'instruction devant le Conseil d'Etat ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que c'est à tort que la commission de recours a estimé que les enfants ne pouvaient prétendre au bénéfice de la procédure de rapprochement familial apparaît, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ;

8. Considérant qu'eu égard au délai écoulé depuis l'entrée en France de M. B... C..., la condition d'urgence doit être regardée comme remplie ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme B...C...sont fondés à demander que soit ordonnée la suspension de l'exécution de la décision contestée ; qu'il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réexaminer les demandes de visa dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision ;

10. Considérant que M. et Mme B...C...ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, leur avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et Poupot, avocat de M. et Mme B...C..., renonce à percevoir la somme correspondante à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à cette société ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nantes en date du 10 juillet 2014 est annulée.

Article 2 : L'exécution de la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France rejetant le recours de M. et Mme B...C...est suspendue.

Article 3 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de réexaminer dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision les demandes de visa présentées par Mme B... C...et les enfants Khalid et Sakariye.

Article 4 : L'Etat versera à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et Poupot, avocat, une somme de 2 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme G...B...C...et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 2ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 383913
Date de la décision : 13/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 13 fév. 2015, n° 383913
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Tristan Aureau
Rapporteur public ?: Mme Béatrice Bourgeois-Machureau
Avocat(s) : SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD, POUPOT

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:383913.20150213
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