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21/01/2015 | FRANCE | N°370069

France | France, Conseil d'État, 4ème / 5ème ssr, 21 janvier 2015, 370069


Vu le pourvoi, enregistré le 11 juillet 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour M. A...B..., demeurant ... ; M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision n° 11596 du 13 mai 2013 par laquelle la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins, réformant la décision du 2 mars 2012 de la chambre disciplinaire de première instance de Bretagne, d'une part, lui a infligé la sanction de l'interdiction d'exercer la médecine pendant un an, et d'autre part, a décidé que cette sanction prendra effet à compter du 1er septembre 2013

à 0 heure et prendra fin le 31 août 2014 à minuit ;

2°) réglant l'a...

Vu le pourvoi, enregistré le 11 juillet 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour M. A...B..., demeurant ... ; M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision n° 11596 du 13 mai 2013 par laquelle la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins, réformant la décision du 2 mars 2012 de la chambre disciplinaire de première instance de Bretagne, d'une part, lui a infligé la sanction de l'interdiction d'exercer la médecine pendant un an, et d'autre part, a décidé que cette sanction prendra effet à compter du 1er septembre 2013 à 0 heure et prendra fin le 31 août 2014 à minuit ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge du Conseil national de l'ordre des médecins la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés individuelles, notamment son article 6 ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Benjamin de Maillard, auditeur,

- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, avocat de M. B...et à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, Poupot, avocat du Conseil national de l'ordre des médecins ;

1. Considérant que le principe d'impartialité des juridictions, garanti par les stipulations du 1er paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés individuelles, s'oppose à ce que soit conféré à une même autorité le pouvoir de poursuivre et celui de juger ; que le requérant soutient que les dispositions de l'article L. 4132-5 du code de la santé publique qui fixent la composition de la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins, en prévoyant que les membres qui la composent sont notamment élus parmi les membres du Conseil national de l'ordre des médecins alors que ce dernier jouit de pouvoirs de poursuite en application des dispositions de l'article R. 4126-1 du même code, seraient contraires au principe d'impartialité ; que, toutefois, les dispositions critiquées ne portent, par elles-mêmes, aucune atteinte à ce principe, dès lors qu'en vertu des dispositions de l'article L. 4122-3 de ce même code, aucun membre de la chambre disciplinaire nationale ne peut siéger lorsqu'il a eu connaissance des faits de la cause à raison de l'exercice d'autres fonctions ordinales ;

2. Considérant que, pour juger que M. B...avait commis de graves fautes dans l'exercice de ses fonctions de trésorier du conseil de l'ordre départemental des médecins du Pas-de-Calais, la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins a relevé que M. B... avait consenti pendant plusieurs années à ce que des avances sur indemnités ou remboursements de frais fussent accordés à M. Biencourt, président de ce conseil, en toute irrégularité, entraînant une dette importante de M. Biencourt à l'égard du conseil départemental ; que deux chèques de 30 000 euros et 9 000 euros avaient été remis les 26 décembre 2007 et 25 janvier 2008 à M. Biencourt à des fins personnelles ; que M. B...s'était abstenu de révéler ces agissements lors de la venue au conseil départemental d'une délégation du Conseil national de l'ordre des médecins le 1er octobre 2008 ; que si M. B...avait fait signer une reconnaissance de dette de 39 000 euros à M. Biencourt le 15 janvier 2008, il n'avait informé les autres membres du bureau de la situation qu'en novembre 2008 et n'avait pas pris les mesures efficaces pour mettre fin à ces dérives ; que le versement de nouvelles avances sur indemnités au président du conseil départemental s'était poursuivi jusqu'en février 2011 ; que la chambre disciplinaire nationale a estimé que, sans aller jusqu'à l'accuser de complicité avec M. Biencourt, M. B...avait fait preuve de légèreté et d'imprudence dans l'exercice des fonctions de trésorier ; qu'il avait ainsi contrevenu aux dispositions des articles R. 4127-3 et 4127-31 du code de la santé publique ;

3. Considérant que la chambre disciplinaire nationale n'a pas commis d'erreur de droit en écartant le bénéfice du doute sur le point de savoir si le chèque de 9 000 euros, dont il est fait état ci-dessus, avait été remis à M. Biencourt en l'absence et à l'insu de M.B..., compte tenu de la nature même des fonctions de trésorier, impliquant qu'il relevait de sa seule responsabilité de contrôler la trésorerie, de vérifier la destination des fonds dépensés et de signer les chèques ;

4. Considérant que c'est par une appréciation souveraine exempte de dénaturation que la chambre disciplinaire nationale a estimé que M. B...s'était abstenu de révéler les agissements de M. Biencourt lors de la visite d'une délégation du conseil national au conseil départemental le 1er octobre 2008, alors même que les opérations litigieuses qui lui sont reprochées étaient consignées dans les livres de comptes ;

5. Considérant que si le choix de la sanction relève de l'appréciation des juges du fond au vu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, il appartient au juge de cassation de vérifier que la sanction retenue n'est pas hors de proportion avec la faute commise et qu'elle a pu dès lors être légalement prise ;

6. Considérant qu'en infligeant à M. B...la sanction d'interdiction d'exercer la médecine pendant une durée d'un an, la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins n'a pas retenu une sanction hors de proportion avec la faute constituée par des manquements graves et répétés dans l'exercice des fonctions de trésorier du conseil départemental de l'ordre ; que, dès lors, la sanction a pu être légalement prise ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision attaquée ;

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B...la somme de 2 000 euros à verser au Conseil national de l'ordre des médecins, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, ces dispositions font obstacle à ce que à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du Conseil national de l'ordre des médecins qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. B...est rejeté.

Article 2 : M. B...versera une somme de 2000 euros au Conseil national de l'ordre des médecins au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et au Conseil national de l'ordre des médecins.


Synthèse
Formation : 4ème / 5ème ssr
Numéro d'arrêt : 370069
Date de la décision : 21/01/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

PROCÉDURE - VOIES DE RECOURS - CASSATION - CONTRÔLE DU JUGE DE CASSATION - BIEN-FONDÉ - PROPORTIONNALITÉ D'UNE SANCTION AUX FAUTES COMMISES - APPRÉCIATION DES JUGES DU FOND - MODALITÉ DU CONTRÔLE DU JUGE DE CASSATION - VÉRIFICATION QUE LA SANCTION RETENUE N'EST PAS HORS DE PROPORTION [RJ1] - ESPÈCE - SANCTION AYANT PU ÊTRE LÉGALEMENT PRISE.

54-08-02-02-01 Médecin ayant occupé des fonctions de trésorier d'un conseil départemental de l'ordre des médecins et ayant dans ce cadre consenti pendant plusieurs années à ce que des avances sur indemnités ou remboursements de frais fussent accordées au président de ce conseil. Il a également admis que deux chèques d'un montant significatif soient remis à ce dernier à des fins personnelles en informant tardivement les autres membres du bureau et sans prendre des mesures efficaces pour mettre fin à ces dérives. L'intéressé s'est en outre abstenu de révéler ces agissements lors de la venue au conseil départemental d'une délégation du Conseil national. En infligeant à l'intéressé la sanction d'interdiction d'exercer la médecine pendant une durée d'un an, la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins n'a pas retenu une sanction hors de proportion avec la faute constituée par des manquements graves et répétés dans l'exercice des fonctions de trésorier du conseil départemental de l'ordre. Sa sanction a dès lors pu être légalement prise.

PROFESSIONS - CHARGES ET OFFICES - DISCIPLINE PROFESSIONNELLE - PROPORTIONNALITÉ D'UNE SANCTION AUX FAUTES COMMISES - APPRÉCIATION DES JUGES DU FOND - MODALITÉ DU CONTRÔLE DU JUGE DE CASSATION - VÉRIFICATION QUE LA SANCTION RETENUE N'EST PAS HORS DE PROPORTION [RJ1] - ESPÈCE - SANCTION AYANT PU ÊTRE LÉGALEMENT PRISE.

55-04 Médecin ayant occupé des fonctions de trésorier d'un conseil départemental de l'ordre des médecins et ayant dans ce cadre consenti pendant plusieurs années à ce que des avances sur indemnités ou remboursements de frais fussent accordées au président de ce conseil. Il a également admis que deux chèques d'un montant significatif lui soient remis à des fins personnelles en informant tardivement les autres membres du bureau et sans prendre des mesures efficaces pour mettre fin à ces dérives. L'intéressé s'est en outre abstenu de révéler ces agissements lors de la venue au conseil départemental d'une délégation du Conseil national. En infligeant à l'intéressé la sanction d'interdiction d'exercer la médecine pendant une durée d'un an, la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des médecins n'a pas retenu une sanction hors de proportion avec la faute constituée par des manquements graves et répétés dans l'exercice des fonctions de trésorier du conseil départemental de l'ordre. Sa sanction a dès lors pu être légalement prise.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, Assemblée, 30 décembre 2014, M. Bonnemaison, n° 381245, à publier au Recueil.


Publications
Proposition de citation : CE, 21 jan. 2015, n° 370069
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Benjamin de Maillard
Rapporteur public ?: Mme Gaëlle Dumortier
Avocat(s) : SCP BORE, SALVE DE BRUNETON ; SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD, POUPOT

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2015:370069.20150121
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