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30/12/2014 | FRANCE | N°379643

France | France, Conseil d'État, 6ème sous-section jugeant seule, 30 décembre 2014, 379643


Vu la requête, enregistrée le 22 avril 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la commune de Malestroit (56140), représentée par son maire ; la commune de Malestroit demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2014-215 du 21 février 2014 portant délimitation des cantons dans le département du Morbihan.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code électoral ;

Vu la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 ;

Vu le code de justice administrative

;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Henri Loyrette, conseiller d'Eta...

Vu la requête, enregistrée le 22 avril 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la commune de Malestroit (56140), représentée par son maire ; la commune de Malestroit demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2014-215 du 21 février 2014 portant délimitation des cantons dans le département du Morbihan.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code électoral ;

Vu la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Henri Loyrette, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 191-1 du code électoral, résultant de la loi du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires et modifiant le calendrier électoral : " Le nombre de cantons dans lesquels sont élus les conseillers départementaux est égal, pour chaque département, à la moitié du nombre de cantons existant au 1er janvier 2013, arrondi à l'unité impaire supérieure si ce nombre n'est pas entier impair. / Le nombre de cantons dans chaque département comptant plus de 500 000 habitants ne peut être inférieur à dix-sept. Il ne peut être inférieur à treize dans chaque département comptant entre 150 000 et 500 000 habitants " ; qu'aux termes de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de la même loi, applicable à la date du décret attaqué :" I. - Les modifications des limites territoriales des cantons, les créations et suppressions de cantons et le transfert du siège de leur chef-lieu sont décidés par décret en Conseil d'Etat après consultation du conseil général qui se prononce dans un délai de six semaines à compter de sa saisine. A l'expiration de ce délai, son avis est réputé rendu. (...) / III. - La modification des limites territoriales des cantons effectuée en application du I est conforme aux règles suivantes : / a) Le territoire de chaque canton est défini sur des bases essentiellement démographiques ; / b) Le territoire de chaque canton est continu ; / c) Est entièrement comprise dans le même canton toute commune de moins de 3 500 habitants ; / IV. - Il n'est apporté aux règles énoncées au III que des exceptions de portée limitée, spécialement justifiées, au cas par cas, par des considérations géographiques, d'ordre topographique, comme l'insularité, le relief, l'hydrographie ; d'ordre démographique, comme la répartition de la population sur le territoire départemental ; d'équilibre d'aménagement du territoire, comme l'enclavement, la superficie, le nombre de communes par canton ; ou par d'autres impératifs d'intérêt général " ;

2. Considérant que le décret attaqué a, sur le fondement de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales, procédé à une nouvelle délimitation des cantons du département du Morbihan, compte tenu de l'exigence de réduction du nombre des cantons de ce département de 42 à 21 résultant de l'article L. 191-1 du code électoral ;

Sur la légalité externe du décret attaqué :

3. Considérant, en premier lieu, que ni les dispositions du IV de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales relatives aux dérogations aux règles de détermination des limites des cantons ni aucune autre disposition ou principe n'imposaient de motiver le décret attaqué ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que le département ne peut, en tout état de cause, utilement se prévaloir des termes de la circulaire du Premier ministre du 7 juillet 2011 relative à la qualité du droit qui prévoient que : " la publication des décrets réglementaires (...) s'accompagne d'une notice explicative, c'est-à-dire d'un document synthétique destiné à éclairer le lecteur du Journal officiel de la République française sur la portée du texte nouveau ", qui ne présentent pas un caractère réglementaire ;

5. Considérant, en troisième lieu, que les dispositions de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales se bornent à prévoir la consultation du conseil général du département concerné à l'occasion de l'opération de création et de suppression de cantons ; que, contrairement à ce que soutient la commune, aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait une consultation des communes chefs-lieux de canton du département ; qu'est sans incidence sur ce point la circonstance que l'article L. 2334-21 du même code prévoit que la première fraction de la dotation de solidarité rurale est attribuée aux communes chefs-lieux de canton ; que, dès lors, le moyen tiré du défaut de consultation de ces communes ne peut qu'être écarté ;

6. Considérant, en quatrième lieu, que l'organisme dont une disposition législative ou réglementaire prévoit la consultation avant l'intervention d'une décision doit être mis à même d'exprimer son avis sur l'ensemble des questions soulevées par cette décision ; que, dans le cas où, après avoir recueilli son avis, l'autorité compétente envisage d'apporter à son projet des modifications, elle ne doit procéder à une nouvelle consultation de cet organisme que si ces modifications posent des questions nouvelles ; que, à la suite de la consultation du conseil général du Morbihan, les communes de Brech et Arradon ont été rattachées à des cantons différents de ceux résultant du découpage initial soumis à cet organe ; que ces modifications ponctuelles, qui n'ont eu pour objet que de tirer les conséquences de cette consultation, ne soulevaient pas de question nouvelle justifiant une nouvelle consultation du conseil général ; que, par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la consultation du conseil général doit être écarté ;

7. Considérant, en cinquième lieu, qu'il ressort des pièces produites par le ministre de l'Intérieur que le décret attaqué ne contient aucune disposition différant à la fois du projet soumis par le Gouvernement au Conseil d'Etat et de celles qui ont été adoptées par ce dernier ; que dès lors, le moyen tiré de ce que le décret attaqué aurait été pris en méconnaissance des règles qui gouvernent l'examen des projets de décret par le Conseil d'Etat ne peut qu'être écarté ;

Sur la légalité interne du décret attaqué :

8. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des dispositions de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales que le territoire de chaque canton doit être établi sur des bases essentiellement démographiques, qu'il doit être continu et que toute commune de moins de 3 500 habitants doit être entièrement comprise dans un même canton, seules des exceptions de portée limitée et spécialement justifiées pouvant être apportées à ces règles ; qu'il n'est pas contesté que les limites des cantons du département du Morbihan ont été définies sur le fondement de ces critères ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les zones rurales seraient, du fait de la mise en oeuvre de ces règles, moins bien représentées que les zones urbaines au sein de l'assemblée départementale ne peut qu'être écarté ;

9. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du III de l'article L. 1111-9 du code général des collectivités territoriales : " Le département est chargé d'organiser, en qualité de chef de file, les modalités de l'action commune des collectivités territoriales et de leurs établissements publics pour l'exercice des compétences relatives à : (...) / 3° La solidarité des territoires. (...) " ; que les dispositions du décret attaqué, qui se bornent à définir les limites des cantons, sont sans incidence sur l'étendue et les conditions d'exercice des compétences dévolues au département du Morbihan ; que, dès lors, celui-ci ne peut utilement soutenir que les dispositions citées ci-dessus auraient été méconnues ;

10. Considérant, enfin, qu'il ressort des pièces du dossier que la commune de Moréac est l'une des communes du canton n° 10 les mieux desservies et est la plus peuplée ; que, par suite, la désignation de son bureau centralisateur comme bureau centralisateur du canton n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la commune requérante n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 21 février 2014 portant délimitation des cantons dans le département du Morbihan ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la commune de Malestroit est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la commune de Malestroit et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 6ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 379643
Date de la décision : 30/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 30 déc. 2014, n° 379643
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Henri Loyrette
Rapporteur public ?: Mme Suzanne Von Coester

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:379643.20141230
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