Vu le mémoire, enregistré le 10 octobre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour M. A...B..., demeurant..., en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; M. B... demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son pourvoi tendant à l'annulation du jugement n° 1300558-1400209 du 12 juin 2014 prononçant la liquidation d'une astreinte en tant qu'il limite à 1 600 euros le montant de l'astreinte prononcée par le jugement du 28 novembre 2013 du même tribunal à l'encontre de l'Etat, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article L. 911-8 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule et l'article 61-1 ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
Vu le code de justice administrative, notamment ses articles L. 911-6, L. 911-7 et L. 911-8 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Sophie-Justine Lieber, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Corlay, avocat de M. B...;
1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-6 du code de justice administrative : " L'astreinte est provisoire ou définitive. Elle doit être considérée comme provisoire à moins que la juridiction n'ait précisé son caractère définitif. Elle est indépendante des dommages et intérêts " ; qu'aux termes de l'article L. 911-7 du même code : " En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l'astreinte qu'elle avait prononcée. / Sauf s'il est établi que l'inexécution de la décision provient d'un cas fortuit ou de force majeure, la juridiction ne peut modifier le taux de l'astreinte définitive lors de sa liquidation / Elle peut modérer ou supprimer l'astreinte provisoire, même en cas d'inexécution constatée " ; qu'aux termes de l'article L. 911-8 du même code : " La juridiction peut décider qu'une part de l'astreinte ne sera pas versée au requérant. / Cette part est affectée au budget de l'Etat. " ;
3. Considérant que, par jugement du 28 novembre 2013, le tribunal administratif de Poitiers a prononcé à l'encontre de l'Etat des astreintes s'il ne justifiait pas avoir, dans le mois suivant la notification de ce jugement, exécuté le jugement n° 1002514 du même tribunal du 10 mars 2011 et jusqu'à la date de cette exécution ; que par un jugement du 12 juin 2014, le même tribunal a procédé à la liquidation d'office des astreintes prononcées par le jugement du 28 novembre 2013, pour la période du 29 décembre 2013 au 28 mai 2014 inclus, aux taux de 100 et 15 euros par jour, ce qui représentait une somme totale de 16 600 euros ; que le jugement attaqué, qui est attaqué dans cette mesure, a estimé que compte tenu des circonstances de l'espèce, il convenait d'allouer à M. B...10 pour cent de cette somme, soit 1 660 euros ; qu'à l'appui de son pourvoi, le requérant invoque la méconnaissance, par l'article L. 911-8 du code de justice administrative, du droit à un procès équitable et du principe de séparation des pouvoirs, dont découlent le principe d'égalité des droits des parties et le droit à l'exécution des décisions juridictionnelles, qui est une composante du droit au recours effectif ;
4. Considérant que les dispositions contestées doivent être regardées comme applicables au litige au sens et pour l'application de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 susvisée et n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel ; que le moyen tiré de ce que, en prévoyant la possibilité pour le juge de réduire le montant de l'astreinte due au requérant et l'affectation de la part non versée à l'intéressé au budget général de l'Etat, sans prévoir une autre possibilité d'affectation lorsque l'astreinte est prononcée à l'encontre de l'Etat, elles méconnaissent le droit à l'exécution des décisions juridictionnelles, composante du droit au recours effectif protégé par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, soulève une question qui présente un caractère sérieux ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité portant sur les dispositions de l'article L. 911-8 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La question de la conformité à la Constitution des dispositions de l'article L. 911-8 du code de justice administrative est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et à la garde des sceaux, ministre de la justice.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.