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18/12/2014 | FRANCE | N°356856

France | France, Conseil d'État, 9ème ssjs, 18 décembre 2014, 356856


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme A...ont demandé au tribunal administratif de Bastia la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été mis à leur charge pour la période du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2001, ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, des contributions sociales et des pénalités correspondantes auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2000 et 2001. Par un jugement n° 0501164 et 0500855 du 23 novembre 2006, le tribunal administratif de Bastia a rejeté leurs

demandes de décharge de ces impositions.

Par une décision n° 328977 du 30 mai...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme A...ont demandé au tribunal administratif de Bastia la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été mis à leur charge pour la période du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2001, ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, des contributions sociales et des pénalités correspondantes auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2000 et 2001. Par un jugement n° 0501164 et 0500855 du 23 novembre 2006, le tribunal administratif de Bastia a rejeté leurs demandes de décharge de ces impositions.

Par une décision n° 328977 du 30 mai 2011, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt n° 07MA00026 du 16 avril 2009 de la cour administrative d'appel de Marseille confirmant ce jugement et a renvoyé l'affaire à cette cour.

Par un arrêt n° 11MA03626 du 15 décembre 2011, la cour administrative d'appel de Marseille a, d'une part, décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de M. et Mme A..., à concurrence de la somme de 3 589 euros en ce qui concerne les pénalités de l'article 1728 du code général des impôts relatives à l'année 2001, d'autre part, annulé le jugement du 23 novembre 2006 du tribunal administratif de Bastia, déchargé M. et Mme A...de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2001 et des pénalités correspondantes, en tant qu'elles portaient sur les revenus d'origine indéterminée et, enfin, rejeté le surplus des conclusions de leur demande et de leur requête.

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par un pourvoi, enregistré le 17 février 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'économie et des finances demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 11MA03626 du 15 décembre 2011 de la cour administrative d'appel de Marseille ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de M. et MmeA....

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Marie Deligne, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Potier de la Varde, Buk Lament, avocat de M. A...;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... A..., qui exploite à titre individuel des discothèques situées à Porticcio et à Ajaccio en Corse, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au terme de laquelle ses bénéfices industriels et commerciaux ont été rehaussés pour les années 2000 et 2001, respectivement selon la procédure contradictoire et la procédure d'évaluation d'office. Des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ont également été mis à sa charge pour la période du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2001. M. et Mme A...ont, par ailleurs, fait l'objet d'un examen de leur situation fiscale personnelle au terme duquel ils ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, ainsi qu'aux pénalités correspondantes, au titre des années 2000 et 2001, selon la procédure contradictoire, à l'exception des revenus d'origine indéterminée qui ont été taxés d'office. Par un jugement du 23 novembre 2006, le tribunal administratif de Bastia a statué, après les avoir jointes, sur ces deux demandes qu'il a rejetées. Par une décision en date du 30 mai 2011, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille en date du 16 avril 2009 confirmant ce jugement, au motif qu'elle n'avait pas soulevé d'office le moyen tiré ce que le tribunal administratif avait statué à tort sur les droits de taxe sur la valeur ajoutée auxquels M. A...avait été assujetti en même temps que sur les compléments d'impôt sur le revenu de M. et Mme A..., et renvoyé l'affaire à la même cour. La cour administrative d'appel de Marseille, par un premier arrêt du 15 décembre 2011, a d'une part, annulé, par son article 2, le jugement du tribunal administratif de Bastia du 23 novembre 2006, d'autre part, par son article 3, déchargé M. et Mme A...de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu de l'année 2001, en tant qu'elle porte sur les revenus d'origine indéterminée, ainsi que des pénalités correspondantes et, par un second arrêt du même jour, statué sur les conclusions de la demande de M. A...portant sur le litige de taxe sur la valeur ajoutée. Le ministre de l'économie et des finances doit être regardé comme dirigeant son pourvoi contre l'article 3, qui seul lui fait grief, du premier arrêt. M. et Mme A...demandent, par la voie du pourvoi incident, l'annulation de l'arrêt en tant qu'il a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2001 dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ainsi que des pénalités correspondantes.

Sur le pourvoi du ministre de l'économie et des finances :

2. Aux termes du 1 de l'article 170 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, toute personne imposable audit impôt est tenue de souscrire et de faire parvenir à l'administration une déclaration détaillée de ses revenus et bénéfices et de ses charges de famille. (...). Aux termes de l'article 175 du même code : " Les déclarations doivent parvenir à l'administration au plus tard le 1er mars. (...) ". Aux termes de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : "Dans les conditions prévues au présent livre, l'administration des impôts peut procéder à l'examen contradictoire de la situation fiscale des personnes physiques au regard de l'impôt sur le revenu (...)./ A l'occasion de cet examen, l'administration peut contrôler la cohérence entre, d'une part les revenus déclarés et, d'autre part, la situation patrimoniale, la situation de trésorerie et les éléments du train de vie des membres du foyer fiscal. / (...) ". Aux termes de l'article L. 47 du même livre : " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification./ Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix. ".

3. Il résulte de la combinaison des dispositions citées au point 2 que l'administration peut engager, après l'expiration du délai de déclaration, dans les conditions prévues à l'article L. 12 du livre des procédures fiscales, un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'un contribuable, sans attendre de connaître les suites données par celui-ci à la mise en demeure de souscrire cette déclaration qu'elle lui aurait, le cas échéant, adressée. Il suit de là que la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'une erreur de droit en jugeant que l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales en engageant l'examen de la situation fiscale personnelle de M. et Mme A...avant que ceux-ci n'aient souscrit leur déclaration de revenus au titre de l'année 2001, après une mise en demeure et alors que le délai prévu par l'article 175 du code général des impôts précité était expiré à la date de cet engagement.

4. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie et des finances est fondé à demander l'annulation de l'article 3 de l'arrêt qu'il attaque.

Sur le pourvoi incident de M. et MmeA... :

5. La cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant qu'alors même que M. A... était incarcéré, la notification d'une mise en demeure de souscrire une déclaration à l'adresse de son domicile, qui était la dernière adresse connue de l'administration, était régulière, dès lors que M. et Mme A...ne justifient pas avoir informé en temps utile l'administration du changement de domicile résultant de cette incarcération.

6. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A...ne sont pas fondés à demander, par la voie du pourvoi incident, l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2001 dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ainsi que des pénalités correspondantes.

Sur le règlement au fond :

7. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Il incombe, par suite, au Conseil d'Etat, de régler, dans la mesure indiquée ci-dessus, l'affaire au fond.

8. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'administration n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 12 du livre des procédures fiscales en engageant, le 7 février 2003, l'examen de la situation fiscale personnelle de M. et Mme A...avant que ceux-ci n'aient souscrit leur déclaration de revenus au titre de l'année 2001, après une mise en demeure, dès lors que le délai prévu par l'article 175 du code général des impôts précité était expiré à la date de cet engagement.

9. En deuxième lieu, si M. et Mme A...soutiennent qu'ils ont été privés, dans le cadre de l'examen de leur situation fiscale personnelle, d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur, il résulte de l'instruction qu'ils ont refusé de se rendre aux quatre convocations de ce dernier et n'ont pas donné de mandat à leur expert-comptable pour les représenter dans le cadre de ce contrôle.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 54 A du livre des procédures fiscales : " (...) Les déclarations, les réponses, les actes de procédure faits par l'un des deux conjoints ou notifiés à l'un d'eux sont opposables de plein droit à l'autre ". Dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la notification des redressements au titre des revenus d'origine indéterminée qui a été adressée à M. A...serait irrégulière faute d'avoir été également libellée au nom de MmeA....

11. En quatrième lieu, si la possibilité, prévue aux termes mêmes de la "Charte des droits et obligations du contribuable vérifié", de faire appel, en cas de désaccord persistant avec le vérificateur, au supérieur hiérarchique puis, le cas échéant, à l'interlocuteur départemental, constitue une garantie substantielle de procédure, cette garantie ne bénéficie qu'au contribuable relevant d'une procédure contradictoire. Par suite, le moyen soulevé par M. et Mme A...tiré de ce qu'ils auraient été privés de cette garantie est, en tout état de cause, inopérant, dès lors qu'ils ont fait l'objet, pour les cotisations d'impôt restant en litige, d'une taxation d'office en application des dispositions de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales.

12. En cinquième lieu, aux termes de l'article 1er de l'arrêté du ministre du budget en date du 28 septembre 1992 modifiant l'arrêté du 17 mars 1983 portant réorganisation de certaines directions des services extérieurs de la direction générale des impôts, la direction nationale des vérifications de situations fiscales " assure pour l'ensemble du territoire national, concurremment avec les autres services des impôts compétents, le contrôle de tous impôts, droits ou taxes dus par les personnes physiques ou morales, quel que soit le lieu de leur domicile, établissement ou siège social ". Ainsi, le vérificateur et son supérieur hiérarchique, qui appartenaient à cette direction, étaient territorialement compétents pour mettre en oeuvre l'examen de la situation fiscale personnelle de M. et MmeA....

13. En sixième lieu, contrairement à ce qu'affirment M. et MmeA..., il ne résulte pas de l'instruction que l'administration connaissait, avant l'envoi d'une demande de justification sur le fondement de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, la catégorie à laquelle pouvaient se rattacher les revenus d'origine indéterminée qu'elle a constatés au cours de cet examen, en analysant les crédits portés sur leurs comptes bancaires.

14. En septième lieu, si M. et Mme A...affirment que les sommes qualifiées par l'administration de revenus d'origine indéterminée proviendraient de simples virements entre comptes de membres de la famille, ainsi que de prêts bancaires et familiaux, ils n'en apportent pas la preuve, qui leur incombe en vertu des dispositions de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales, dès lors qu'ils ont fait l'objet d'une taxation d'office.

15. En dernier lieu, si M. A...conteste, en arguant notamment de son incarcération et de son état de santé, les pénalités de mauvaise foi qui lui ont été infligées, il résulte de l'instruction que celles-ci sont justifiées par l'importance et le caractère répété des versements sur son compte bancaire de revenus d'origine indéterminée dont les requérants ne pouvaient ignorer le caractère imposable.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A...ne sont pas fondés à demander la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu relative aux revenus d'origine indéterminée ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2001. Leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 3 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 15 décembre 2011 est annulé.

Article 2 : La cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu relative aux revenus d'origine indéterminée et les pénalités correspondantes auxquelles M. et Mme A...ont été assujettis au titre de l'année 2001 sont remises à leur charge.

Article 3 : Le pourvoi incident de M. et Mme A...et leurs conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative présentées devant le Conseil d'Etat sont rejetés.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre des finances et des comptes publics et à M. et Mme B...A....


Synthèse
Formation : 9ème ssjs
Numéro d'arrêt : 356856
Date de la décision : 18/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 18 déc. 2014, n° 356856
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Marie Deligne
Rapporteur public ?: Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon
Avocat(s) : SCP POTIER DE LA VARDE, BUK LAMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:356856.20141218
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