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17/12/2014 | FRANCE | N°382965

France | France, Conseil d'État, 4ème ssjs, 17 décembre 2014, 382965


Vu la requête, enregistrée le 21 juillet 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. S...-V...I..., demeurant ... ; M. I...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2014-171 du 17 février 2014 portant délimitation des cantons dans le département du Val de-Marne ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 61-1 ;


Vu le code électoral, notamment son article L. 191-1 ;

Vu le code général des collecti...

Vu la requête, enregistrée le 21 juillet 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. S...-V...I..., demeurant ... ; M. I...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2014-171 du 17 février 2014 portant délimitation des cantons dans le département du Val de-Marne ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 61-1 ;

Vu le code électoral, notamment son article L. 191-1 ;

Vu le code général des collectivités territoriales, notamment ses articles L. 3113-1 et L. 3113-2 ;

Vu la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 ;

Vu le décret n° 2013-938 du 18 octobre 2013, modifié par le décret n° 2014-112 du 6 février 2014 ;

Vu l'ordonnance du 31 juillet 2014 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par M. I...;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Florence Chaltiel-Terral, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;

1. Considérant que Mme J...et autres ont intérêt à l'annulation du décret attaqué ; que par suite, leur intervention est recevable ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 191-1 du code électoral, résultant de la loi du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires et modifiant le calendrier électoral : " Le nombre de cantons dans lesquels seront élus les conseillers départementaux est égal, pour chaque département, à la moitié du nombre de cantons existant au 1er janvier 2013, arrondi à l'unité impaire supérieure si ce nombre n'est pas entier impair. / Le nombre de cantons dans chaque département comptant plus de 500 000 habitants ne peut être inférieur à dix-sept. Il ne peut être inférieur à treize dans chaque département comptant entre 150 000 et 500 000 habitants " ; qu'aux termes de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de la même loi, applicable à la date du décret attaqué : " I. - Les modifications des limites territoriales des cantons, les créations et suppressions de cantons et le transfert du siège de leur chef lieu sont décidés par décret en Conseil d'Etat après consultation du conseil général qui se prononce dans un délai de six semaines à compter de sa saisine. A l'expiration de ce délai, son avis est réputé rendu. [...] III. - La modification des limites territoriales des cantons effectuée en application du I est conforme aux règles suivantes : / a) Le territoire de chaque canton est défini sur des bases essentiellement démographiques ; / b) Le territoire de chaque canton est continu ; / c) Est entièrement comprise dans le même canton toute commune de moins de 3 500 habitants ; / IV. - Il n'est apporté aux règles énoncées au III que des exceptions de portée limitée, spécialement justifiées, au cas par cas, par des considérations géographiques [...] ou par d'autres impératifs d'intérêt général. " ;

3. Considérant que le décret attaqué a, sur le fondement des dispositions de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales, procédé à une nouvelle délimitation des cantons du département du Val-de-Marne, compte tenu de l'exigence de réduction du nombre des cantons de ce département de 49 à 25 résultant de l'application des dispositions de l'article L. 191-1 du code électoral ;

4. Considérant que le moyen tiré de ce que le jugement par des membres de la section du contentieux du Conseil d'Etat de la présente requête dirigée contre un décret pris après avis de la section de l'intérieur du Conseil d'Etat, méconnaîtrait le droit du requérant à être jugé par un tribunal indépendant et impartial garanti par les stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté dès lors que les membres du Conseil d'Etat statuant sur cette requête n'ont pas pris part à la délibération de l'avis rendu sur le décret attaqué ;

5. Considérant qu'il résulte des termes mêmes des dispositions législatives précitées qu'il appartenait au gouvernement de procéder, par décret en Conseil d'Etat, à une nouvelle délimitation territoriale de l'ensemble des cantons ; que le moyen tiré de ce que le gouvernement était incompétent pour procéder à une nouvelle délimitation d'une telle ampleur ne peut, dès lors, qu'être écarté ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 22 de la Constitution : " Les actes du Premier ministre sont contresignés, le cas échéant, par les ministres chargés de leur exécution " ; que les ministres chargés de son exécution sont ceux qui ont compétence pour signer ou contresigner les mesures réglementaires ou individuelles que comporte nécessairement son exécution ; que le décret attaqué du 17 février 2014, qui se limite à modifier les circonscriptions électorales du département du Val-de-Marne, n'appelle aucune mesure d'exécution que la garde des sceaux, ministre de la justice serait compétente pour signer ou contresigner ;

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales se bornent à prévoir la consultation du conseil général du département concerné à l'occasion de l'opération de création et suppression de cantons ; que ni le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n'imposent une consultation des communes du département faisant l'objet d'un remodelage des limites cantonales ; qu'il en va de même en ce qui concerne la communauté d'agglomération du Val-de-Marne ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait non plus de procéder, préalablement à l'intervention du décret attaqué, à la consultation individuelle des conseillers généraux du département, indépendamment de la consultation du conseil général requise par les dispositions de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales ; que les requérants ne peuvent, à cet égard, utilement se prévaloir des termes de la circulaire du ministre de l'intérieur du 12 avril 2013 relative à la méthodologie du redécoupage cantonal en vue de la mise en oeuvre du scrutin binominal majoritaire aux élections départementales, laquelle est dépourvue de caractère réglementaire ;

8. Considérant que la circonstance que le décret attaqué se borne à identifier, pour chaque canton, une " commune-bureau centralisateur " sans mentionner les chefs lieux de canton est, en tout état de cause, sans influence sur la légalité de ce décret, qui porte sur la délimitation des circonscriptions électorales dans le département du Val-de-Marne ;

9. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 3113 2 du code général des collectivités territoriales que la délimitation des cantons doit être faite sur des bases essentiellement démographiques ; qu'il en découle qu'elle doit être faite en prenant en considération non le nombre des électeurs mais le chiffre de la population ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué se serait à tort fondé sur les chiffres de la population municipale et non sur le nombre des électeurs ne peut qu'être écarté ;

10. Considérant que si le requérant soutient que le décret est illégal au motif que le calcul précis de la population des cantons urbains est impossible compte tenu de la méthode retenue par l'INSEE, il se contente d'invoquer à l'appui de ce moyen des " erreurs " relevées " dans le découpage de Saint-Maur-des-Fossés " sans apporter de précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ; que, par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté ;

11. Considérant que le requérant soulève, par voie d'exception, l'illégalité des dispositions de l'article 8 du décret n° 2014-112 du 6 février 2014 portant différentes mesures d'ordre électoral ; que d'une part, le requérant soutient que le décret serait illégal faute de comporter le contreseing du ministre de l'économie, du ministre des finances et de la ministre des outre-mer ; que toutefois, si aux termes de l'article 22 de la Constitution : " Les actes du Premier ministre sont contresignés, le cas échéant, par les ministres chargés de leur exécution ", le décret contesté n'appelle aucune mesure d'exécution que ces trois ministres seraient compétents pour signer ou contresigner ; que d'autre part, eu égard à l'échéance mentionnée au point 9, la délimitation des nouvelles circonscriptions cantonales devait, conformément aux dispositions de l'article 7 de la loi du 11 juillet 1990, être effectuée au plus tard un an avant le mois de mars 2015 ; que, dans les circonstances de l'espèce, eu égard, d'une part, aux délais inhérents à l'élaboration de l'ensemble des projets de décrets de délimitation des circonscriptions cantonales, à la consultation des conseils généraux et à la saisine pour avis du Conseil d'Etat, d'autre part, à la circonstance que la déclinaison à l'échelon infra-communal des chiffres de population applicables à compter du 1er janvier 2014, nécessaire à la délimitation de certains cantons, n'était pas disponible à la date à laquelle devait être entreprise la délimitation des nouvelles circonscriptions cantonales, les dispositions attaquées du décret du 6 février 2014 ont pu légalement prévoir que le chiffre de population municipale auquel il convenait de se référer était le chiffre authentifié par le décret n° 2012-1479 du 27 décembre 2012 et non celui que prévoit le décret n° 2013-1289 du 27 décembre 2013, qui authentifie les chiffres de population auxquels il convient, en principe, de se référer pour l'application des lois et règlements à compter du 1er janvier 2014 ; qu'enfin, les dispositions dont l'illégalité est invoquée ne concernant que la délimitation des nouvelles circonscriptions cantonales, il en résulte que le moyen tiré de ce qu'elles auraient des conséquences sur l'application des règles relatives aux dépenses de campagne ne peut qu'être rejeté ; qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité du décret du 6 février 2014 ne peut qu'être écarté ;

12. Considérant que le requérant ne peut utilement soulever un moyen tiré de ce que le décret attaqué n'aurait pas procédé à un rééquilibrage des écarts de population par canton d'un département à un autre dès lors que ce décret ne concerne que le département du Val-de-Marne ;

13. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales que le territoire de chaque canton doit être établi sur des bases essentiellement démographiques, qu'il doit être continu et que toute commune de moins de 3 500 habitants doit être entièrement comprise dans un même canton, seules des exceptions de portée limitée et spécialement justifiées pouvant être apportées à ces règles ; qu'il ressort des pièces du dossier que le découpage de l'ensemble des cantons du département a été établi sur les bases démographiques exigées par ces dispositions ;

14. Considérant que ni les dispositions de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales ni aucun autre texte non plus qu'aucun principe n'imposent au Premier ministre de prévoir que les limites des cantons, qui sont des circonscriptions électorales, coïncident avec les limites des circonscriptions législatives ou des circonscriptions judiciaires, les périmètres des établissements publics de coopération intercommunale figurant dans le schéma départemental de coopération intercommunale ou les limites des " bassins de vie " définis par l'INSEE ; que, de même, si les dispositions de l'article L. 192 du code électoral, dans leur rédaction antérieure à l'intervention de la loi précitée du 17 mai 2013, relative aux modalités de renouvellement des conseils généraux, faisaient référence aux arrondissements, aucun texte en vigueur à la date du décret attaqué ne mentionne ces arrondissements, circonscriptions administratives de l'Etat, pour la détermination des limites cantonales ; que de même, ni les dispositions de l'article L. 3113-2 du code général des collectivité territoriales ni aucun autre texte non plus qu'aucun principe n'imposent au pouvoir réglementaire de prendre comme critères de délimitation de ces circonscriptions électorales les limites des anciens cantons, la proximité géographique des communes ou l'absence de disparité de superficie entre cantons ; que, par suite, le requérant ne saurait utilement se prévaloir de ce que la délimitation de plusieurs cantons ne correspondrait pas à celle d'autres circonscriptions électorales ou à celle de subdivisions administratives ;

15. Considérant que si le requérant soutient que, dans le département du Val-de-Marne, certains cantons ruraux seraient plus peuplés que des cantons urbains et qu'un tel écart est de nature à pénaliser la représentation des territoires ruraux, il n'est toutefois pas allégué que la délimitation des cantons du département n'aurait pas été opérée conformément aux règles posées par les dispositions du III de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales, notamment que le territoire de chaque canton n'aurait pas été établi sur des bases essentiellement démographiques ; que, par suite, la seule circonstance que les zones rurales seraient, à raison de la mise en oeuvre de ces règles, moins bien représentées que les zones urbaines au sein de l'assemblée départementale est sans incidence sur la légalité du décret attaqué ;

16. Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. I...n'est pas fondé à demander l'annulation du décret attaqué ; que ses conclusions tendant à l'application de ces dispositions doivent par suite être rejetées ;

D E C I D E :

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Article 1er :L'intervention de Mme J...et autres est admise.

Article 2 : La requête de M. I...est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. S...-V...I..., à Mme T...J..., M. L...O..., M. A...R..., M. S...-W...N..., M. S...-P...F..., M. P...G..., M. S...-X..., M. C...E..., M. W...-S...Q..., Mme M...K..., Mme U...H..., M. D...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 4ème ssjs
Numéro d'arrêt : 382965
Date de la décision : 17/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 17 déc. 2014, n° 382965
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Florence Chaltiel-Terral
Rapporteur public ?: Mme Aurélie Bretonneau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:382965.20141217
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