Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A...J...a saisi le tribunal administratif d'Orléans d'une protestation tendant à l'annulation des opérations électorales qui se sont déroulées le 23 mars 2014 pour l'élection des conseillers municipaux dans la commune de Saint-Rémy-sur-Avre (Eure et Loir) et à ce que M. G... B...soit déclaré inéligible pendant trois ans en application de l'article L. 118-4 du code électoral. Par un jugement n° 1401428 du 22 mai 2014, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa protestation.
Procédure devant le Conseil d'Etat
Par une requête d'appel et un mémoire en réplique, enregistrés les 18 juin et 5 août 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. J... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement du 22 mai 2014 du tribunal administratif d'Orléans ;
2°) d'annuler les opérations électorales qui se sont déroulées le 23 mars 2014 pour l'élection des conseillers municipaux dans la commune de Saint-Rémy-sur-Avre ;
3°) de mettre à la charge de M. B...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code électoral ;
- le code de justice administrative.
Vu la note en délibéré, enregistrée le 9 décembre 2014, présentée par M. J....
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Marc Anton, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de M. G...B....
1. Considérant qu'à l'issue des opérations électorales qui se sont déroulées le 23 mars 2014 dans la commune de Saint-Rémy-sur-Avre (Eure-et-Loir), la liste conduite par M. B..., maire sortant, a remporté le premier tour de scrutin, après avoir obtenu 736 voix sur 1 350 suffrages exprimés, soit 54,51 % des suffrages exprimés et 30,71 % des électeurs inscrits, tandis que la liste conduite par M. J...a obtenu 614 voix ; que ce dernier fait appel du jugement du 22 mai 2014 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa protestation tendant, d'une part, à l'annulation de ces opérations électorales, d'autre part, à ce que M. B...soit déclaré inéligible sur le fondement de l'article L. 118-4 du code électoral ;
2. Considérant, en premier lieu, que le grief tiré de ce que M. B...aurait méconnu l'article L. 108 du code électoral en soumettant au début de la campagne électorale aux membres de l'association syndicale libre du Goulet de la Leu un projet de rachat par la commune de la propriété des voiries et des réseaux, constitutif d'une promesse de libéralités ou de faveurs administratives, qui ne présente pas un caractère d'ordre public, n'a été formulé devant le tribunal administratif qu'après l'expiration du délai de cinq jours imparti par l'article R. 119 du code électoral ; qu'il constitue un grief distinct de celui invoqué par le requérant en temps utile, lequel a trait à l'accomplissement par M. B...de manoeuvres frauduleuses ayant eu pour objet ou pour effet de porter atteinte à la sincérité du scrutin ; qu'il n'était, par suite et en tout état de cause, pas recevable ;
3. Considérant, en deuxième lieu, que si le requérant soutient que la liste conduite par M. B...se serait livrée auprès d'électeurs de la commune à des manoeuvres consistant à rappeler le passé de la familleJ..., pour détourner leurs suffrages au bénéfice de sa liste ou les amener à s'abstenir de voter, les attestations dont il se prévaut, émanant de deux de ses colistiers, M. E...H...et M. D...I..., ainsi que de Mme F...C..., se bornent à rappeler le contenu des entretiens que ces trois personnes ont eus avec M. B... et ne relatent aucune allégation injurieuse ou diffamatoire à l'encontre du requérant ; qu'il ne résulte ainsi pas de l'instruction que M. B...aurait accompli des manoeuvres en vue de détourner de M. J... les suffrages des électeurs ou de favoriser l'abstention ;
4. Considérant, en troisième lieu, qu'aucune disposition n'encadre les prises de position politiques de la presse écrite durant les campagnes électorales ; que, dès lors, la circonstance, invoquée par M.J..., que le journal " L'Echo Républicain " aurait publié le vendredi précédant le scrutin un article, au demeurant dépourvu de propos injurieux et diffamatoires et rappelant le crime commis en 1998 par le père de M.J..., pour regrettable qu'elle puisse être, ne saurait entacher d'irrégularité le scrutin litigieux ; qu'il ne résulte en outre pas de l'instruction que cet article, en vue duquel M. J...a été interrogé, ait été publié à la demande de M.B... ;
5. Considérant, en quatrième lieu, que si le requérant soutient que M. B...aurait au cours de la campagne électorale distribué deux tracts auxquels il n'aurait pas pu répondre, comportant des informations mensongères relatives, d'une part, aux réalisations prévues et faites par son équipe municipale durant le mandat précédent, d'autre part, aux subventions qu'aurait obtenues la commune, il résulte de l'instruction que les informations contenues dans ces documents, si certaines étaient imprécises, ne sauraient être qualifiées de mensongères et que M. J...était en outre en mesure d'y répondre compte tenu des dates auxquelles elles ont été distribuées ; qu'ainsi, la diffusion de ces tracts ne peut être regardée comme ayant altéré la sincérité du scrutin et faussé les résultats de l'élection, eu égard notamment à l'écart de voix significatif, de plus de 9 % des suffrages exprimés, séparant les deux listes à l'issue du scrutin ;
6. Considérant, en cinquième lieu, qu'il est constant que M.B..., maire sortant de Saint-Rémy-sur-Avre, n'a assuré la présidence d'aucun des trois bureaux de vote, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 43 du code électoral ; que, toutefois, et sans qu'il soit besoin de rechercher si M. B... justifiait d'un empêchement légitime pour ne pas assurer la présidence qui lui incombait, il ne résulte pas de l'instruction que cette méconnaissance des dispositions du code électoral ait eu une incidence sur la sincérité des résultats du scrutin, alors notamment que l'écart de voix séparant les deux candidats à l'issue du scrutin était significatif ;
7. Considérant, en sixième lieu, qu'il résulte de l'instruction que si M. J... produit une attestation faisant état de discussions qui ont pu avoir lieu à l'intérieur du bureau de vote entre le maire sortant et des électeurs, il ne ressort pas de ces attestations que ces discussions, eu égard à leur teneur, auraient constitué une violation des dispositions de l'article R. 48 du code électoral ;
8. Considérant, en septième lieu, que si le requérant soutient que M. B...a méconnu les articles R. 49 et R. 63 du code électoral qui disposent respectivement que " Le président du bureau de vote a seul la police de l'assemblée (...) " et que " (...) Les tables sur lesquelles s'effectue le dépouillement sont disposées de telle sorte que les électeurs puissent circuler autour ", en faisant apposer, alors même qu'il n'était pas président des bureaux de vote, des bandes de sécurité empêchant les électeurs présents dans la salle des votes de circuler autour des tables lors du dépouillement, il ne produit à l'appui de ces allégations qu'un unique témoignage, dont le caractère imprécis ne permet pas d'établir que les électeurs présents n'aient pas pu circuler autour de la table et contrôler les opérations de dépouillement ;
9. Considérant, enfin, que, contrairement à ce que soutient le requérant, les mentions sur les bulletins de vote de la liste " Saint-Rémy passionnément " des qualités respectivement de responsable des " Restos du coeur " et de présidente du Jogging de deux des colistiers, lesquelles n'étaient pas erronées, ne sauraient constituer une manoeuvre destinée à induire en erreur les électeurs de la commune ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. J...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa protestation ;
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. B...qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. B...au titre de ces mêmes dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. J...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de M. B...présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A...J...et à M. G... B...et au ministre de l'intérieur.