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10/12/2014 | FRANCE | N°367040

France | France, Conseil d'État, 3ème sous-section jugeant seule, 10 décembre 2014, 367040


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...a demandé au tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles il a été assujetti au titre des années 2000 et 2001, à raison de la minoration du prix d'acquisition des titres de la société William Saurin. Par jugement n° 0909875 du 28 juin 2011, le tribunal administratif de Paris a accueilli sa demande.

Par un arrêt n° 11PA04681 du 17 janvier 2013, la cour ad

ministrative d'appel de Paris, faisant partiellement fait droit à l'appel du minist...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...a demandé au tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que des pénalités correspondantes auxquelles il a été assujetti au titre des années 2000 et 2001, à raison de la minoration du prix d'acquisition des titres de la société William Saurin. Par jugement n° 0909875 du 28 juin 2011, le tribunal administratif de Paris a accueilli sa demande.

Par un arrêt n° 11PA04681 du 17 janvier 2013, la cour administrative d'appel de Paris, faisant partiellement fait droit à l'appel du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat contre le jugement du 28 juin 2011 du tribunal administratif de Paris, a remis à la charge de M. B... les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que les pénalités correspondantes auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2000 et réformé en ce sens le jugement du tribunal administratif mais a rejeté les conclusions de la requête du ministre tendant à ce que les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que les pénalités correspondantes auxquelles le contribuable a été assujetti au titre de l'année 2001 soient remises à sa charge.

Procédure contentieuse devant le Conseil d'Etat :

1° Sous le n°367040, par un pourvoi et un mémoire enregistrés les 21 mars 2013 et 17 novembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre délégué, chargé du budget, demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 11PA04681 de la cour administrative d'appel de Paris du 17 janvier 2013 en tant que, faisant partiellement fait droit à l'appel qu'il a interjeté du jugement du 28 juin 2011 du tribunal administratif de Paris, la cour a rejeté les conclusions de sa requête tendant à ce que les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que les pénalités correspondantes auxquelles M. B... a été assujetti au titre de l'année 2001 dont la décharge a été prononcée en première instance, soient remises à sa charge ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire entièrement droit à son appel.

2° Sous le n° 367072, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 22 mars et 24 juin 2013 et 19 novembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 11PA04681 de la cour administrative d'appel de Paris du 17 janvier 2013 en tant que par cet arrêt, la cour, faisant partiellement droit à l'appel du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat contre le jugement du 28 juin 2011 du tribunal administratif de Paris, a remis à sa charge les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que les pénalités correspondantes auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2000 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel du ministre.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christian Fournier, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M. B...;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, dans le cadre de la restructuration du groupe auquel elle appartenait, la société Panzani a cédé le 28 avril 2000 des actions de sa filiale, la société William Saurin, au prix unitaire de 30,08 francs, soit 4,59 euros ; que, le 11 octobre 2000, M. B..., alors cadre dirigeant de la société William Saurin, a acquis 49 865 actions de cette société au même prix avant de les revendre, le 29 juin 2001, à la société Financière Turenne Lafayette au prix de 36,60 euros par action ; que, dans le cadre d'un contrôle sur pièces du dossier de M. B... portant sur les années 2000 et 2001 et engagé après une vérification de comptabilité de la société William Saurin, l'administration fiscale a évalué la valeur de l'action à la date du 11 octobre 2000 à 111 francs, soit 16,92 euros ; qu'elle a imposé l'avantage en nature constitué par la différence entre le prix d'acquisition des actions et ce qu'elle a estimé être leur valeur vénale réelle entre les mains de M. B... à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires au titre de l'année 2000 ; qu'au titre de l'année 2001, elle a remis en cause l'exonération de la plus-value réalisée par M. B... à l'occasion de la cession, le 29 juin de la même année, de 19 946 actions de la société William Saurin qu'il avait acquises le 28 avril 2000 et placés sur un plan d'épargne en actions (PEA) ; que, par un jugement du 28 juin 2011, le tribunal administratif de Paris a déchargé M. B... des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, résultant de ces redressements, auxquelles il a été assujetti au titre des années 2000 et 2001, ainsi que des pénalités correspondantes ; que par un arrêt du 17 janvier 2013, la cour administrative d'appel de Paris, faisant partiellement droit à l'appel du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat contre le jugement du 28 juin 2011 du tribunal administratif de Paris, a remis à la charge de M. B... les suppléments d'impôts auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2000 et réformé en ce sens le jugement du tribunal administratif mais a rejeté les conclusions de la requête du ministre tendant à ce que les suppléments d'impôts auxquels le contribuable a été assujetti au titre de l'année 2001 soient remis à sa charge ; que le ministre délégué, chargé du budget et M. B... demandent, respectivement sous le n° 367040 et sous le n° 367072, l'annulation de cet arrêt en ce qu'il leur est défavorable ;

Sur le pourvoi de M. B...:

2. Considérant que la valeur vénale réelle de titres non cotés en bourse sur un marché réglementé doit être appréciée compte tenu de tous les éléments dont l'ensemble permet d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui résultant du jeu de l'offre et de la demande à la date à laquelle la cession est intervenue ; qu'en l'absence de transactions intervenues dans des conditions équivalentes et portant sur les titres de la même société ou, à défaut, de sociétés similaires, celle-ci peut légalement se fonder sur la combinaison de plusieurs méthodes, destinées à déterminer la valeur de l'actif par capitalisation des bénéfices ou d'une fraction du chiffre d'affaires annuel ;

3. Considérant que pour juger que le ministre était fondé à soutenir que la valorisation des titres de la société William Saurin au prix de 4,59 euros le 11 octobre 2000 ne correspondait pas à ce qu'elle aurait dû être si le jeu de l'offre et de la demande avait normalement fonctionné, la cour a relevé que la combinaison de plusieurs méthodes concordantes d'évaluation des titres non cotées aboutissait à fixer la valeur unitaire réelle du titre en cause à 16,92 euros et rejeté les arguments de M. B... contestant une telle évaluation ; que toutefois, en ne répondant pas aux critiques du contribuable portant, d'une part, sur la formule combinatoire utilisée par l'administration pour déterminer la valeur de la société William Saurin et normalement regardée comme adaptée aux cessions ayant pour effet de conférer au cessionnaire un pouvoir de décision et, d'autre part, sur le refus de l'administration d'appliquer à la valeur unitaire obtenue un abattement pour détention minoritaire et un abattement pour absence de liquidité, alors que le contribuable soutenait que l'acquisition des titres ne lui avait conféré aucun pouvoir de décision au sein de la société William Saurin et arguait de la conclusion d'un pacte d'actionnaire ayant pour effet de rendre ses titres non liquides, la cour a insuffisamment motivé sa décision ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, M. B... est fondé à demander l'annulation des articles 1er, 2 et 4 de l'arrêt qu'il attaque ;

Sur le pourvoi du ministre :

4. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 157 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " N'entrent pas en compte pour la détermination du revenu net global (....) 5° bis : les produits et plus-values que procurent les placements effectués dans le cadre du plan d'épargne en actions défini à l'article 163 quinquies D (...) " ; qu'aux termes du I de l'article 163 quinquies D du même code : " Les contribuables dont le domicile fiscal est situé en France peuvent ouvrir un plan d'épargne en actions dans les conditions définies par la loi n° 92-666 du 16 juillet 1992 modifiée./ Chaque contribuable ou chacun des époux soumis à imposition commune ne peut être titulaire que d'un plan. Un plan ne peut avoir qu'un titulaire./ Le titulaire d'un plan effectue des versements en numéraire dans une limite de 600 000 francs " ;

5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la procédure d'imposition en litige : " Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses :(...) b) Ou qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus ;(...)/L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité dont les avis rendus feront l'objet d'un rapport annuel./Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé du redressement " ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsque l'administration use de la faculté qu'elles lui confèrent dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors que ces actes ont un caractère fictif, ou, que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... a placé 19 946 actions de la société William Saurin qu'il avait acquises le 11 octobre 2000 au prix unitaire de 4,59 euros (30,08 francs) dans un plan d'épargne en actions (PEA) ; qu'estimant que la valorisation globale de ces titres lui permettait de ne pas franchir le plafond de versement prévu au I de l'article 163 quinquies D du code général des impôts cité au point 4, il n'a pas déclaré la plus-value dégagée à l'occasion de la cession de ces titres, le 29 juin 2001, au prix unitaire de 36,60 euros par action ; que l'administration a remis en cause l'exonération d'impôt dont a ainsi bénéficié M. B... au motif qu'en plaçant sur un PEA davantage d'actions qu'il n'eut été possible de le faire, dans le respect du plafond de versement, si le prix d'acquisition n'avait pas été significativement minoré, l'intéressé n'avait pu être inspiré par aucun autre but que celui d'atténuer la charge fiscale qui aurait été la sienne au titre de la même opération ; que, pour juger non fondé ce redressement, la cour s'est bornée à relever que M. B... établissait ne pas avoir eu connaissance, au moment de l'acquisition des titres de la société William Saurin, de l'existence d'une négociation avec la société Financière Turenne Lafayette, qui a finalement acheté ses titres le 29 juin 2001 au prix unitaire de 36,60 euros et qu'il ne pouvait donc être regardé comme ayant utilisé son PEA dans un but exclusivement fiscal contraire à l'intention du législateur ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, en tout état de cause, si, à la date d'acquisition des actions, l'intéressé avait eu connaissance de la valeur vénale réelle des actions en cause et aurait, ce faisant, abusé de l'avantage fiscal attaché à un placement de valeurs mobilières dans un PEA en contournant délibérément la règle de plafonnement prévue par la loi, la cour a commis une erreur de droit ; que dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, le ministre est fondé à demander l'annulation de l'article 3 de l'arrêt qu'il attaque ;

Sur les conclusions de M. B...présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. B..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 17 janvier 2013 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : L'Etat versera à M. B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B... et au ministre des finances et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 3ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 367040
Date de la décision : 10/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 10 déc. 2014, n° 367040
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christian Fournier
Rapporteur public ?: M. Vincent Daumas
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:367040.20141210
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