Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 mai et 7 août 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Sediver, dont le siège est 79 avenue François Arago, à Nanterre (92017), représentée par ses dirigeants en exercice ; la société Sediver demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement n° 1100410 du 17 février 2012 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, appréciant la légalité de la décision de la directrice adjointe du travail de l'Allier du 5 août 2005 autorisant le licenciement pour motif économique de M. B... A..., a déclaré que cette décision est entachée d'illégalité ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
3°) de mettre à la charge de M. A...une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Benjamin de Maillard, auditeur,
- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la société Sediver et à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de M. A...;
Sur l'exception d'incompétence de la juridiction administrative :
1. Considérant que la société Sediver soutient que la juridiction administrative n'est pas compétente pour répondre à la question posée par M.A..., relative à la légalité de la décision de la directrice adjointe du travail du 5 août 2005 ayant autorisé son licenciement, dès lors que la cour d'appel de Riom, qui a sursis à statuer jusqu'à ce que la juridiction administrative se prononce sur cette question, n'a pas recherché si elle pouvait se dispenser de poser une telle question en s'appuyant sur une jurisprudence établie lui permettant de constater elle-même l'illégalité invoquée ; que, toutefois, la compétence de la juridiction administrative pour connaître d'une telle question préjudicielle ne saurait dépendre d'une appréciation de son opportunité, sur laquelle le juge administratif n'a pas à se prononcer ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, la société Sediver soutenait que la requête de M.A..., introduite en exécution de l'arrêt avant-dire-droit de la cour d'appel de Riom du 8 février 2011 et tendant à ce que la décision de la directrice adjointe du travail du 5 août 2005 ayant autorisé son licenciement soit déclarée illégale, était tardive dès lors qu'elle ne pouvait être introduite que dans les deux mois suivant la notification de cette décision ; que le jugement du tribunal a accueilli les conclusions de M. A... sans se prononcer préalablement sur ce moyen de défense ; que, toutefois, le caractère définitif d'une décision administrative ne dispense pas le juge administratif saisi d'une question préjudicielle par le juge judiciaire de se prononcer sur la légalité de cette décision ; que, par suite, en s'abstenant de répondre à un tel moyen, inopérant, le tribunal administratif n'a pas entaché son jugement d'irrégularité ;
Sur la légalité de la décision de la directrice adjointe du travail du 5 août 2005 :
3. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'employeur est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié ; qu'à ce titre, lorsque la demande est fondée sur la cessation d'activité de l'entreprise, celle-ci n'a pas à être justifiée par l'existence de mutations technologiques, de difficultés économiques ou de menaces pesant sur la compétitivité de l'entreprise ; qu'il appartient alors à l'autorité administrative de contrôler, outre le respect des exigences procédurales légales et des garanties conventionnelles, que la cessation d'activité de l'entreprise est totale et définitive, que l'employeur a satisfait, le cas échéant, à l'obligation de reclassement prévue par le code du travail et que la demande ne présente pas de caractère discriminatoire ;
4. Considérant, en premier lieu, que la décision litigieuse est motivée par la seule fermeture du site de production d'isolateurs électroniques en verre et composite de l'usine de Saint-Yorre ; qu'une telle fermeture ne pouvait constituer un motif économique de licenciement que si elle avait le caractère d'une cessation d'activité totale et définitive de l'entreprise ; qu'il ne ressort des pièces du dossier que tel ait été le cas en l'espèce ; que, par suite, la décision litigieuse est entachée d'erreur d'appréciation sur ce point ;
5. Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des mentions de la décision attaquée, que, pour estimer que l'employeur avait rempli son obligation de reclassement, la directrice adjointe du travail de l'Allier s'est fondée sur la circonstance que M. A...souhaitait bénéficier des dispositions prévues dans le plan de sauvegarde de l'emploi pour un projet de reclassement externe ; que, toutefois, cette circonstance était sans incidence sur l'obligation qu'avait l'employeur de rechercher les possibilités de reclassement ; que, si l'employeur avait envoyé à l'ensemble des salariés, par un courrier du 26 novembre 2004, une liste de postes disponibles, cette démarche ne pouvait être regardée comme justifiant d'une recherche de reclassement effective ; que, par suite, la directrice adjointe du travail a fait une inexacte application des dispositions du code du travail en estimant que l'employeur avait satisfait à son obligation de reclassement ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Sediver n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a déclaré illégale la décision de la directrice adjointe du travail du 5 août 2005 ;
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Sediver la somme de 3 000 euros à verser à M.A..., au titre des frais exposés par lui tant en première instance qu'en appel et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font, en revanche, obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la société Sediver est rejetée.
Article 2 : La société Sediver versera à M. A...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Sediver et à M. B...A....
Copie en sera adressée pour information au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.