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28/11/2014 | FRANCE | N°363365

France | France, Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 28 novembre 2014, 363365


Vu 1°, sous le n° 363365, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 octobre 2012 et 11 janvier 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. A... B..., demeurant ... et le syndicat de défense des policiers municipaux, dont le siège est 14 Clos de la Haute Lande à Hostens (33125) ; M. B... et le syndicat de défense des policiers municipaux demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 1000485 du 16 août 2012 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande de M. B...tendant, d'une

part, à l'annulation de plusieurs décisions du maire d'Asnières-sur-S...

Vu 1°, sous le n° 363365, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 octobre 2012 et 11 janvier 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. A... B..., demeurant ... et le syndicat de défense des policiers municipaux, dont le siège est 14 Clos de la Haute Lande à Hostens (33125) ; M. B... et le syndicat de défense des policiers municipaux demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 1000485 du 16 août 2012 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande de M. B...tendant, d'une part, à l'annulation de plusieurs décisions du maire d'Asnières-sur-Seine du 30 juin 2009 et du 17 juillet 2009 prononçant son changement d'affectation et d'emploi et en tirant les conséquences sur son régime indemnitaire et son logement de fonction, et, d'autre part, à la condamnation de la commune à lui verser une somme de 4 500 euros en réparation du préjudice subi pour troubles dans ses conditions d'existence ;

2°) de mettre à la charge de la commune d'Asnières-sur-Seine le versement d'une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu 2°, sous le n° 364274, le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 décembre 2012 et 1er mars 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. A... B..., demeurant ... et le syndicat de défense des policiers municipaux, dont le siège est situé 13 clos de la Haute Lande à Hostens (33125) ; M. B...et le syndicat de défense des policiers municipaux demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 1006380 du 4 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la requête en intervention du syndicat de défense des policiers municipaux et la demande de M. B...tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la délibération du 12 juillet 2010 par laquelle le conseil municipal d'Asnières-sur-Seine a révisé la liste des logements de fonction de la commune et la décision du 13 juillet 2010 par laquelle le maire a retiré le logement de fonction qui avait été attribué à M. B...;

2°) de mettre à la charge de la commune d'Asnières-sur-Seine une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, notamment son article 6 quinquies ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, notamment son article 89 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Charles Touboul, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Le Bret-Desaché, avocat de M. B...et du syndicat de défense des policiers municipaux, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de la commune d'Asnières-sur-Seine ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 30 juin 2009, le maire d'Asnières-sur-Seine a mis fin aux fonctions de directeur sécurité-prévention exercées par M.B..., chef de service de police municipale, au sein des services de la commune et l'a chargé des fonctions de correspondant sécurité routière à la direction de l'éducation et de l'enfance ; que, par un arrêté du même jour, le maire a mis fin à compter du 1er juillet 2009 à la concession de logement pour nécessité absolue de service dont l'intéressé bénéficiait au titre de ses précédentes fonctions, lui substituant à compter de cette date une concession pour utilité de service ; que, par une décision du 17 juillet 2009, il lui a retiré le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire attachée à ses anciennes fonctions ; que la liste des logements de fonction de la commune ayant été révisée par une délibération du 12 juillet 2010, le maire a, par une décision du 13 juillet 2010, retiré à M. B...le logement de fonction qu'il lui avait précédemment attribué ; que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, par un jugement du 16 août 2012, rejeté le recours pour excès de pouvoir formé par l'intéressé contre les décisions des 30 juin et 17 juillet 2009 ainsi que ses conclusions tendant à la condamnation de la commune à lui verser des indemnités en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de ces décisions ; que, par un jugement du 4 octobre 2012, le même tribunal a rejeté un recours pour excès de pouvoir dirigé contre les décisions des 12 et 13 juillet 2010 ; que M. B...et le syndicat de défense des policiers municipaux demandent, sous le n° 363365, l'annulation du jugement du 16 août 2012 et, sous le n° 364274, celle du jugement du 4 octobre 2012 ; que ces pourvois présentant à juger les mêmes questions, il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Sur les conclusions présentées par le syndicat de défense des policiers municipaux :

2. Considérant que le syndicat de défense des policiers municipaux n'avait pas la qualité de partie mais celle d'intervenant dans les instances ayant donné lieu aux jugements attaqués ; que, par suite, il n'a qualité pour se pourvoir en cassation contre ces jugements qu'en tant qu'ils rejettent ses interventions comme irrecevables faute d'avoir été présentées par mémoires distincts ; que, toutefois, le syndicat ne soulève aucun moyen critiquant ce rejet ; que, par suite, ses conclusions tendant à l'annulation des jugements attaqués ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions présentées par M. B...contre le jugement du 16 août 2012 :

3. Considérant qu'une mutation d'office revêt le caractère d'une mesure disciplinaire déguisée lorsque, tout à la fois, il en résulte une dégradation de la situation professionnelle de l'agent concerné et que la nature des faits qui ont justifié la mesure et l'intention poursuivie par l'administration révèlent une volonté de sanctionner cet agent ;

4. Considérant que, pour écarter l'argumentation de M. B...selon laquelle la mutation dont il avait fait l'objet devait être regardée comme une sanction déguisée, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise s'est fondé, notamment, sur la lettre du 19 janvier 2009 de MM. D... etC..., chefs de la police municipale, relative au harcèlement dont ils estimaient faire l'objet, sur la lettre du 2 mars 2009 du médecin du travail de la commune à l'adjoint délégué au personnel communal lui faisant part de la très mauvaise atmosphère régnant au sein du service et de la fragilité psychologique des agents placés sous la direction de M. B..., sur la plainte enregistrée au parquet du tribunal de grande instance de Nanterre contre M. B...pour harcèlement moral et sur celle présentée par M. B...pour injures à caractère raciste et, enfin, sur le rapport d'information fait par le brigadier chef principal Perdrial le 14 mai 2009 au maire de la commune ; qu'en estimant, au vu de ces éléments, que le changement d'affectation de M. B...était exclusivement motivé par l'intérêt du service et que la mesure litigieuse ne présentait pas le caractère d'une sanction déguisée, le tribunal administratif n'a commis ni erreur de droit ni erreur de qualification juridique ;

5. Considérant que, dès lors qu'il a ainsi jugé que le maire n'avait pas entendu sanctionner M. B...pour un comportement jugé fautif, le tribunal a pu écarter l'existence d'une sanction déguisée sans répondre à l'argumentation dont il était saisi, tirée de ce que la mesure entraînait pour l'intéressé une perte de responsabilités ; que le moyen tiré de ce que le jugement serait insuffisamment motivé sur ce point ne peut qu'être écarté ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 relative aux droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel " ;

7. Considérant qu'ayant retenu que la mutation litigieuse répondait exclusivement à des considérations d'intérêt général, après avoir pris en compte tant les arguments avancés par M. B...pour faire présumer l'existence d'un harcèlement moral que ceux que l'administration opposait en défense pour démontrer que la mesure était justifiée par des considérations étrangères à tout harcèlement, le tribunal a pu, sans commettre d'erreur de droit ni dénaturer les pièces du dossier qui lui était soumis, écarter le moyen tiré de ce que l'administration avait méconnu les dispositions de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 ;

Sur les conclusions de M. B...dirigées contre le jugement du 4 octobre 2012 :

8. Considérant, en premier lieu, que si les visas et les motifs du jugement attaqué mentionnent la décision rendue par le même tribunal le 16 août 2012 dans la précédente instance engagée par M.B..., les premiers juges ne se sont pas bornés à une motivation par référence ; qu'après avoir réaffirmé que le changement d'affectation et d'emploi de l'intéressé, décidé pour un motif d'intérêt général, ne constituait pas une sanction disciplinaire déguisée, le tribunal a jugé que les deux moyens soulevés par M. B... à l'appui de ses conclusions contre les décisions qu'il contestait dans le cadre de cette nouvelle instance, tirés de l'illégalité de la décision du 30 juin 2009 et du détournement de pouvoir dont cette décision était entachée, devaient être écartés ; que le tribunal a suffisamment motivé son jugement sur ce point ;

9. Considérant, en deuxième lieu, qu'une personne publique peut demander au juge le bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative lorsqu'elle a eu recours au ministère d'un avocat ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la commune d'Asnières-sur-Seine a eu recours au ministère d'un avocat dans l'instance ayant donné lieu au jugement du 4 octobre 2012 ; que, par suite, le tribunal n'a pas commis d'erreur de droit en mettant à la charge de M. B...le versement à la commune d'une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

10. Mais considérant, en troisième lieu, qu'en écartant l'argumentation de M. B... tirée de ce que l'arrêté du 13 juillet 2010 était entaché d'illégalité en raison du délai trop bref qui lui a été donné pour quitter son logement de fonction, au motif qu'il ne résultait pas des termes mêmes de cet arrêté qu'il ait fixé un quelconque délai, alors que l'arrêté mettait fin à la concession de logement de l'intéressé " avec effet au premier septembre 2010 ", le tribunal a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis ; que son jugement doit, par suite, être annulé en tant qu'il statue sur la légalité de l'arrêté du 13 juillet 2010 ;

11. Considérant qu'il résulte de ce tout qui précède que M. B...est seulement fondé à demander l'annulation du jugement du 4 octobre 2012 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise en tant qu'il statue sur les conclusions d'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 13 juillet 2010 par laquelle le maire a mis fin à la concession de logement par utilité de service qui lui avait été consentie ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que, dès lors que la présente décision rejette le pourvoi n° 363365, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par M. B...soit mise à la charge de la commune d'Asnières-sur-Seine qui n'est pas, dans cette instance, la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. B...la somme demandée au même titre par la commune ;

13. Considérant que, dans l'affaire n° 364274, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Asnières-sur-Seine la somme de 1 500 euros à verser à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que les dispositions de cet article font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas, dans cette instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 4 octobre 2012 est annulé en tant qu'il statue sur les conclusions d'annulation pour excès de pouvoir de la décision du maire d'Asnières-sur-Seine du 13 juillet 2010 mettant fin à la concession de logement par utilité de service qui avait été consentie à M.B....

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la limite de la cassation ainsi prononcée, au tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Article 3 : La commune d'Asnières-sur-Seine versera à M. B...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la commune d'Asnières-sur-Seine sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Les conclusions du syndicat de défense des policiers municipaux et le surplus des conclusions des pourvois de M. B...sont rejetés.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. A...B..., au syndicat de défense des policiers municipaux et à la commune d'Asnières.

Copie en sera adressée pour information au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 5ème et 4ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 363365
Date de la décision : 28/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 28 nov. 2014, n° 363365
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Charles Touboul
Rapporteur public ?: M. Nicolas Polge
Avocat(s) : SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS ; SCP LE BRET-DESACHE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:363365.20141128
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