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26/11/2014 | FRANCE | N°358736

France | France, Conseil d'État, 9ème / 10ème ssr, 26 novembre 2014, 358736


Vu le pourvoi, enregistré le 20 avril 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement ; le ministre demande au Conseil d'État d'annuler les articles 1er, 2 et 3 de l'arrêt n° 11NT00944 du 23 février 2012 de la cour administrative d'appel de Nantes en tant qu'elle a, d'une part, annulé le jugement nos 0805549 et 0900347 du 3 février 2010 du tribunal administratif de Rennes qui a rejeté les demandes de M. A...B... tendant à la réduction des cotisations d'impôt s

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Vu le pourvoi, enregistré le 20 avril 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement ; le ministre demande au Conseil d'État d'annuler les articles 1er, 2 et 3 de l'arrêt n° 11NT00944 du 23 février 2012 de la cour administrative d'appel de Nantes en tant qu'elle a, d'une part, annulé le jugement nos 0805549 et 0900347 du 3 février 2010 du tribunal administratif de Rennes qui a rejeté les demandes de M. A...B... tendant à la réduction des cotisations d'impôt sur le revenu laissées à sa charge à la suite de l'admission partielle de sa réclamation portant sur les années 2004, 2005 et 2006, ainsi que des contributions sociales et des pénalités dont elles ont été assorties, d'autre part, l'a déchargé des cotisations d'impôt sur le revenu restant à sa charge au titre de l'année 2006 et des pénalités correspondantes, enfin, après avoir rejeté le surplus des conclusions de la requête, a mis à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bastien Lignereux, auditeur,

- les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de M. l d'Agrosa ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article 13 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice ou revenu imposable est constitué par l'excédent du produit brut, y compris la valeur des profits et avantages en nature, sur les dépenses effectuées en vue de l'acquisition et de la conservation du revenu. / 2. Le revenu global net annuel servant de base à l'impôt sur le revenu est déterminé en totalisant les bénéfices ou revenus nets visés aux I à VII bis de la 1re sous-section de la présente section, compte tenu, le cas échéant, du montant des déficits visés aux I et I bis de l'article 156, des charges énumérées au II dudit article et de l'abattement prévu à l'article 157 bis. / 3. Le bénéfice ou revenu net de chacune des catégories de revenus visées au 2 est déterminé distinctement suivant les règles propres à chacune d'elles. / Le résultat d'ensemble de chaque catégorie de revenus est obtenu en totalisant, s'il y a lieu, le bénéfice ou revenu afférent à chacune des entreprises, exploitations ou professions ressortissant à cette catégorie et déterminé dans les conditions prévues pour cette dernière. (...) " ; qu'aux termes de l'article 83 du même code, s'agissant de l'imposition des revenus dans la catégorie des traitements et salaires : " Le montant net du revenu imposable est déterminé en déduisant du montant brut des sommes payées et des avantages en argent ou en nature accordés : (...) 3° Les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi lorsqu'ils ne sont pas couverts par des allocations spéciales (...) " ; que le I de l'article 156 du même code prévoit que le " déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus " est déduit du revenu global du contribuable et que, dans le cas où ce revenu " n'est pas suffisant pour que l'imputation soit intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté successivement sur le revenu global des années suivantes jusqu'à la cinquième année inclusivement " ;

2. Considérant qu'en vertu de ces dispositions, les sommes qu'un salarié qui, s'étant rendu caution d'une obligation souscrite par la société dont il est le dirigeant de droit ou de fait, a dû payer au créancier de cette dernière, sont déductibles de son revenu imposable de l'année au cours de laquelle le paiement a été effectué, à condition que son engagement comme caution se rattache directement à sa qualité de dirigeant, qu'il ait été pris en vue de servir les intérêts de l'entreprise et qu'il n'ait pas été hors de proportion avec les rémunérations allouées à l'intéressé ou qu'il pouvait escompter au moment où il l'a contracté ; que, dans le cas de versements effectués en exécution d'engagements multiples souscrits sur plusieurs années, le caractère déductible des sommes payées doit être apprécié par référence au montant total des engagements ainsi souscrits et est subordonné à la condition que l'engagement au titre duquel les versements ont été effectués n'ait pas eu pour effet, à la date à laquelle il a été pris, de porter le total cumulé des cautions données par le contribuable à un montant hors de proportion avec la rémunération annuelle que ce dernier percevait ou pouvait escompter au titre de l'année en cause ; que, lorsque l'engagement souscrit ne respecte pas cette condition, les sommes versées ne sont déductibles que dans la mesure où elles n'excèdent pas cette proportion ; que cette règle a pour objet d'apprécier si, à la date à laquelle il a souscrit l'engagement de caution, le dirigeant avait le souci de conserver son salaire ou de préserver son patrimoine ; qu'il en résulte que, dans le cas de versements effectués en exécution d'engagements souscrits au bénéfice de plusieurs sociétés dont le contribuable était le dirigeant, le respect de cette règle de proportionnalité doit s'apprécier société par société, et non au regard des engagements souscrits à l'égard de l'ensemble des sociétés, sauf lorsque, appartenant au même groupe, elles ont des activités complémentaires ou lorsqu'elles sont étroitement liées d'un point de vue capitalistique ou commercial ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B... a été gérant de la société SAETP, qui avait une activité de travaux publics et qui a été mise en liquidation judiciaire en 1987 ; qu'il est ensuite devenu président du conseil d'administration de la société Ouest Travaux Publics (OTP), qui exerçait une activité de travaux publics et de négoce de matériaux du bâtiment et a été déclarée en liquidation judiciaire le 10 juin 1997 ; que ces deux sociétés ont bénéficié d'engagements de caution souscrits par M. B... ; que si elles exerçaient pour partie la même activité de travaux publics, elles étaient juridiquement distinctes ; que, par ailleurs, la seconde a été créée alors que la première avait cessé son activité ; qu'ainsi, ces sociétés ne pouvaient être regardées comme étroitement liées ; que, par suite, en jugeant, pour estimer qu'elle était en l'espèce satisfaite, que la condition de proportionnalité des engagements de caution devait s'apprécier au regard du montant consolidé des engagements société par société, et non au regard des engagements souscrits à l'égard des deux sociétés, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à demander l'annulation des articles 1er, 2 et 3 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes qu'il attaque ;

5. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros à verser à M. B...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement, est rejeté.

Article 2 : L'État versera à M. B...une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre des finances et des comptes publics et à M. A... B....


Synthèse
Formation : 9ème / 10ème ssr
Numéro d'arrêt : 358736
Date de la décision : 26/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - RÈGLES GÉNÉRALES - IMPÔT SUR LE REVENU - DÉTERMINATION DU REVENU IMPOSABLE - DÉDUCTIBILITÉ DES SOMMES VERSÉES EN EXÉCUTION D'UN ENGAGEMENT DE CAUTION - 1) ENGAGEMENT DE CAUTION ACCORDÉ PAR UN DIRIGEANT SALARIÉ DE SOCIÉTÉ - DÉDUCTIBILITÉ - EXISTENCE - SOUS CERTAINES CONDITIONS [RJ1] - 2) CAS DE VERSEMENTS EFFECTUÉS EN EXÉCUTION D'ENGAGEMENTS MULTIPLES - DÉDUCTIBILITÉ - CONDITION - PROPORTIONNALITÉ ENTRE LA CAUTION ET LA RÉMUNÉRATION - APPRÉCIATION DU CARACTÈRE NON DISPROPORTIONNÉ DE L'ENGAGEMENT DE CAUTION - PRISE EN COMPTE DU MONTANT TOTAL DES ENGAGEMENTS SOUSCRITS [RJ2] - 3) CAS DE VERSEMENTS EFFECTUÉS EN EXÉCUTION D'ENGAGEMENTS SOUSCRITS AU BÉNÉFICE DE PLUSIEURS SOCIÉTÉS DONT LE CONTRIBUABLE ÉTAIT LE DIRIGEANT - APPRÉCIATION DU CARACTÈRE NON DISPROPORTIONNÉ DE L'ENGAGEMENT - PRINCIPE - APPRÉCIATION SOCIÉTÉ PAR SOCIÉTÉ - EXCEPTION - APPRÉCIATION AU REGARD DES ENGAGEMENTS SOUSCRITS À L'ÉGARD DE L'ENSEMBLE DES SOCIÉTÉS - LORSQUE - APPARTENANT AU MÊME GROUPE - ELLES ONT DES ACTIVITÉS COMPLÉMENTAIRES OU LORSQU'ELLES SONT ÉTROITEMENT LIÉES D'UN POINT DE VUE CAPITALISTIQUE OU COMMERCIAL [RJ3].

19-04-01-02-03 1) Les sommes qu'un salarié qui, s'étant rendu caution d'une obligation souscrite par la société dont il est le dirigeant de droit ou de fait, a dû payer au créancier de cette dernière, sont déductibles de son revenu imposable de l'année au cours de laquelle le paiement a été effectué, sous certaines conditions.,,,2) Dans le cas de versements effectués en exécution d'engagements multiples souscrits sur plusieurs années, le caractère déductible des sommes payées doit être apprécié par référence au montant total des engagements ainsi souscrits et est subordonné à la condition que l'engagement au titre duquel les versements ont été effectués n'ait pas eu pour effet, à la date à laquelle il a été pris, de porter le total cumulé des cautions données par le contribuable à un montant hors de proportion avec la rémunération annuelle que ce dernier percevait ou pouvait escompter au titre de l'année en cause. Lorsque l'engagement souscrit ne respecte pas cette condition, les sommes versées ne sont déductibles que dans la mesure où elles n'excèdent pas cette proportion.,,,3) Cette règle a pour objet d'apprécier si, à la date à laquelle il a souscrit l'engagement de caution, le dirigeant avait le souci de conserver son salaire ou de préserver son patrimoine. Il en résulte que, dans le cas de versements effectués en exécution d'engagements souscrits au bénéfice de plusieurs sociétés dont le contribuable était le dirigeant, le respect de cette règle de proportionnalité doit s'apprécier société par société, et non au regard des engagements souscrits à l'égard de l'ensemble des sociétés, sauf lorsque, appartenant au même groupe, elles ont des activités complémentaires ou lorsqu'elles sont étroitement liées d'un point de vue capitalistique ou commercial.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES - TRAITEMENTS - SALAIRES ET RENTES VIAGÈRES - DÉDUCTIONS POUR FRAIS PROFESSIONNELS - FRAIS RÉELS - SOMMES VERSÉES EN EXÉCUTION D'UN ENGAGEMENT DE CAUTION - 1) ENGAGEMENT DE CAUTION ACCORDÉ PAR UN DIRIGEANT SALARIÉ DE SOCIÉTÉ - DÉDUCTIBILITÉ - EXISTENCE - SOUS CERTAINES CONDITIONS [RJ1] - 2) CAS DE VERSEMENTS EFFECTUÉS EN EXÉCUTION D'ENGAGEMENTS MULTIPLES - DÉDUCTIBILITÉ - CONDITION - PROPORTIONNALITÉ ENTRE LA CAUTION ET LA RÉMUNÉRATION - APPRÉCIATION DU CARACTÈRE NON DISPROPORTIONNÉ DE L'ENGAGEMENT DE CAUTION - PRISE EN COMPTE DU MONTANT TOTAL DES ENGAGEMENTS SOUSCRITS [RJ2] - 3) CAS DE VERSEMENTS EFFECTUÉS EN EXÉCUTION D'ENGAGEMENTS SOUSCRITS AU BÉNÉFICE DE PLUSIEURS SOCIÉTÉS DONT LE CONTRIBUABLE ÉTAIT LE DIRIGEANT - APPRÉCIATION DU CARACTÈRE NON DISPROPORTIONNÉ DE L'ENGAGEMENT - PRINCIPE - APPRÉCIATION SOCIÉTÉ PAR SOCIÉTÉ - EXCEPTION - APPRÉCIATION AU REGARD DES ENGAGEMENTS SOUSCRITS À L'ÉGARD DE L'ENSEMBLE DES SOCIÉTÉS - LORSQUE - APPARTENANT AU MÊME GROUPE - ELLES ONT DES ACTIVITÉS COMPLÉMENTAIRES OU LORSQU'ELLES SONT ÉTROITEMENT LIÉES D'UN POINT DE VUE CAPITALISTIQUE OU COMMERCIAL [RJ3].

19-04-02-07-02-02-01 1) Les sommes qu'un salarié qui, s'étant rendu caution d'une obligation souscrite par la société dont il est le dirigeant de droit ou de fait, a dû payer au créancier de cette dernière, sont déductibles de son revenu imposable de l'année au cours de laquelle le paiement a été effectué, sous certaines conditions.,,,2) Dans le cas de versements effectués en exécution d'engagements multiples souscrits sur plusieurs années, le caractère déductible des sommes payées doit être apprécié par référence au montant total des engagements ainsi souscrits et est subordonné à la condition que l'engagement au titre duquel les versements ont été effectués n'ait pas eu pour effet, à la date à laquelle il a été pris, de porter le total cumulé des cautions données par le contribuable à un montant hors de proportion avec la rémunération annuelle que ce dernier percevait ou pouvait escompter au titre de l'année en cause. Lorsque l'engagement souscrit ne respecte pas cette condition, les sommes versées ne sont déductibles que dans la mesure où elles n'excèdent pas cette proportion.,,,3) Cette règle a pour objet d'apprécier si, à la date à laquelle il a souscrit l'engagement de caution, le dirigeant avait le souci de conserver son salaire ou de préserver son patrimoine. Il en résulte que, dans le cas de versements effectués en exécution d'engagements souscrits au bénéfice de plusieurs sociétés dont le contribuable était le dirigeant, le respect de cette règle de proportionnalité doit s'apprécier société par société, et non au regard des engagements souscrits à l'égard de l'ensemble des sociétés, sauf lorsque, appartenant au même groupe, elles ont des activités complémentaires ou lorsqu'elles sont étroitement liées d'un point de vue capitalistique ou commercial.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, 12 décembre 1990, Moreau, n° 113038, p. 359.,,

[RJ2]

Cf. CE, 18 octobre 1993, Mesplet, n° 125052, p. 293.,,

[RJ3]

Cf. CE, 20 février 1991, Pélissier, n° 75514, inédit au Recueil.


Publications
Proposition de citation : CE, 26 nov. 2014, n° 358736
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bastien Lignereux
Rapporteur public ?: M. Frédéric Aladjidi
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:358736.20141126
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