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13/11/2014 | FRANCE | N°380651

France | France, Conseil d'État, 4ème ssjs, 13 novembre 2014, 380651


Vu 1°, sous le n° 380651, la requête, enregistrée le 26 mai 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. N...AA..., Mme AE...I..., Mme S...M..., M. E...U..., M. F...W..., M. B...K..., et M. V...O..., élisant domicile ...; M. AA...et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2014-261 du 26 février 2014 portant délimitation des cantons dans le département de Meurthe-et-Moselle ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administ

rative ;

Vu 2°, sous le n° 382379, la requête, enregistrée le 8 juillet 201...

Vu 1°, sous le n° 380651, la requête, enregistrée le 26 mai 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. N...AA..., Mme AE...I..., Mme S...M..., M. E...U..., M. F...W..., M. B...K..., et M. V...O..., élisant domicile ...; M. AA...et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2014-261 du 26 février 2014 portant délimitation des cantons dans le département de Meurthe-et-Moselle ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu 2°, sous le n° 382379, la requête, enregistrée le 8 juillet 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'association des maires du canton d'Arracourt, dont le siège est grande rue à Juvrecourt (54370), représentée par son président en exercice et par M. A...H..., en sa qualité de maire de Juvrecourt (54370), et pour le compte des maires, Mmes AG...AB..., D...Y..., X...AC..., MM. G...J..., N...AA..., Z...L..., AD...AF..., P...Q..., C...T..., R...T...; l'association des maires du canton d'Arracourt et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2014-261 du 26 février 2014 portant délimitation des cantons dans le département de Meurthe-et-Moselle ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code électoral ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 ;

Vu les ordonnances du 24 juin et du 23 juillet 2014 par lesquelles le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, n'a pas renvoyé au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité soulevée par les requérants ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Pauline Pannier, auditeur,

- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;

1. Considérant que les requêtes visées ci-dessus sont dirigées contre le décret portant délimitation des cantons dans le département de Meurthe-et-Moselle ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 191-1 du code électoral, résultant de la loi du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires et modifiant le calendrier électoral : " Le nombre de cantons dans lesquels sont élus les conseillers départementaux est égal, pour chaque département, à la moitié du nombre de cantons existant au 1er janvier 2013, arrondi à l'unité impaire supérieure si ce nombre n'est pas entier impair. / Le nombre de cantons dans chaque département comptant plus de 500 000 habitants ne peut être inférieur à dix-sept. Il ne peut être inférieur à treize dans chaque département comptant entre 150 000 et 500 000 habitants " ; qu'aux termes de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de la même loi, applicable à la date du décret attaqué : " I. - Les modifications des limites territoriales des cantons, les créations et suppressions de cantons et le transfert du siège de leur chef-lieu sont décidés par décret en Conseil d'Etat après consultation du conseil général qui se prononce dans un délai de six semaines à compter de sa saisine. A l'expiration de ce délai, son avis est réputé rendu. (...) / III. - La modification des limites territoriales des cantons effectuée en application du I est conforme aux règles suivantes : / a) Le territoire de chaque canton est défini sur des bases essentiellement démographiques ; / b) Le territoire de chaque canton est continu ; / c) Est entièrement comprise dans le même canton toute commune de moins de 3 500 habitants ; / IV. - Il n'est apporté aux règles énoncées au III que des exceptions de portée limitée, spécialement justifiées, au cas par cas, par des considérations géographiques (...) ou par d'autres impératifs d'intérêt général " ;

3. Considérant que le décret attaqué a, sur le fondement de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales, procédé à une nouvelle délimitation des cantons du département de Meurthe-et-Moselle, compte tenu de l'exigence de réduction du nombre des cantons de ce département de quarante-quatre à vingt-trois résultant de l'article L. 191-1 du code électoral ;

Sur la régularité de la procédure juridictionnelle devant le Conseil d'Etat :

4. Considérant que le moyen tiré de ce que le jugement par des membres de la section du contentieux du Conseil d'Etat des présentes requêtes dirigées contre un décret pris après avis de la section de l'intérieur du Conseil d'Etat, méconnaîtrait le droit des requérants à être jugé par un tribunal indépendant et impartial garanti par les stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté dès lors que les membres du Conseil d'Etat statuant sur ces requêtes n'ont pas pris part à la délibération de l'avis rendu sur le décret attaqué ;

Sur la légalité externe du décret attaqué :

En ce qui concerne la compétence de l'auteur du décret attaqué :

5. Considérant qu'il résulte des termes mêmes des dispositions législatives précitées qu'il appartenait au Gouvernement de procéder, par décret en Conseil d'Etat, à une nouvelle délimitation territoriale de l'ensemble des cantons ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 22 de la Constitution : " Les actes du Premier ministre sont contresignés, le cas échéant, par les ministres chargés de leur exécution " ; que les ministres chargés de son exécution sont ceux qui ont compétence pour signer ou contresigner les mesures réglementaires ou individuelles que comporte nécessairement son exécution ; que le décret attaqué du 27 février 2014, qui se limite à modifier les circonscriptions électorales du département de la Meurthe-et-Moselle, n'appelle aucune mesure d'exécution que le garde des sceaux, ministre de la justice, les ministres chargés de l'économie et des finances ou le ministre chargé de l'outre-mer seraient compétents pour signer ou contresigner ; qu'il suit de là que ce décret n'avait pas à être contresigné par ces ministres ;

En ce qui concerne la procédure de consultation du conseil général :

7. Considérant qu'il n'est pas contesté qu'un projet de décret, accompagné d'une note décrivant la méthode retenue pour procéder à la nouvelle délimitation des cantons de la Meurthe-et-Moselle, a été soumis au conseil général de ce département ; que sur cette base, et alors même que cette note méthodologique aurait eu une portée générale, l'assemblée départementale, qui disposait également de plusieurs annexes au projet de décret, a été mise à même d'émettre un avis sur les modalités de mise en oeuvre de la nouvelle délimitation des cantons prévue par le législateur et de faire des propositions spécifiques pour le département de Meurthe-et-Moselle ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la consultation du conseil général aurait été irrégulière ;

8. Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait de procéder, préalablement à l'intervention du décret attaqué, à une consultation des communes et des établissements publics de coopération intercommunale, non plus qu'à la consultation des maires et des présidents d'établissements publics de coopération intercommunale, indépendamment de la consultation du conseil général requise par l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales ; que les requérants ne peuvent, à cet égard, utilement se prévaloir des termes de la circulaire du ministre de l'intérieur du 12 avril 2013 relative à la méthodologie du redécoupage cantonal en vue de la mise en oeuvre du scrutin binominal majoritaire aux élections départementales, laquelle est dépourvue de caractère réglementaire ;

Sur la légalité interne du décret attaqué :

En ce qui concerne le calcul de la population de chaque canton :

9. Considérant que si les requérants soutiennent que le décret serait illégal au motif qu'il prend en compte la population municipale et non le nombre d'électeurs par commune ni la population temporaire pour procéder au découpage cantonal, ce moyen ne peut qu'être écarté dès lors qu'aux termes de l'article 71 du décret du 18 octobre 2013, dans sa rédaction applicable à la date du décret attaqué et dont la légalité n'est pas contestée : " (...) Pour la première délimitation générale des cantons opérée en application de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction résultant de l'article 46 de la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, (...), le chiffre de la population municipale auquel il convient de se référer est celui authentifié par le décret n° 2012-1479 du 27 décembre 2012 authentifiant les chiffres des populations (...) " ;

10. Considérant que le moyen tiré de ce que le calcul de la population de certains cantons serait incertain, dès lors qu'ils hériteraient " d'une partie non déterminée en termes d'îlots regroupés pour l'information statistique (IRIS) ", n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

11. Considérant que le département soutient, par la voie de l'exception, que l'article 8 du décret n° 2014-112 du 6 février 2014 portant différentes mesures d'ordre électoral serait illégal ; que s'il soutient, en premier lieu, qu'il serait illégal faute de comporter le contreseing du ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique et du ministre des outre-mer, il n'appelle aucune mesure d'exécution que ces deux ministres seraient compétents pour signer ou contresigner ; qu'en deuxième lieu, la délimitation des nouvelles circonscriptions cantonales devait, conformément aux dispositions de l'article 7 de la loi du 11 juillet 1990, être effectuée au plus tard un an avant le prochain renouvellement général des conseils généraux ; que, dans les circonstances de l'espèce, eu égard, d'une part, aux délais inhérents à l'élaboration de l'ensemble des projets de décrets de délimitation des circonscriptions cantonales, à la consultation des conseils généraux et à la saisine pour avis du Conseil d'Etat, d'autre part, à la circonstance que la déclinaison à l'échelon infra-communal des chiffres de population applicables à compter du 1er janvier 2014, nécessaire à la délimitation de certains cantons, n'était pas disponible à la date à laquelle devait être entreprise la délimitation des nouvelles circonscriptions cantonales, le décret du 6 février 2014 a pu légalement prévoir que le chiffre de population municipale auquel il convenait de se référer était le chiffre authentifié par le décret n° 2012-1479 du 27 décembre 2012 et non celui que prévoit le décret n° 2013-1289 du 27 décembre 2013, qui authentifie les chiffres de population auxquels il convient, en principe, de se référer pour l'application des lois et règlements à compter du 1er janvier 2014 ; que, par ailleurs, si les requérants soutiennent que les dispositions contestées du décret du 6 février 2014 méconnaissent les dispositions du décret du 27 décembre 2013 ainsi que celles de l'article R. 25-1 du code électoral, qui déterminent les chiffres de population de référence en matière électorale, il peut, en tout état de cause, être dérogé à ces dispositions par des dispositions législatives ou règlementaires, comme le rappelle d'ailleurs l'article 3 du décret du 27 décembre 2013 ; qu'il suit de là que les requérants ne peuvent utilement invoquer la méconnaissance de ces dispositions pour demander l'annulation de l'article 8 du décret du 6 février 2014 ;

En ce qui concerne les conséquences du décret attaqué sur les règles relatives aux dépenses de campagne :

12. Considérant que les dispositions attaquées ne concernent que la délimitation des nouvelles circonscriptions cantonales ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce qu'elles auraient des conséquences sur l'application des règles relatives aux dépenses de campagne ne peut qu'être écarté ;

En ce qui concerne la détermination du bureau centralisateur :

13. Considérant que la circonstance que le décret attaqué se borne à identifier, pour chaque canton, un " bureau centralisateur " sans mentionner les chefs-lieux de canton est, en tout état de cause, sans influence sur la légalité de ce décret, qui porte sur la délimitation des circonscriptions électorales dans le département de Meurthe-et-Moselle ;

En ce qui concerne l'atteinte au principe d'égalité devant le suffrage :

14. Considérant que les requérants ne sauraient utilement soulever un moyen tiré de ce que le décret attaqué n'aurait pas procédé à un rééquilibrage des écarts de population par canton d'un département à un autre dès lors que le décret attaqué ne concerne que le département de Meurthe-et-Moselle ;

En ce qui concerne le non respect du périmètre d'autres circonscriptions électorales ou subdivisions administratives :

15. Considérant que ni les dispositions des III et IV de l'article L. 3113-2 du code général des collectivités territoriales, citées plus haut, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire non plus qu'aucun principe n'imposent au Premier ministre de prévoir que les limites des cantons, qui sont des circonscriptions électorales, coïncident avec les limites des circonscriptions législatives, les périmètres des établissements publics de coopération intercommunale, les limites des " bassins de vie " définis par l'Institut national de la statistique et des études économiques, les limites des circonscriptions judiciaires, ou les limites des anciens cantons ; que si l'article L. 192 du code électoral, dans sa rédaction antérieure à l'intervention de la loi précitée du 17 mai 2013, relatif aux modalités de renouvellement des conseils généraux, faisait référence aux arrondissements, aucun texte en vigueur à la date du décret contesté ne mentionne ces arrondissements, circonscriptions administratives de l'Etat, pour la détermination des limites cantonales ;

En ce qui concerne le détournement de pouvoir :

16. Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation du décret attaqué ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :

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Article 1er : Les requêtes de M.AA..., de MmeI..., de MmeM..., de M.U..., de M.W..., de M. K...et de M. O...ainsi que de l'Association des maires du canton d'Arracourt, de M.H..., de MmeAB..., de MmeY..., de MmeAC..., de M. J..., de M.AA..., de M.L..., de M.AF..., de M. Q...et de MM. T...sont rejetées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. N...AA..., à Mme AE...I..., à Mme S...M..., à M. E...U..., à M. F...W..., à M. B...K..., à M. V...O..., à l'association des maires du canton d'Arracourt et à M. A...H...agissant pour le compte de Mmes AG...AB..., D...Y..., X...AC..., et MM. G...J..., N...AA..., Z...L..., AD...AF..., P...Q..., C...T..., R...T...et au ministre de l'intérieur.

Copie pour information en sera adressée au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 4ème ssjs
Numéro d'arrêt : 380651
Date de la décision : 13/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 13 nov. 2014, n° 380651
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Pauline Pannier
Rapporteur public ?: Mme Aurélie Bretonneau

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:380651.20141113
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