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05/11/2014 | FRANCE | N°370650

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 05 novembre 2014, 370650


Vu le pourvoi du ministre de l'économie et des finances, enregistré le 29 juillet 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 11VE03887 du 9 juillet 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a fait droit à l'appel de la société Sofina tendant à l'annulation du jugement n° 0910583-1009406 du 23 septembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la restitution des retenues à la source prélevées sur les dividendes qu'elle a perçus au titre des année

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Vu le pourvoi du ministre de l'économie et des finances, enregistré le 29 juillet 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 11VE03887 du 9 juillet 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a fait droit à l'appel de la société Sofina tendant à l'annulation du jugement n° 0910583-1009406 du 23 septembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la restitution des retenues à la source prélevées sur les dividendes qu'elle a perçus au titre des années 2008 et 2009 et lui a accordé la restitution des retenues à la source litigieuses ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Romain Victor, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la société Sofina ;

1. Considérant que, par l'instruction 4 C-7-07 du 10 mai 2007, l'administration a tiré les conséquences de l'arrêt du 14 décembre 2006 de la Cour de justice des Communautés européennes dans l'affaire Denkavit Internationaal BV et Denkavit France SARL, en indiquant qu'elle avait décidé de modifier, à compter du 1er janvier 2007, le traitement fiscal des distributions de source française effectuées au profit de sociétés ayant leur siège dans un autre Etat membre de la Communauté européenne ; qu'aux termes du paragraphe 5 de cette instruction : " Désormais, en l'absence de montage artificiel, lorsqu'une société européenne bénéficie de dividendes de source française afférents à une participation supérieure à 5 % du capital de la société distributrice et se trouve, du fait d'un régime d'exonération applicable dans son Etat de résidence, privée de toute possibilité d'imputer la retenue à la source en principe prélevée en France sur le fondement du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, les distributions en question ne seront plus soumises à ladite retenue (...) " ; que, par l'instruction 4 C-8-07 du 12 juillet 2007, l'administration a précisé que, " [p]our l'appréciation du respect du seuil de 5 %, il est fait application des mêmes règles que celles existant pour le régime mère-fille prévu à l'article 145 du code général des impôts (...) " ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Sofina, société anonyme de droit belge et résidente de Belgique, a reçu, au cours des années 2008 et 2009, des dividendes de la société française Eurazeo, sur lesquels des retenues à la source au taux de 15 % ont été prélevées ; que la société Sofina s'est prévalue des énonciations des instructions 4 C-7-07 et 4 C-8-07 précitées pour obtenir la restitution des retenues à la source qu'elle a acquittées ; que, par un jugement du 23 septembre 2011, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que le ministre de l'économie et des finances se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 9 juillet 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles, faisant droit à l'appel de la société Sofina, a annulé ce jugement et accueilli sa demande de restitution ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 145 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " 1. Le régime fiscal des sociétés mères, tel qu'il est défini à l'article 216, est applicable aux sociétés (...) soumis à l'impôt sur les sociétés au taux normal qui détiennent des participations satisfaisant aux conditions ci-après : / (...) b. les titres de participation doivent représenter au moins 5 % du capital de la société émettrice ; ce pourcentage s'apprécie à la date de mise en paiement des produits de la participation (...). 6. Le régime fiscal des sociétés mères n'est pas applicable : / (...) b. ter aux produits des titres auxquels ne sont pas attachés des droits de vote, sauf si la société détient des titres représentant au moins 5 % du capital et des droits de vote de la société émettrice (...) " ; qu'aux termes de l'article 216 du même code, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " I. Les produits nets des participations, ouvrant droit à l'application du régime des sociétés mères et visées à l'article 145, touchés au cours d'un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci, défalcation faite d'une quote-part de frais et charges (...) " ;

4. Considérant, d'une part, que si les dispositions précitées subordonnent notamment l'application du régime fiscal des sociétés mères à la condition que la société mère détienne une participation représentant au moins 5 % du capital de la société distribuant les dividendes, elles n'exigent pas, pour l'appréciation du seuil de détention d'au moins 5 % du capital de la société émettrice, que des droits de vote soient attachés à chacun des titres de participation détenus par la société mère ni, a fortiori, que les droits de vote éventuellement attachés aux titres de participation soient strictement proportionnels à la quotité de capital qu'ils représentent ; que, d'autre part, si les produits des titres de participation auxquels aucun droit de vote n'est attaché ne peuvent, en application des dispositions du b ter du 6 de l'article 145 du code général des impôts, être déduits du bénéfice net total de la société mère, sauf lorsque celle-ci détient des titres représentant au moins 5 % du capital et des droits de vote de la société émettrice, ces dispositions n'ont ni pour objet, ni pour effet de réserver l'application du régime fiscal des sociétés mères aux seules sociétés détenant des titres de participation représentant au moins 5 % du capital et 5 % des droits de vote ; que, dès lors, la cour n'a commis aucune erreur de droit en jugeant, d'une part, que, sous réserve du respect de la condition, fixée au b du 1 de l'article 145 du code général des impôts, de détention de 5 % du capital de la société distributrice, les dividendes afférents aux titres assortis d'un droit de vote bénéficiaient du régime d'exonération institué par les dispositions de l'article 216 du même code, quel que soit le pourcentage de détention des droits de vote détenus et, d'autre part, que la société Sofina, qui détenait 5 % du capital de la société Eurazeo auxquels étaient attachés 3,63 % des droits de vote de cette société en 2008 et 4,29 % en 2009, était fondée, en se prévalant de la doctrine administrative, à demander l'exonération des retenues à la source en litige ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie et des finances n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque ;

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Sofina au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi du ministre de l'économie et des finances est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la société Sofina la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre des finances et des comptes publics et à la société Sofina.


Synthèse
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 370650
Date de la décision : 05/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES. RÈGLES GÉNÉRALES. IMPÔT SUR LES BÉNÉFICES DES SOCIÉTÉS ET AUTRES PERSONNES MORALES. DÉTERMINATION DU BÉNÉFICE IMPOSABLE. - BÉNÉFICE DU RÉGIME FISCAL DES SOCIÉTÉS MÈRES ET FILIALES (ART. 145 DU CGI) - 1) CONDITIONS - A) APPRÉCIATION DU SEUIL DE DÉTENTION D'AU MOINS 5 % DU CAPITAL DE LA SOCIÉTÉ ÉMETTRICE - EXIGENCE QUE DES DROITS DE VOTE SOIENT ATTACHÉS À CHACUN DES TITRES DE PARTICIPATION DÉTENUS PAR LA SOCIÉTÉ MÈRE OU QUE LES DROITS DE VOTE ÉVENTUELLEMENT ATTACHÉS AUX TITRES DE PARTICIPATION SOIENT STRICTEMENT PROPORTIONNELS À LA QUOTITÉ DE CAPITAL QU'ILS REPRÉSENTENT - ABSENCE - B) EXIGENCE DE DÉTENTION DE TITRES DE PARTICIPATION REPRÉSENTANT AU MOINS 5 % DU CAPITAL ET 5 % DES DROITS DE VOTE - ABSENCE - 2) CONSÉQUENCE - DIVIDENDES AFFÉRENTS AUX TITRES ASSORTIS D'UN DROIT DE VOTE - RÉGIME D'EXONÉRATION DE L'ARTICLE 216 DU CGI -INCLUSION, QUEL QUE SOIT LE POURCENTAGE DE DÉTENTION DES DROITS DE VOTE DÉTENUS.

19-04-01-04-03 1) a) D'une part, que si les dispositions de l'article 145 du code général des impôts (CGI) subordonnent notamment l'application du régime fiscal des sociétés mères à la condition que la société mère détienne une participation représentant au moins 5 % du capital de la société distribuant les dividendes, elles n'exigent pas, pour l'appréciation du seuil de détention d'au moins 5 % du capital de la société émettrice, que des droits de vote soient attachés à chacun des titres de participation détenus par la société mère ni, a fortiori, que les droits de vote éventuellement attachés aux titres de participation soient strictement proportionnels à la quotité de capital qu'ils représentent.,,,b) D'autre part, si les produits des titres de participation auxquels aucun droit de vote n'est attaché ne peuvent, en application des dispositions du b ter du 6 de l'article 145 du code général des impôts, être déduits du bénéfice net total de la société mère, sauf lorsque celle-ci détient des titres représentant au moins 5 % du capital et des droits de vote de la société émettrice, ces dispositions n'ont ni pour objet, ni pour effet de réserver l'application du régime fiscal des sociétés mères aux seules sociétés détenant des titres de participation représentant au moins 5 % du capital et 5 % des droits de vote.,,,2) Dès lors, sous réserve du respect de la condition, fixée au b du 1 de l'article 145 du code général des impôts, de détention de 5 % du capital de la société distributrice, les dividendes afférents aux titres assortis d'un droit de vote bénéficient du régime d'exonération institué par les dispositions de l'article 216 du même code, quel que soit le pourcentage de détention des droits de vote détenus.


Publications
Proposition de citation : CE, 05 nov. 2014, n° 370650
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Romain Victor
Rapporteur public ?: M. Vincent Daumas
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:370650.20141105
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