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05/11/2014 | FRANCE | N°363036

France | France, Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 05 novembre 2014, 363036


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 26 septembre et 24 décembre 2012, présentés pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) dont le siège est Tour Galliéni II, 36, avenue Charles-de-Gaulle à Bagnolet (93170) ; l'ONIAM demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09MA01644 du 17 juillet 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement n° 0802433 du 25 mars 2009 du tribu

nal administratif de Montpellier rejetant la demande de M. A...tendant...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 26 septembre et 24 décembre 2012, présentés pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) dont le siège est Tour Galliéni II, 36, avenue Charles-de-Gaulle à Bagnolet (93170) ; l'ONIAM demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09MA01644 du 17 juillet 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement n° 0802433 du 25 mars 2009 du tribunal administratif de Montpellier rejetant la demande de M. A...tendant à la condamnation solidaire de l'Etat et de l'ONIAM à l'indemniser des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de ses vaccinations contre l'hépatite B ;

2°) d'annuler l'ordonnance n° 09MA01644 du 24 août 2012 par laquelle la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille a, en application de l'article R. 741-11 du code de justice administrative, corrigé la minute de l'arrêt attaqué du 17 juillet 2012 ;

3°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de M.A... ;

4°) de condamner M. A...aux dépens de l'instance ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Gérald Bégranger, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Fabienne Lambolez, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Roger, Sevaux, Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la SCP Didier, Pinet, avocat de M. A... ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M.A..., sapeur-pompier professionnel employé par le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de l'Hérault, est atteint d'une sclérose en plaques qu'il impute à des injections de vaccin contre l'hépatite B qu'il a subies, dans le cadre de son activité professionnelle, les 19 juillet, 18 août et 20 septembre 1993 et le 3 novembre 1994 ; que, saisi par l'intéressé d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre une décision du président du SDIS refusant de reconnaître l'imputabilité de la maladie au service, le tribunal administratif de Montpellier a, par un jugement du 11 juillet 2007 devenu définitif, admis l'existence d'un lien direct entre les injections et la maladie et annulé en conséquence la décision attaquée ; que, par un jugement du 25 mars 2009, le même tribunal a rejeté une demande de l'intéressé tendant à la condamnation de l'Etat et de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à l'indemniser des préjudices résultant pour lui de son affection ; que la cour administrative d'appel de Marseille a statué sur l'appel de M. A...contre ce jugement par un arrêt du 1er avril 2010 qui a été annulé par une décision du 1er juin 2011 du Conseil d'Etat statuant au contentieux ; que la cour, statuant à nouveau après renvoi de l'affaire, a, par un arrêt du 17 juillet 2012, annulé le jugement du 25 mars 2009, mis l'Etat hors de cause, admis le principe de l'indemnisation par l'ONIAM et ordonné une expertise pour évaluer les préjudices ; que la minute de cet arrêt a été corrigée, en ce qui concerne la mention de la composition de la formation de jugement, par une ordonnance du 24 août 2012 de la présidente de la cour administrative d'appel ; que l'ONIAM se pourvoit en cassation contre l'arrêt et contre l'ordonnance ;

2. Considérant que, pour juger que l'ONIAM était tenu de réparer, au titre de la solidarité nationale, les préjudices résultant de la sclérose en plaques dont M. A...est atteint, la cour administrative d'appel s'est fondée sur l'autorité absolue de chose jugée s'attachant aux motifs du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 11 juillet 2007 par lesquels celui-ci a reconnu que la sclérose en plaques développée par M. A...était imputable à l'administration du vaccin contre l'hépatite B qu'il avait subie dans le cadre du service ; que, toutefois, l'autorité de chose jugée dont sont revêtus les motifs d'un jugement annulant pour excès de pouvoir le refus de l'administration de reconnaître, en application de dispositions statutaires, l'imputabilité au service de la maladie d'un de ses agents ne fait pas obstacle à ce que la cause de cette affection soit à nouveau discutée devant la juridiction saisie d'une demande tendant à l'indemnisation par un tiers, sur un autre fondement juridique, des préjudices qui en résultent ; qu'ainsi, la cour administrative d'appel de Marseille a commis une erreur de droit ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt du 17 juillet 2012 ainsi que, par voie de conséquence, l'ordonnance du 24 août suivant doivent être annulés ;

3. Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire " ; qu'il y a lieu, par suite, de régler l'affaire au fond ;

Sur l'applicabilité des dispositions de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique au présent litige et la détermination du débiteur de l'indemnisation :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique : " Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation intégrale des préjudices directement imputables à une vaccination obligatoire (...) est assurée par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (...) au titre de la solidarité nationale (...) " ; que l'article 193 de la loi du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 dispose : " L'article L. 3111-9 du code de la santé publique est applicable aux personnes exerçant ou ayant exercé une activité professionnelle ou volontaire au sein de services d'incendie et de secours qui ont été vaccinées contre l'hépatite B depuis la date d'entrée en vigueur de la loi n° 91-73 du 18 janvier 1991 portant dispositions relatives à la santé publique et aux assurances sociales " ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A...a reçu des injections de vaccin contre l'hépatite B dans le cadre de son service au sein du SDIS de l'Hérault postérieurement au 21 janvier 1991 ; que, par suite, les dispositions de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique sont, en vertu de l'article 193 de la loi du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, applicables à sa demande de réparation des conséquences dommageables qu'il estime avoir subies du fait de cette vaccination ; qu'en application de ces dispositions, il appartient à l'ONIAM de réparer, au titre de la solidarité nationale, les préjudices directement imputables à une vaccination ; que l'indemnisation ne saurait, par suite, être mise à la charge de l'Etat ;

Sur le bien-fondé de la demande de M. A...dirigée contre l'ONIAM :

6. Considérant qu'alors même qu'un rapport d'expertise, sans l'exclure, n'établirait pas de lien de causalité entre la vaccination et l'affection, l'ONIAM peut être tenu d'indemniser, sur le fondement de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique, les conséquences dommageables d'injections vaccinales contre l'hépatite B réalisées dans le cadre d'une activité professionnelle eu égard, d'une part, au bref délai ayant séparé l'apparition des premiers symptômes d'une sclérose en plaques, éprouvés par l'intéressé et validés par les constatations de l'expertise médicale, d'autre part, à la bonne santé de la personne concernée et à l'absence, chez elle, de tout antécédent à cette pathologie antérieurement à sa vaccination ; que la preuve des différentes circonstances à prendre ainsi en compte, notamment celle de la date d'apparition des premiers symptômes d'une sclérose en plaques, peut être apportée par tout moyen ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les premiers symptômes de la sclérose en plaques dont M. A...est atteint, diagnostiquée en 1996, sont apparus en juillet 1994, soit près de dix mois après la troisième injection subie le 20 septembre 1993 ; que ce délai ne peut être regardé comme bref ; que, dès lors, l'affection dont il est atteint ne peut être regardée comme directement imputable à la vaccination contre l'hépatite B qu'il a subie ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat et l'ONIAM l'indemnisent des préjudices résultant de la sclérose en plaques dont il est atteint ;

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'ONIAM qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. A... les dépens demandés par l'ONIAM au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 17 juillet 2012 et l'ordonnance de la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille du 24 août 2012 sont annulés.

Article 2 : La requête présentée par M. A...devant la cour administrative d'appel de Marseille est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Les conclusions présentées par l'ONIAM au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à M. B...A...et à la ministre des affaires sociales et de la santé.

Copie en sera adressée pour information au service départemental d'incendie et de secours de l'Hérault.


Synthèse
Formation : 5ème et 4ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 363036
Date de la décision : 05/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

PROCÉDURE - JUGEMENTS - CHOSE JUGÉE - CHOSE JUGÉE PAR LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE - ÉTENDUE - JUGEMENT D'ANNULATION RECONNAISSANT L'IMPUTABILITÉ DE LA MALADIE AU SERVICE POUR L'APPLICATION DE DISPOSITIONS STATUTAIRES - AUTORITÉ DE CHOSE JUGÉE DANS LE CADRE D'UN LITIGE TENDANT À L'INDEMNISATION PAR UN TIERS - SUR UN AUTRE FONDEMENT JURIDIQUE - DES PRÉJUDICES CAUSÉS PAR CETTE MALADIE - ABSENCE.

54-06-06-01-04 Pour juger que l'ONIAM était tenue de réparer, au titre de la solidarité nationale, les préjudices résultant d'une sclérose en plaques, la cour administrative d'appel s'est fondée sur l'autorité absolue de chose jugée s'attachant aux motifs d'un jugement qui avait reconnu que cette sclérose en plaques était imputable à l'administration du vaccin contre l'hépatite B subie dans le cadre du service et avait, en conséquence, annulé pour excès de pouvoir le refus de l'administration de reconnaître, en application de dispositions statutaires, l'imputabilité au service de la maladie de l'agent contaminé.... ,,L'autorité de chose jugée dont sont revêtus les motifs de ce jugement ne fait pas obstacle à ce que la cause de cette affection soit à nouveau discutée devant la juridiction saisie d'une demande tendant à l'indemnisation par un tiers, sur un autre fondement juridique, des préjudices qui en résultent.

RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RÉPARATION - MODALITÉS DE LA RÉPARATION - SOLIDARITÉ - RÉPARATION PAR L'ONIAM - AU TITRE DE LA SOLIDARITÉ NATIONALE DES PRÉJUDICES RÉSULTANT D'UNE SCLÉROSE EN PLAQUES - AUTORITÉ DE LA CHOSE JUGÉE D'UN JUGEMENT D'ANNULATION RECONNAISSANT L'IMPUTABILITÉ DE LA MALADIE AU SERVICE POUR L'APPLICATION DE DISPOSITIONS STATUTAIRES - ABSENCE.

60-04-04-01 Pour juger que l'ONIAM était tenue de réparer, au titre de la solidarité nationale, les préjudices résultant d'une sclérose en plaques, la cour administrative d'appel s'est fondée sur l'autorité absolue de chose jugée s'attachant aux motifs d'un jugement qui avait reconnu que cette sclérose en plaques était imputable à l'administration du vaccin contre l'hépatite B subie dans le cadre du service et avait, en conséquence, annulé pour excès de pouvoir le refus de l'administration de reconnaître, en application de dispositions statutaires, l'imputabilité au service de la maladie de l'agent contaminé.... ,,L'autorité de chose jugée dont sont revêtus les motifs de ce jugement ne fait pas obstacle à ce que la cause de cette affection soit à nouveau discutée devant la juridiction saisie d'une demande tendant à l'indemnisation par un tiers, sur un autre fondement juridique, des préjudices qui en résultent.


Publications
Proposition de citation : CE, 05 nov. 2014, n° 363036
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Gérald Bégranger
Rapporteur public ?: Mme Fabienne Lambolez
Avocat(s) : SCP ROGER, SEVAUX, MATHONNET ; SCP DIDIER, PINET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:363036.20141105
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