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31/10/2014 | FRANCE | N°370718

France | France, Conseil d'État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 31 octobre 2014, 370718


Vu le pourvoi, enregistré le 30 juillet 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour le département de la Marne, représenté par le président du conseil général ; le département demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 12NC01349 du 17 juin 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy, statuant sur renvoi du Conseil d'Etat, a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0601996 du 11 juin 2009 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à condamner Rése

au ferré de France (RFF) à lui verser une somme de 5 000 000 euros, majorée...

Vu le pourvoi, enregistré le 30 juillet 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour le département de la Marne, représenté par le président du conseil général ; le département demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 12NC01349 du 17 juin 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy, statuant sur renvoi du Conseil d'Etat, a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0601996 du 11 juin 2009 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à condamner Réseau ferré de France (RFF) à lui verser une somme de 5 000 000 euros, majorée de l'indemnité réparant le dommage au jour du jugement, pour l'indemniser du coût de la destruction et de la reconstruction d'un pont permettant le franchissement de voies ferrées sur la route départementale n° 74 et, d'autre part, à la condamnation de RFF à lui verser une somme de 7 297 000 euros à titre de dommages intérêts, correspondant à sa part du coût de la reconstruction du pont sur la route départementale n° 74 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 15 octobre 2014, présentée pour le département de la Marne ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de la voirie routière ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Tristan Aureau, auditeur,

- les conclusions de M. Xavier Domino, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat du département de la Marne, et à la SCP Meier-Bourdeau, Lecuyer, avocat de Réseau ferré de France ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 10 novembre 1932, le ministre des travaux publics a autorisé la réalisation de travaux de construction d'un pont situé sous la route départementale n° 74 à Bétheny (Marne) et enjambant la ligne de chemin de fer de Châlons-en-Champagne à Reims, afin de remplacer un passage à niveau ; que, par deux procès-verbaux de récolement, réception et remise de l'ouvrage établis les 5 décembre 1936 et 27 avril 1937, puis par un nouveau procès-verbal de récolement et de remise du 26 mai 1964, la charge des dépenses d'entretien de l'ouvrage a été répartie entre le département de la Marne et l'exploitant ferroviaire ; qu'un expert ayant constaté que l'état de vétusté du pont nécessitait sa démolition et sa reconstruction, le département de la Marne, propriétaire de la route départementale n° 74, a demandé le 10 juillet 2006 à Réseau Ferré de France (RFF) de se conformer aux obligations d'entretien du pont contractées lors de l'établissement de ces différents procès-verbaux ; qu'après avoir rejeté l'offre de RFF de lui verser une somme forfaitaire de 1,6 million d'euros sous réserve que le département assure la maîtrise d'ouvrage de l'opération de démolition et de reconstruction ainsi que l'entretien ultérieur du pont, le département de la Marne a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne la condamnation de cet établissement à lui verser la somme de 5 millions d'euros représentant le coût de la démolition et de la reconstruction du pont ; que le tribunal administratif a rejeté sa demande indemnitaire par un jugement du 11 juin 2009, lequel a été confirmé par la cour administrative d'appel de Nancy par un arrêt du 17 juin 2010 ; que, par un arrêt du 23 juillet 2012, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé cet arrêt ; que le département de la Marne se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 17 juin 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a, sur renvoi du Conseil d'Etat, rejeté à nouveau sa demande indemnitaire ;

2. Considérant, d'une part, que les ponts ne constituent pas des éléments accessoires des cours d'eau ou des voies ferrées qu'ils traversent mais sont au nombre des éléments constitutifs des voies dont ils relient les parties séparées de façon à assurer la continuité du passage ; que, par suite, un pont supportant une route départementale appartient à la voirie départementale ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes des dispositions de l'article L. 131-2 du code de la voie routière : " Les dépenses relatives à la construction, à l'aménagement et à l'entretien des routes départementales sont à la charge du département " ; qu'aux termes des dispositions de l'article L. 3321-1 du code général des collectivités territoriales : " Sont obligatoires pour le département : / (...) 16° Les dépenses d'entretien et construction de la voirie départementale (...) " ; que ces dispositions ne font pas obstacle à ce que le département conclue avec le propriétaire ou l'exploitant de la voie franchie par un pont appartenant à la voirie départementale une convention mettant à la charge de celui-ci tout ou partie des frais d'entretien de cet ouvrage ; que si le département peut, lorsqu'une telle convention a été conclue, réclamer sur ce fondement le versement d'une indemnité réparant le préjudice que lui a causé l'inexécution fautive du contrat par l'autre partie, il reste toutefois tenu, dans tous les cas, d'assurer l'entretien normal du pont en faisant procéder aux réparations nécessaires et en inscrivant les dépenses correspondantes à son budget ;

4. Considérant, en premier lieu, que pour rejeter, par l'arrêt attaqué, la requête du département de la Marne, la cour administrative d'appel de Nancy a, tout d'abord, relevé qu'avaient été conclues entre ce département et l'exploitant du réseau ferroviaire des conventions mettant à la charge de celui-ci tout ou partie des frais d'entretien du pont de Bétheny ; que la cour a, ensuite, souverainement estimé que les stipulations de ces conventions ne mettaient toutefois à la charge de l'exploitant du réseau ferroviaire qu'une partie des charges d'entretien de l'ouvrage et n'avaient pu avoir pour objet ni pour effet de faire peser sur cet exploitant les éventuelles charges de démolition et de reconstruction de l'ouvrage, quelle qu'en fût l'origine ; que la cour a, ainsi, implicitement mais nécessairement estimé que le département de la Marne restait, dans tous les cas, tenu d'assurer l'entretien normal du pont en faisant procéder aux réparations nécessaires et en inscrivant les dépenses correspondantes à son budget ; qu'elle n'a, par suite, pas commis d'erreur de droit et a suffisamment motivé son arrêt sur ce point ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que la cour a, dans l'arrêt attaqué, relevé que la convention signée entre le département de la Marne et RFF le 30 juin 2011, qui mettait à la charge exclusive du département les travaux de démolition et de reconstruction de l'ouvrage public pour un montant de 3 567 809 euros, excluait la recherche de la responsabilité de RFF à ce titre ; que, contrairement à ce que soutient le département de la Marne, la circonstance que cette convention a été conclue après que la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa requête par un arrêt du 17 juin 2010, mais avant que le Conseil d'Etat statuant au contentieux n'annule cet arrêt par une décision du 23 juillet 2012, ne faisait pas obstacle à ce que la cour se fonde, dans l'arrêt attaqué, sur les stipulations de cette convention ; que le moyen tiré de ce qu'en se fondant sur cette convention la cour a commis une erreur de droit ne peut, par suite, qu'être écarté ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi du département de la Marne doit être rejeté ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de RFF, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département de la Marne la somme de 3 000 euros à verser à RFF, au titre de ces dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi du département de la Marne est rejeté.

Article 2 : Le département de la Marne versera à Réseau Ferré de France une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au département de la Marne et à Réseau Ferré de France.


Synthèse
Formation : 2ème et 7ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 370718
Date de la décision : 31/10/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 31 oct. 2014, n° 370718
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Tristan Aureau
Rapporteur public ?: M. Xavier Domino
Avocat(s) : SCP DE CHAISEMARTIN, COURJON ; SCP MEIER-BOURDEAU, LECUYER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:370718.20141031
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