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24/09/2014 | FRANCE | N°361330

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème ssr, 24 septembre 2014, 361330


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société à responsabilité limitée (SARL) Baranco a demandé au tribunal administratif de Paris la décharge des amendes fiscales qui lui ont été infligées sur le fondement des dispositions de l'article 1740 ter du code général des impôts, au titre des années 2001 et 2002. Par un jugement n° 0600831 du 19 mars 2010, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Par les articles 1er et 2 d'un arrêt n° 10PA02786 du 24 mai 2012, la cour administrative d'appel de Paris, faisant part

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société à responsabilité limitée (SARL) Baranco a demandé au tribunal administratif de Paris la décharge des amendes fiscales qui lui ont été infligées sur le fondement des dispositions de l'article 1740 ter du code général des impôts, au titre des années 2001 et 2002. Par un jugement n° 0600831 du 19 mars 2010, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Par les articles 1er et 2 d'un arrêt n° 10PA02786 du 24 mai 2012, la cour administrative d'appel de Paris, faisant partiellement droit à l'appel interjeté par la société, a annulé ce jugement puis rejeté les conclusions en décharge de la société ainsi que celles présentées par l'intéressée sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par un pourvoi et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 juillet et 25 octobre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SARL Baranco demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 2 de l'arrêt n° 10PA02786 du 24 mai 2012 de la cour administrative d'appel de Paris ;

2°) réglant, dans cette mesure, l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions de première instance et d'appel restant en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008, notamment son article 47 ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Béreyziat, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Delphine Hedary, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de la SARL Baranco ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article 1740 ter du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux faits de la cause, et dont les dispositions sont désormais reprises au 1° du I de l'article 1737 de ce code : " Lorsqu'il est établi qu'une personne, à l'occasion de l'exercice de ses activités professionnelles, a travesti ou dissimulé l'identité ou l'adresse de ses fournisseurs ou de ses clients, ou sciemment accepté l'utilisation d'une identité fictive ou d'un prête-nom, elle est redevable d'une amende fiscale égale à 50 % des sommes versées ou reçues au titre de ces opérations (...) " ;

2. Considérant, en premier lieu, que les stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sont applicables à la contestation de l'amende instituée par les dispositions citées ci-dessus, cette amende présentant, au sens et pour l'application de ces stipulations, le caractère d'une accusation en matière pénale ; que, toutefois, ces dispositions proportionnent le montant de l'amende à l'importance des sommes qui font l'objet de l'infraction ; que le juge de l'impôt, après avoir exercé son plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration, décide, dans chaque cas, selon les résultats de ce contrôle, soit de maintenir cette amende, soit d'en prononcer la décharge ; que les stipulations de l'article 6 de cette convention ne l'obligent pas à procéder différemment ; que, par suite, la cour administrative d'appel de Paris a pu, sans commettre d'erreur de droit, juger que les dispositions de l'article 1740 ter du code général des impôts n'étaient pas incompatibles avec ces stipulations ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour juger fondées les amendes infligées à la société requérante sur le fondement des dispositions en cause, la cour a estimé que cette dernière avait sciemment travesti ou dissimulé l'adresse de ses clients ; qu'en statuant ainsi, la cour a porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine qui, contrairement à ce que soutient la requérante, est exempte de dénaturation ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'avant sa modification par la loi du 30 décembre 2008 portant loi de finances rectificative pour 2008, le second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales était ainsi rédigé : " Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente " ; que l'article 47 de cette loi l'a complété par la phrase suivante : " Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales " ; que si cette dernière disposition, applicable aux instances en cours pour ce qui concerne les pénalités fiscales, institue une garantie contre les changements de doctrine de l'administration permettant, en particulier, aux contribuables auteurs d'infractions fiscales de se prévaloir des énonciations contenues dans les notes ou instructions publiées, c'est à la condition, notamment, que ces notes ou instructions aient été susceptibles d'influencer le comportement des intéressés au regard de leurs obligations fiscales ; que tel n'est pas le cas de notes ou instructions administratives relatives à la procédure d'établissement d'une amende fiscale ; que, par suite, en jugeant que ces notes ou instructions ne pouvaient être utilement invoquées sur le fondement du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL Baranco n'est pas fondée à demander l'annulation de l'article 2 de l'arrêt attaqué ; que ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er: Le pourvoi de la SARL Baranco est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société à responsabilité limitée Baranco et au ministre des finances et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 10ème - 9ème ssr
Numéro d'arrêt : 361330
Date de la décision : 24/09/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - TEXTES FISCAUX - OPPOSABILITÉ DES INTERPRÉTATIONS ADMINISTRATIVES (ART - L - 80 A DU LIVRE DES PROCÉDURES FISCALES) - EXTENSION AUX INSTRUCTIONS OU CIRCULAIRES PUBLIÉES RELATIVES AUX PÉNALITÉS (ART - 47 DE LA LOI DU 30 DÉCEMBRE 2008) [RJ1] - CONDITIONS D'OPPOSABILITÉ - NOTES OU INSTRUCTIONS AYANT ÉTÉ SUSCEPTIBLES D'INFLUENCER LE COMPORTEMENT DES INTÉRESSÉS AU REGARD DE LEURS OBLIGATIONS FISCALES - EXCLUSION - NOTES OU INSTRUCTIONS ADMINISTRATIVES RELATIVES À LA PROCÉDURE D'ÉTABLISSEMENT D'UNE AMENDE FISCALE.

19-01-01-03 La dernière phrase du deuxième alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales (LPF) dans sa rédaction issue de l'article 47 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 prévoit que : Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales .,,,Si cette disposition, applicable aux instances en cours pour ce qui concerne les pénalités fiscales, institue une garantie contre les changements de doctrine de l'administration permettant, en particulier, aux contribuables auteurs d'infractions fiscales de se prévaloir des énonciations contenues dans les notes ou instructions publiées, c'est à la condition, notamment, que ces notes ou instructions aient été susceptibles d'influencer le comportement des intéressés au regard de leurs obligations fiscales. Tel n'est pas le cas de notes ou instructions administratives relatives à la procédure d'établissement d'une amende fiscale, qui ne peuvent, par suite, être utilement invoquées sur le fondement du second alinéa de l'article L. 80 A du LPF.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - GÉNÉRALITÉS - AMENDES - PÉNALITÉS - MAJORATIONS - EXTENSION DE LA GARANTIE PRÉVUE PAR L'ARTICLE L - 80 A DU LPF AUX INSTRUCTIONS OU CIRCULAIRES PUBLIÉES RELATIVES AUX PÉNALITÉS (ART - 47 DE LA LOI DU 30 DÉCEMBRE 2008) [RJ1] - CONDITIONS D'OPPOSABILITÉ - NOTES OU INSTRUCTIONS AYANT ÉTÉ SUSCEPTIBLES D'INFLUENCER LE COMPORTEMENT DES INTÉRESSÉS AU REGARD DE LEURS OBLIGATIONS FISCALES - EXCLUSION - NOTES OU INSTRUCTIONS ADMINISTRATIVES RELATIVES À LA PROCÉDURE D'ÉTABLISSEMENT D'UNE AMENDE FISCALE.

19-01-04-015 La dernière phrase du deuxième alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales (LPF) dans sa rédaction issue de l'article 47 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 prévoit que : Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales .,,,Si cette disposition, applicable aux instances en cours pour ce qui concerne les pénalités fiscales, institue une garantie contre les changements de doctrine de l'administration permettant, en particulier, aux contribuables auteurs d'infractions fiscales de se prévaloir des énonciations contenues dans les notes ou instructions publiées, c'est à la condition, notamment, que ces notes ou instructions aient été susceptibles d'influencer le comportement des intéressés au regard de leurs obligations fiscales. Tel n'est pas le cas de notes ou instructions administratives relatives à la procédure d'établissement d'une amende fiscale, qui ne peuvent, par suite, être utilement invoquées sur le fondement du second alinéa de l'article L. 80 A du LPF.


Références :

[RJ1]

Rappr., pour l'application du même alinéa de L. 80 A du LPF en matière de recouvrement, CE, 27 février 2013, Ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat c/ Mme,, n° 354004, T. pp. 530-541.


Publications
Proposition de citation : CE, 24 sep. 2014, n° 361330
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Frédéric Bereyziat
Rapporteur public ?: Mme Delphine Hedary
Avocat(s) : SCP GADIOU, CHEVALLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 05/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:361330.20140924
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