Vu 1°, sous le n° 360394, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 juin et 21 septembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le Syndicat français de l'industrie cimentière (SFIC), dont le siège est 7, place de la Défense à Paris, La Défense Cedex (92974), et pour la Fédération de l'industrie du béton (FIB), dont le siège est 23, rue de la Vanne à Montrouge (92126 Cedex) ; le Syndicat français de l'industrie cimentière et la Fédération de l'industrie du béton demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2012-518 du 19 avril 2012 relatif au label " bâtiment biosourcé " ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu 2°, sous le n° 366173, la requête, enregistrée le 19 février 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour le Syndicat français de l'industrie cimentière, dont le siège est 7, place de la Défense à Paris La Défense Cedex (92974), la Fédération de l'industrie du béton, dont le siège est 23, rue de la Vanne à Montrouge (92126 Cedex), la Fédération française des tuiles et briques, dont le siège est 17, rue Letellier à Paris (75015), l'Union nationale des industries de carrières et matériaux de construction, dont le siège est 3, rue Alfred Roll à Paris Cedex 17 (75849), le Syndicat national des fabricants de laines minérales manufacturées, dont le siège est 1, rue Cardinal Mercier à Paris (75009), le Syndicat national du béton prêt à l'emploi et l'Union nationale des producteurs de granulats, dont le siège est 3, rue Alfred Roll à Paris Cedex 17 (75849), respectivement représentés par leur président ; le Syndicat français de l'industrie financière et autres demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 19 décembre 2012 du ministre de l'égalité des territoires et du logement et du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'écologie relatif au contenu et aux conditions d'attribution du label " bâtiment biosourcé " ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à chacun des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu 3°, sous le n° 369532, la requête, enregistrée le 20 juin 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour le Syndicat français de l'industrie cimentière, dont le siège est 7, place de la Défense à Paris La Défense Cedex (92974), la Fédération de l'industrie du béton, dont le siège est 23, rue de la Vanne à Montrouge (92126 Cedex), la Fédération française des tuiles et briques, dont le siège est 17, rue Letellier à Paris (75015), l'Union nationale des industries de carrières et matériaux de construction, dont le siège est 3, rue Alfred Roll à Paris Cedex 17 (75849), le Syndicat national des fabricants de laines minérales manufacturées, dont le siège est 1, rue Cardinal Mercier à Paris (75009), le Syndicat national du béton prêt à l'emploi et l'Union nationale des producteurs de granulats, dont le siège est 3, rue Alfred Roll à Paris Cedex 17 (75849), respectivement représentés par leur président ; le Syndicat français de l'industrie financière et autres demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté publié au Journal officiel de la République française le 20 avril 2013 rectifiant l'arrêté du 19 décembre 2012 attaqué sous le n° 366173 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à chacun des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule ;
Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
Vu le code de la construction et de l'habitation ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Sophie Roussel, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat du Syndicat français de l'industrie Cimentière (SFIC), de la Fédération de l'industrie du béton (FIB), de la Fédération française des tuiles et briques, de l'Union nationale des industries de carrières et matériaux de constructions, du Syndicat national des fabricants de laines minérales manufacturées, du Syndicat national du béton prêt à l'emploi et de l'Union nationale des producteurs de granulats, et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat du ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité ;
1. Considérant que par le décret du 19 avril 2012, dont l'annulation est demandée sous le n° 360394, a été créé un label " bâtiment biosourcé " auquel peuvent prétendre les bâtiments nouveaux intégrant un taux minimal de matériaux biosourcés, c'est-à-dire issus de la biomasse végétale ou animale, et répondant aux caractéristiques associées à ces matériaux ; que par un arrêté du 19 décembre 2012, attaqué sous le n° 366173, les ministres de l'égalité des territoires et du logement et de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ont défini le contenu ainsi que les conditions d'attribution de ce label ; que par un arrêté rectificatif publié au Journal officiel de la République française le 20 avril 2013, attaqué sous le n° 369532, les ministres ont corrigé la définition des " ratios par défaut pour estimer la masse de matière biosourcée contenue dans des produits de construction biosourcés mis en oeuvre dans un bâtiment " figurant à l'annexe IV de cet arrêté ; que ces trois requêtes présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur le décret du 19 avril 2012 :
2. Considérant, en premier lieu, que la Fédération française des tuiles et briques, l'Union nationale des industries de carrières et matériaux de construction, le Syndicat national des fabricants de laines minérales manufacturées, le Syndicat national du béton prêt à l'emploi et l'Union nationale des producteurs de granulats ont intérêt à l'annulation du décret attaqué sous le n° 360394 ; qu'ainsi, leur intervention est recevable ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 7 de la Charte de l'environnement : " Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement " ; qu'aux termes de l'article L. 120-1 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable à la date du décret attaqué : " Le présent article définit les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du public défini à l'article 7 de la Charte de l'environnement est applicable aux décisions réglementaires de l'Etat et de ses établissements publics. / I. - Sauf disposition particulière relative à la participation du public prévue par le présent code ou par la législation qui leur est applicable, les décisions réglementaires de l'Etat (...) sont soumises à participation du public lorsqu'elles ont une incidence directe et significative sur l'environnement. (...) " ;
4. Considérant, d'une part, les dispositions de l'article L. 120-1 du code de l'environnement ont été prises afin de préciser les conditions et les limites dans lesquelles le principe de participation du public défini à l'article 7 de la Charte de l'environnement est applicable aux décisions réglementaires de l'Etat et de ses établissements publics ; que, par suite, les requérants ne peuvent utilement invoquer, pour soutenir que le principe de participation du public aurait été méconnu lors de l'adoption du décret attaqué, la méconnaissance des dispositions de l'article 7 de la Charte de l'environnement ; que, d'autre part, la création d'un label visant à promouvoir l'utilisation dans certains types de constructions nouvelles de matériaux biosourcés n'a qu'une incidence indirecte sur l'environnement ; qu'ainsi, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article L. 120-1 du code de l'environnement ne peut qu'être écarté ;
5. Considérant qu'aux termes de l'antépénultième alinéa de l'article 34 de la Constitution : " Des lois de programmation déterminent les objectifs de l'action de l'État " ; que celles des dispositions d'une loi qui, prises sur ce fondement, se bornent à fixer des objectifs à l'action de l'Etat, sont dépourvues de portée normative et ne sauraient, dès lors, être regardées comme habilitant le pouvoir réglementaire à prendre certaines dispositions ; que tel est le cas de l'article 34 de la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, qui dispose que : " La biodiversité forestière ordinaire et remarquable doit être préservée et valorisée, dans le cadre d'une gestion plus dynamique de la filière bois et dans une perspective de lutte contre le changement climatique. La production accrue de bois, en tant qu'écomatériau et source d'énergie renouvelable, doit s'inscrire dans des projets de développement locaux. / Pour atteindre ces objectifs, l'Etat s'engage à (...) adapter les normes de construction à l'usage du bois, notamment en augmentant très significativement le taux minimum d'incorporation de bois dans la construction et en soutenant la mise en place d'un label (...) " ; que, par suite, les requérants ne sauraient utilement soutenir que le décret créant le label " bâtiment biosourcé " aurait, en s'appliquant au bois mais aussi à d'autres matériaux, méconnu ces dispositions ; qu'au demeurant, les dispositions de ce décret, qui créent un label visant à valoriser les démarches volontaires des maîtres d'ouvrages intégrant une part significative de matériaux biosourcés dans leurs constructions sans leur imposer aucune obligation ni attacher aucune incitation, notamment financière, à la labellisation, ne mettent pas en cause les principes fondamentaux des obligations commerciales, placés dans le domaine de la loi par l'article 34 de la Constitution ; que, dès lors, le Gouvernement était compétent pour prendre ces dispositions ;
6. Considérant qu'eu égard à son objet rappelé ci-dessus, le décret attaqué ne porte, par lui-même, atteinte ni à la liberté du commerce et de l'industrie ni à la liberté d'entreprendre ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce qu'il porterait une atteinte excessive à ces libertés ne peut qu'être écarté ;
7. Considérant que les requérants soutiennent qu'en se bornant à fixer le principe d'un label attribué aux bâtiments nouveaux intégrant un taux minimal de matériaux biosourcés sans définir cette catégorie de matériaux, le pouvoir réglementaire aurait méconnu l'objectif à valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la norme ; que, toutefois, eu égard à la portée des dispositions contestées, les termes utilisés n'ont pas méconnu cet objectif ;
8. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions (...) " ; que la création du label litigieux, dont l'objet n'est pas d'inciter à l'utilisation de matériaux nationaux et qui ne constitue pas une aide accordée avec les ressources de l'Etat, ne saurait être regardée comme relevant du champ d'application du paragraphe 1 de l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne cité ci-dessus ; que le moyen tiré de la méconnaissance de cet article par le décret attaqué ne peut, par suite, qu'être écarté ;
Sur l'arrêté du 19 décembre 2012 et l'arrêté rectificatif publié le 20 avril 2013 :
9. Considérant, en premier lieu, que les requérants soutiennent que l'arrêté qu'ils attaquent et son arrêté rectificatif sont entachés d'incompétence, compte tenu du caractère général et imprécis de l'habilitation donnée aux ministres par le décret attaqué sous le n° 360294 ; que, toutefois, en renvoyant au ministre chargé de la construction le soin de déterminer les conditions d'attribution du label tel qu'il le définit, le décret du 12 avril 2012 ne procède pas à une subdélégation illégale ;
10. Considérant, en second lieu, que si les requérants soutiennent que les arrêtés qu'ils attaquent sont intervenus en méconnaissance de l'article 7 de la Charte de l'environnement et de l'article L. 120-1 du code de l'environnement, il résulte de ce qui a été dit au point 4 que ces moyens ne peuvent, en tout état de cause, qu'être écartés ;
11. Considérant, enfin, qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 5 et 6 de la présente décision que le moyen, soulevé par la voie de l'exception, tiré de l'illégalité de l'arrêté du 19 décembre 2012 et de son arrêté rectificatif à raison, d'une part, de la méconnaissance, par le décret dont ils font application, de l'habilitation donnée au pouvoir réglementaire par l'article 34 de la loi du 3 août 2009, d'autre part, de l'atteinte portée par le décret à la liberté du commerce et de l'industrie et à la liberté d'entreprendre, ne peut qu'être écarté ; que, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, le moyen tiré de ce que les arrêtés eux-mêmes porteraient une atteinte excessive à la liberté du commerce et de l'industrie et à la liberté d'entreprendre doivent être écartés ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le Syndicat français de l'industrie cimentière et autres ne sont fondés à demander l'annulation ni du décret du 19 avril 2012, ni de l'arrêté du 19 décembre 2012, ni enfin de l'arrêté rectificatif publié le 20 avril 2013 ; que leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;
13. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre respectivement à la charge du Syndicat français de l'industrie cimentière et de la Fédération de l'industrie du béton la somme de 1 400 euros à verser à l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a également lieu, dans les circonstance de l'espèce et au titre des mêmes dispositions, de mettre respectivement à la charge de la Fédération française des tuiles et briques, de l'Union nationale des industries de carrières et matériaux de construction, du Syndicat national des fabricants de laines minérales manufacturées, du Syndicat national du béton prêt à l'emploi et de l'Union nationale des producteurs de granulats la somme de 400 euros à verser à l'Etat ;
14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative prévoient seulement la mise à la charge d'une des parties à l'instance des frais exposés par une autre partie et non compris dans les dépens ; qu'elles ne sauraient recevoir application au profit ou à l'encontre d'une personne qui a la qualité d'intervenant à l'instance ; que, par suite, les conclusions présentées par la Fédération française des tuiles et briques et autres, intervenants dans l'affaire n° 360394, ne peuvent qu'être rejetées ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'intervention de la Fédération française des tuiles et briques, l'Union nationale des industries de carrières et matériaux de construction, du Syndicat national des fabricants de laines minérales manufacturées, du Syndicat national du béton prêt à l'emploi et de l'Union nationale des producteurs de granulats au soutien de la requête n° 360394 est admise.
Article 2 : Les requêtes n° 360394, 366173 et 369532 sont rejetées.
Article 3 : Le Syndicat français de l'industrie cimentière et de la Fédération de l'industrie du béton verseront chacun la somme de 1 400 euros à l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La Fédération française des tuiles et briques, l'Union nationale des industries de carrières et matériaux de construction, le Syndicat national des fabricants de laines minérales manufacturées, le Syndicat national du béton prêt à l'emploi et l'Union nationale des producteurs de granulats verseront chacun la somme de 400 euros à l'Etat au titre de ces mêmes dispositions.
Article 4 : Les conclusions de la Fédération française des tuiles et briques, l'Union nationale des industries de carrières et matériaux de construction, le Syndicat national des fabricants de laines minérales manufacturées, le Syndicat national du béton prêt à l'emploi et l'Union nationale des producteurs de granulats, présentées dans la requête n° 360394 et tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au Syndicat français de l'industrie cimentière, premier requérant dénommé, au Premier ministre, à la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, à la ministre du logement et de l'égalité des territoires et à la Fédération française des tuiles et des briques, premier intervenant dénommé. Les autres requérants et intervenants seront informés de la présente décision par la SPC Monod-Colin, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, qui les représente devant le Conseil d'Etat.