Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 juillet et 8 octobre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. A... D..., demeurant ...et pour le groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) de La Motte Jarrière, dont le siège est La Motte Jarrière à Saint-Martin-du-Fouilloux (79420) ; M. D...et le GAEC de La Motte Jarrière demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n°11BX00328-11BX00329 du 31 mai 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté leurs requêtes dirigées contre le jugement n°0902507-0902665 du 9 décembre 2010 du tribunal administratif de Poitiers rejetant leurs demandes tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 14 octobre 2009 du préfet des Deux-Sèvres rejetant la demande d'indemnité présentée par le GAEC pour l'abandon de sa production laitière au titre de la campagne 2009-2010 et, d'autre part, à l'annulation de la décision du 28 septembre 2009 du même préfet rejetant la demande d'aides aux grandes cultures et de participation au régime de paiement unique présentée par le GAEC ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de commerce ;
Vu le code rural et de la pêche maritime ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Charles Touboul, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Fabienne Lambolez, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Odent, Poulet, avocat de M. D...et du groupement agricole d'exploitation en commun de La Motte-Jarrière ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par deux décisions des 28 septembre et 14 octobre 2009, le préfet des Deux-Sèvres a rejeté les demandes du GAEC de La Motte Jarrière tendant au versement d'aides aux grandes cultures au titre de la participation au régime de paiement unique issu du règlement (CE) n° 73/2009 du 19 janvier 2009 et de l'indemnité pour abandon de la production laitière prévue par le règlement (CE) n° 1234/2007 du 22 octobre 2007 ; que le GAEC et Me C...B..., agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire, ont saisi le tribunal administratif de Poitiers de conclusions tendant à l'annulation de ces décisions, qui ont été rejetées par un jugement du 9 décembre 2010 ; que le GAEC et M.D..., associé au sein du groupement, se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 31 mai 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté leur appel contre ce jugement ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 641-9 du code de commerce, applicable à la liquidation des exploitations agricoles en vertu de l'article L. 351-18 du code rural et de la pêche maritime : " I. - Le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur (...) " ; que les règles posées par cet article n'étant instituées que dans l'intérêt des créanciers, seul le liquidateur peut s'en prévaloir pour s'opposer, notamment, à ce que le débiteur demande à l'administration le versement d'une subvention ou d'une aide publique ; qu'il appartient à la personne placée en liquidation judiciaire qui sollicite un tel avantage de mettre préalablement le liquidateur en mesure d'exercer sa prérogative puis de justifier devant l'administration qu'elle a recueilli son accord ; que l'administration ne peut légalement rejeter la demande comme émanant d'une personne qui n'a pas qualité pour la présenter qu'en l'absence d'un tel justificatif ;
3. Considérant qu'en jugeant qu'il résultait des dispositions de l'article L. 641-9 du code de commerce que le GAEC de La Motte Jarrière ne pouvait se voir personnellement attribuer les subventions litigieuses, dès lors qu'il se trouvait en situation de liquidation judiciaire pour l'ensemble de son activité et était par suite dessaisi de l'administration et de la disposition de ses biens, alors que la procédure de liquidation ne pouvait faire obstacle au versement sollicité que si le GAEC avait omis d'établir devant l'administration, à l'appui de sa demande, qu'il avait recueilli l'accord du liquidateur, la cour administrative d'appel de Bordeaux a commis une erreur de droit qui justifie, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, l'annulation de son arrêt ;
4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme globale de 3 000 euros à verser au GAEC de La Motte Jarrière et à M.D... ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 31 mai 2012 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : L'Etat versera au GAEC de La Motte Jarrière et à M. D...une somme globale de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A...D..., au groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC) de La Motte Jarrière, à Me C...B...et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.