Vu la procédure suivant :
Procédure contentieuse antérieure
La société Lactalis International a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler les décisions des 9 et 24 mai 2006 du directeur de l'office national interprofessionnel de l'élevage et de ses productions (ONIEP) mettant à sa charge la somme de 1 651 753,36 euros au titre de restitutions à l'exportation indûment versées et les sommes de 825 877,63 euros et 62 632,07 euros au titre de sanctions. Par un jugement n° 0603947-0604770 du 25 mars 2010, le tribunal administratif de Melun a fait droit à la demande de la société.
Par un arrêt n° 10PA03436 du 21 décembre 2012, la cour administrative d'appel de Paris, faisant droit à l'appel de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer), venu aux droits de l'ONIEP, a annulé ce jugement du tribunal administratif et rejeté la demande de la société.
Procédure devant le Conseil d'Etat
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 février et 21 mai 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Lactalis International demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 21 décembre 2012 ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de FranceAgriMer ;
3°) de mettre à la charge de FranceAgriMer la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient :
- que la cour administrative d'appel de Paris a entaché son arrêt d'insuffisance de motivation en écartant l'application du règlement n° 202/98 ;
- que la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'erreurs de droit en jugeant que la position tarifaire déclarée pour les exportations réalisées entre le 13 novembre 1996 et le 13 avril 1999 était inexacte et justifiait le reversement des restitutions indûment perçues et les sanctions correspondantes ;
- que la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'erreur de droit en écartant l'application du règlement n° 202/98 du 26 janvier 1998 ;
- que la cour a insuffisamment motivé son arrêt et l'a entaché d'erreur de droit en écartant le régime de prescription établi par l'article 52, paragraphe 4 du règlement n° 800/1999 ;
- que la cour administrative d'appel a insuffisamment motivé son arrêt et l'a entaché d'erreur de droit en écartant la prescription résultant du quatrième alinéa du paragraphe 1 de l'article 3 du règlement n° 2988/95 ;
- que la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit en jugeant que le principe de confiance légitime n'avait pas été méconnu alors que l'administration des douanes n'avait pas remis en cause les classifications opérées par la société lors de premiers contrôles.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 février 2014, FranceAgriMer demande au Conseil d'Etat de rejeter le pourvoi et de mettre à la charge de la société requérante la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que les moyens du pourvoi de sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le règlement (CEE) n° 2658/87 du Conseil du 23 juillet 1987 ;
- le règlement (CE) n° 2991/94 du Conseil du 5 décembre 1994 ;
- le règlement (CE) n° 2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995 ;
- le règlement (CEE) n° 3665/87 de la Commission du 27 novembre 1987 ;
- le règlement (CEE) n° 4056/87 de la Commission du 22 décembre 1987 ;
- le règlement (CE) n° 1222/94 de la Commission du 30 mai 1994 ;
- le règlement (CE) n° 800/1999 de la Commission du 15 avril 1999 ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Christophe Pourreau, Maître des Requêtes,
- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la Société Lactalis International et à la SCP Meier-Bourdeau, Lecuyer, avocat de la société Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Lactalis International a bénéficié de restitutions pour l'exportation de produits dénommés " Beurre de bocage " et " Préparation alimentaire Ambassador ". A la suite de contrôles effectués par l'administration des douanes, l'office national interprofessionnel du lait et des produits laitiers (ONILAIT) a, par deux décisions des 17 et 23 octobre 2001, ordonné le reversement des restitutions perçues et prononcé une sanction financière à l'encontre de la société Lactalis International. Ces décisions ont été annulées par un jugement du tribunal administratif de Melun du 5 juillet 2005. L'office national interprofessionnel de l'élevage et de ses productions (ONIEP), venant aux droits de l'ONILAIT, a pris deux nouvelles décisions de reversement et de sanction les 4 et 26 mai 2006. Ces décisions ont été annulées par un jugement du 25 mars 2010 du tribunal administratif de Melun. La société Lactalis se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 21 décembre 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, faisant droit à l'appel de l'établissement national de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer), a annulé ce jugement et rejeté sa demande de première instance tendant à l'annulation des décisions des 9 et 24 mai 2006 du directeur de l'ONIEP.
2. En vertu de l'annexe B au règlement (CE) n° 1222/94 de la Commission du 30 mai 1994 établissant, pour certains produits agricoles exportés sous forme de marchandises ne relevant pas de l'annexe II du traité, les modalités communes d'application du régime d'octroi des restitutions à l'exportation et des critères de fixation de leur montant, une restitution à l'exportation peut être accordée au titre de la margarine d'une teneur en poids de matières grasses provenant du lait excédant 10 % mais n'excédant pas 15 %.
3. Il ressort des écritures de la société Lactalis International devant le tribunal administratif de Melun et la cour administrative d'appel de Paris qu'elle soutenait que la teneur en poids de matières grasses provenant du lait des marchandises qu'elle avait exportées devait être déterminée selon la méthode définie par les dispositions du paragraphe 3 de l'article 2 du règlement (CE) n° 4056/87 de la Commission du 22 décembre 1987 définissant les méthodes d'analyse et autres dispositions de caractère technique nécessaires pour l'application du règlement (CEE) n° 3035/80, qui impliquent, selon elle, de rapporter le poids de matières grasses provenant du lait au poids total de matières grasses et non au poids total de la marchandise.
4. Pour annuler le jugement du tribunal administratif et rejeter la demande de première instance de la société Lactalis International, la cour a jugé qu'il était établi que l'ensemble des fabrications en cause comportait des teneurs en poids de matières grasses provenant du lait inférieures à 10 %, sans se prononcer sur la façon dont ce pourcentage devait être calculé. En statuant ainsi, elle a omis de répondre au moyen de la société Lactalis, qui, tel qu'il était formulé, n'était pas inopérant. Par suite, elle a entaché son arrêt d'irrégularité.
5. Il résulte de ce qui précède que la société Lactalis International est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué. Le moyen examiné impliquant à lui seul l'annulation totale de cet arrêt, il n'est pas besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de FranceAgriMer la somme de 3 000 euros à verser à la société Lactalis International au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société Lactalis International, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 21 décembre 2012 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : FranceAgriMer versera une somme de 3 000 euros à la société Lactalis International au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de FranceAgriMer présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Lactalis International et à l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer.