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23/07/2014 | FRANCE | N°364942

France | France, Conseil d'État, 5ème sous-section jugeant seule, 23 juillet 2014, 364942


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 janvier et 2 avril 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme C...B..., épouseF..., demeurant... ; Mme B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 1200343 du 3 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Cayenne a condamné l'Etat à réparer les préjudices nés du refus de concours de la force publique opposé par le préfet de Guyane à l'expulsion de MM. A...E...du terrain à bâtir lui appartenant à Rémire-Montjoly, en tant qu'il a limité cette

réparation à 1 500 euros ;

2°) réglant l'affaire au fond, de condamner l...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 janvier et 2 avril 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme C...B..., épouseF..., demeurant... ; Mme B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 1200343 du 3 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Cayenne a condamné l'Etat à réparer les préjudices nés du refus de concours de la force publique opposé par le préfet de Guyane à l'expulsion de MM. A...E...du terrain à bâtir lui appartenant à Rémire-Montjoly, en tant qu'il a limité cette réparation à 1 500 euros ;

2°) réglant l'affaire au fond, de condamner l'Etat à lui verser les sommes de 216 000 euros au titre du manque à gagner et de la perte de loyers, 205 100 euros à parfaire au titre de l'astreinte et 100 000 euros au titre du préjudice moral ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des procédures civiles d'exécution ;

Vu la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 ;

Vu le décret n° 92-755 du 31 juillet 1992 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Leïla Derouich, auditeur,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Roger, Sevaux, Mathonnet, avocat de MmeB... ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B...a acquis le 24 août 2004 un terrain à bâtir situé à Rémire-Montjoly (Guyane) ; qu'à sa demande, le tribunal d'instance de Cayenne a, par un jugement du 17 mars 2006, ordonné l'expulsion de MM. D...et G...A...E..., occupants sans titre de ce terrain, et la démolition aux frais de M. D...A...E...de la construction illicite édifiée dessus ; que le concours de la force publique a été par deux fois sollicité, les 29 octobre 2007 et 5 novembre 2010, en vain par la requérante pour l'exécution de ce jugement ; que par un jugement du 29 avril 2010, le tribunal administratif de Cayenne a, à la demande de MmeB..., condamné l'Etat à lui verser 1 000 euros en raison du caractère fautif du premier refus opposé par le préfet de la Guyane à sa demande de concours de la force publique pour réparer les préjudices subis pendant la période comprise entre le 29 décembre 2007 et le 29 avril 2010 ; que Mme B...se pourvoit en cassation contre le jugement du 3 octobre 2012 du tribunal administratif de Cayenne, en tant qu'il a limité à 1 500 euros la réparation des préjudices qu'elle a subis au titre de la période postérieure au 29 avril 2010 du fait des deux refus de concours de la force publique opposés par le préfet ; que le ministre de l'intérieur, par la voie du pourvoi incident, demande l'annulation du même jugement en ce qu'il a reconnu la responsabilité de l'Etat pour refus de concours de la force publique ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le moyen tiré de ce que la minute du jugement attaqué ne comporterait pas les signatures du magistrat ayant statué seul et du greffier exigées par l'article R. 741-8 du code de justice administrative manque en fait ;

3. Considérant qu'aux termes des premier et quatrième alinéas de l'article 62 de la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution, applicable au litige porté devant le tribunal administratif de Cayenne et dont les dispositions ont été reprises aux articles L. 412-1 et L. 412-5 du code des procédures civiles d'exécution : " Si l'expulsion porte sur un local affecté à l'habitation principale de la personne expulsée ou de tout occupant de son chef, elle ne peut avoir lieu, sans préjudice des dispositions des articles L. 613-1 à L. 613-5 du code de la construction et de l'habitation, qu'à l'expiration d'un délai de deux mois qui suit le commandement (...) / Dès le commandement d'avoir à libérer les locaux à peine de suspension du délai avant l'expiration duquel l'expulsion ne peut avoir lieu, l'huissier de justice chargé de l'exécution de la mesure d'expulsion doit en informer le représentant de l'État dans le département en vue de la prise en compte de la demande de relogement de l'occupant dans le cadre du plan départemental d'action pour le relogement des personnes défavorisées prévu par la loi n°90-449 du 3 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 197 du décret du 31 juillet 1992, également applicable au litige et dont les dispositions ont été reprises à l'article R. 412-2 du code des procédures civiles d'exécution : " L'huissier de justice envoie au préfet du département du lieu de situation de l'immeuble, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, copie du commandement d'avoir à libérer les locaux " ;

Sur le pourvoi incident du ministre de l'intérieur :

4. Considérant que le ministre soutient que le tribunal administratif de Cayenne a commis une erreur de droit en retenant le principe de la responsabilité de l'Etat du fait du refus de concours de la force publique alors que le commandement de quitter les lieux du 2 octobre 2006 n'avait pas été notifié à M. G...A...E..., que, la demande de concours de la force publique du 27 octobre 2007 ne se rapportait pas à son expulsion, et que l'octroi de ce concours pour la seule expulsion de M. D...A...E...n'aurait pas fait cesser le préjudice ; que, toutefois, si les pièces du dossier soumis au juge du fond ne comportaient pas la preuve de la signification à M. G...A...E...du commandement de quitter les lieux du 2 octobre 2006, ce dossier faisait en revanche apparaître qu'un nouveau commandement de quitter les lieux avait été signifié le 27 septembre 2007 tant à M. D...A...E...qu'à M. G...A...E... ; qu'il ressort également des pièces de ce dossier qu'était joint à la demande de concours de la force publique, adressée le 29 octobre 2007 au préfet, le jugement du 17 mars 2006 par lequel le tribunal d'instance de Cayenne a ordonné l'expulsion des deux occupants sans titre en cause ; que, dans ces conditions, le tribunal administratif de Cayenne a pu sans commettre d'erreur de droit juger que les deux demandes de concours de la force publique pour l'expulsion tant de M. D... A...E...que de M. G...A...E...avaient été régulièrement présentées par Mme B...à l'égard des deux occupants du terrain et que la responsabilité de l'Etat était engagée du fait du refus opposé aux demandes régulières de concours de la force publique présentées par Mme B...pour l'expulsion de MM. D...et G...A...E...du terrain dont elle est propriétaire ; que, par suite, le pourvoi incident du ministre de l'intérieur doit être rejeté ;

Sur les autres moyens du pourvoi de MmeB... :

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que le préfet avait proposé à Mme B...en août 2010 une offre transactionnelle d'un montant total de 40 000 euros et que la prolongation pendant plus de six années de l'occupation sans titre du terrain qu'elle avait acquis a effectivement empêché Mme B... de mener à bien le projet immobilier qu'elle avait conçu lors de l'achat de ce terrain à bâtir et qui lui aurait permis de mettre en location la maison qu'elle occupe actuellement ; que Mme B...a, dès cet achat, accompli de très nombreuses démarches pour obtenir l'expulsion des personnes qui l'occupaient sans titre et pouvait légitimement espérer le concours de la force publique pour l'exécution du jugement du tribunal d'instance de Cayenne du 17 mars 2006 en l'absence de circonstances particulières ; que, dans ces conditions, le tribunal administratif de Cayenne a dénaturé les pièces du dossier en évaluant à la somme de 1 500 euros le montant de l'ensemble des préjudices qu'elle a subis au titre de la période postérieure au 29 avril 2010, la circonstance que Mme B...savait que le terrain acheté faisait l'objet depuis de nombreuses années d'une occupation sans titre ne pouvant justifier une telle réduction de l'évaluation de ce préjudice ; qu'il suit de là, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi de MmeB..., que le jugement attaqué doit être annulé en tant qu'il limite à 1 500 euros la réparation des préjudices subis par celle-ci ;

Sur les conclusions de Mme B...présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à MmeB..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du 3 octobre 2012 du tribunal administratif de Cayenne est annulé en tant qu'il fixe à 1 500 euros le montant de l'indemnité allouée à MmeB....

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Cayenne, dans la limite de la cassation ainsi prononcée.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à Mme B...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le pourvoi incident du ministre de l'intérieur est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme C...B..., épouse F...et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 5ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 364942
Date de la décision : 23/07/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 23 jui. 2014, n° 364942
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Leïla Derouich
Rapporteur public ?: M. Nicolas Polge
Avocat(s) : SCP ROGER, SEVAUX, MATHONNET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:364942.20140723
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