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23/07/2014 | FRANCE | N°364466

France | France, Conseil d'État, 3ème / 8ème ssr, 23 juillet 2014, 364466


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 décembre 2012 et 6 mars 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la commune de Vendranges, représentée par son maire ; la commune demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 12LY00259 du 9 octobre 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête tendant :

- à l'annulation du jugement n° 0902814 du 10 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation, d'une part, de la décision du 18 novem

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Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 décembre 2012 et 6 mars 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la commune de Vendranges, représentée par son maire ; la commune demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 12LY00259 du 9 octobre 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête tendant :

- à l'annulation du jugement n° 0902814 du 10 novembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation, d'une part, de la décision du 18 novembre 2008 du préfet de la Loire prescrivant le reversement de la somme de 19 198,97 euros correspondant aux subventions "FEDER" concernant l'opération "Valorisation du patrimoine religieux : restauration de l'église (volet C 1998)" et, d'autre part, de la décision implicite rejetant son recours gracieux du 8 janvier 2009 ;

- à l'annulation de la décision du 18 novembre 2008 ;

- à ce que l'Etat soit condamné à se substituer à elle pour rembourser au budget de l'Union européenne les subventions "FEDER" dont la Commission européenne a prescrit la restitution ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu le règlement (CEE) n° 2052/88 du Conseil du 24 juin 1988 ;

Vu le règlement (CEE) n° 4253/88 du Conseil du 19 décembre 1988 ;

Vu le règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du Conseil du 18 décembre 1995 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christian Fournier, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la commune de Vendranges ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la commune de Vendranges a bénéficié d'une aide du Fonds européen de développement régional (FEDER) destinée au financement de la restauration de l'église du village et qui lui a été attribuée dans le cadre d'un projet de réalisation d'un parcours touristique mettant en valeur le patrimoine religieux des communes du canton de Saint-Symphorien-de-Lay, comprenant notamment un volet réhabilitation des édifices, du mobilier et des peintures murales ainsi qu'un volet sécurité ; qu'à l'issue d'un contrôle réalisé en mars 2006, les enquêteurs de l'Office européen de lutte antifraude (OLAF) ont constaté la non réalisation du circuit touristique, la fermeture des édifices au public et le non fonctionnement des systèmes de sécurité des vitrines d'exposition ; que la Commission européenne a, par lettre du 2 avril 2008, prescrit aux autorités de l'Etat de recouvrer la totalité des aides octroyées pour la réalisation de ce projet ; que par une décision du 18 novembre 2008, le préfet de la Loire a ordonné à la commune de Vendranges de reverser la somme correspondant au montant de l'aide en cause ; que, par un jugement du 10 novembre 2011, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de la commune de Vendranges tendant à l'annulation de la décision du 18 novembre 2008 et de la décision rejetant implicitement son recours gracieux ; que la commune de Vendranges se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 9 octobre 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation de ce jugement et de la décision du 18 novembre 2008 et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à se substituer à la commune pour le remboursement au budget de l'Union européenne de la subvention du FEDER ;

Sur la régularité de la procédure juridictionnelle :

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la décision de la Commission européenne du 2 avril 2008 figurait au dossier de premier instance ; que ce dossier a été transmis à la cour administrative d'appel conformément à l'article R. 741-10 du code de justice administrative ; qu'il était dès lors loisible à la commune de Vendranges de prendre connaissance de ce document et d'en discuter le contenu ; que le moyen tiré de ce que la cour administrative d'appel se serait fondée sur une pièce dont la commune n'aurait jamais eu connaissance et aurait ainsi méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure ne peut, par suite, qu'être écarté ;

Sur le bien fondé de l'arrêt attaqué :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 230 du traité instituant la Communauté européenne, devenu article 263 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " (...) Toute personne physique ou morale peut former, dans les mêmes conditions, un recours contre les décisions dont elle est le destinataire et contre les décisions qui, bien que prises sous l'apparence d'un règlement ou d'une décision adressée à une autre personne, la concernent directement et individuellement. / Les recours prévus au présent article doivent être formés dans un délai de deux mois à compter, suivant le cas, de la publication de l'acte, de sa notification au requérant ou, à défaut, du jour où celui-ci en a eu connaissance. " ;

4. Considérant qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne qu'une décision de la Commission européenne demandant à un Etat membre le recouvrement d'une aide communautaire indûment octroyée s'impose aux autorités comme aux juridictions nationales lorsque sa validité n'a pas été contestée dans les délais devant les juridictions de l'Union par le bénéficiaire de l'aide ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la décision du préfet de la Loire du 18 novembre 2008 mentionne de manière précise le sens et les motifs de la décision de la Commission européenne du 2 avril 2008, en particulier les conclusions du contrôle de l'OLAF ainsi que la prescription de reversement de l'aide qu'elle comporte ; qu'ainsi la commune de Vendranges, a pris connaissance du contenu de la décision du 2 avril 2008, au sens de l'article 230 du traité instituant la Communauté européenne, au plus tard lorsqu'elle a reçu la décision du préfet de la Loire ; que, par suite, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que l'absence de contestation de cette décision devant les juridictions de l'Union dans le délai de deux mois prévu par l'article 230 du traité instituant la Communauté européenne faisait obstacle à ce que la commune de Vendranges puisse contester devant la juridiction nationale la validité de la décision prise par la Commission européenne ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'en écartant comme irrecevable la contestation de la validité de la décision du 2 avril 2008 au motif que cette décision était devenue définitive, la cour administrative d'appel a implicitement mais nécessairement répondu au moyen de la commune de Vendranges tiré de ce que l'action en reversement engagée par la Commission européenne était atteinte par la prescription quadriennale prévue par l'article 3 du règlement du Conseil du 18 décembre 1995 ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit au point 4 que, lorsque la Commission européenne a constaté qu'une irrégularité a été commise dans l'utilisation des fonds structurels et qu'elle décide de mettre en oeuvre l'action en répétition de l'indu dont elle dispose, l'autorité nationale compétente, saisie par la Commission européenne, est tenue de procéder à la récupération des fonds concernés sans avoir à porter une appréciation sur la violation constatée ;

8. Considérant qu'après avoir relevé que le préfet de la Loire ne disposait d'aucun pouvoir d'appréciation sur l'opportunité d'exiger ou non la restitution des fonds communautaires indûment octroyés et se trouvait tenu par la décision de la Commission européenne, dont la commune n'avait pas contesté dans les délais la validité devant le juge de l'Union européenne, de procéder à la récupération de la somme en cause, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que les moyens soulevés par la commune de Vendranges dirigés contre la décision du 18 novembre 2008 du préfet de la Loire et tirés de la méconnaissance des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime étaient inopérants ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Vendranges n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ; que par suite, les conclusions qu'elle présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il résulte de ces dispositions que, si une personne publique qui n'a pas eu recours au ministère d'avocat peut néanmoins demander au juge l'application de cet article au titre des frais spécifiques exposés par elle à l'occasion de l'instance, elle ne saurait se borner à faire état d'un surcroît de travail de ses services ; qu'en l'espèce, le ministre se borne à demander le versement à l'Etat par la commune de Vendranges d'une somme à ce titre sans avoir assorti sa demande de la moindre justification des frais que l'Etat aurait exposés dans la présente instance ; que, dès lors, ses conclusions tendant à l'application de ces dispositions doivent être rejetées ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de la commune de Vendranges est rejeté.

Article 2 : Les conclusions du ministre de l'intérieur tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Vendranges et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 3ème / 8ème ssr
Numéro d'arrêt : 364466
Date de la décision : 23/07/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE - PORTÉE DES RÈGLES DU DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE - DÉCISIONS - DÉCISION DE LA COMMISSION DEMANDANT À UN ETAT MEMBRE LE RECOUVREMENT D'UNE AIDE DE L'UE INDÛMENT OCTROYÉE - DÉCISION S'IMPOSANT AUX AUTORITÉS ET JURIDICTIONS NATIONALES LORSQUE SA VALIDITÉ N'A PAS ÉTÉ CONTESTÉE DANS LES DÉLAIS DEVANT LES JURIDICTIONS DE L'UE PAR LE BÉNÉFICIAIRE - EXISTENCE.

15-02-03 Une décision de la Commission européenne demandant à un Etat membre le recouvrement d'une aide de l'Union européenne (UE) indûment octroyée s'impose aux autorités comme aux juridictions nationales lorsque sa validité n'a pas été contestée dans les délais devant les juridictions de l'Union par le bénéficiaire de l'aide.

COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE - LITIGES RELATIFS AU VERSEMENT D`AIDES DE L'UNION EUROPÉENNE - AIDE INDÛMENT OCTROYÉE - DÉCISION DE LA COMMISSION DEMANDANT À UN ETAT MEMBRE SON RECOUVREMENT - DÉCISION S'IMPOSANT AUX AUTORITÉS ET JURIDICTIONS NATIONALES LORSQUE SA VALIDITÉ N'A PAS ÉTÉ CONTESTÉE DANS LES DÉLAIS DEVANT LES JURIDICTIONS DE L'UE PAR LE BÉNÉFICIAIRE - EXISTENCE.

15-08 Une décision de la Commission européenne demandant à un Etat membre le recouvrement d'une aide de l'Union européenne (UE) indûment octroyée s'impose aux autorités comme aux juridictions nationales lorsque sa validité n'a pas été contestée dans les délais devant les juridictions de l'Union par le bénéficiaire de l'aide.


Publications
Proposition de citation : CE, 23 jui. 2014, n° 364466
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christian Fournier
Rapporteur public ?: M. Vincent Daumas
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:364466.20140723
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