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16/07/2014 | FRANCE | N°363037

France | France, Conseil d'État, 3ème / 8ème ssr, 16 juillet 2014, 363037


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 septembre et 20 décembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Agranix, dont le siège est ZAC de Nombiel, BP 56 à Sainte-Livrade (47110), représentée par son président-directeur général en exercice ; la société Agranix demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09BX02911 du 26 juillet 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel qu'elle a interjeté du jugement n° 0601233 du 15 octobre 2009 par lequel le tribuna

l administratif de Bordeaux n'a que partiellement fait droit à sa demande de ...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 septembre et 20 décembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Agranix, dont le siège est ZAC de Nombiel, BP 56 à Sainte-Livrade (47110), représentée par son président-directeur général en exercice ; la société Agranix demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09BX02911 du 26 juillet 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel qu'elle a interjeté du jugement n° 0601233 du 15 octobre 2009 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux n'a que partiellement fait droit à sa demande de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003, ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le décret n° 73-1101 du 28 novembre 1973 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christophe Pourreau, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de la société Agranix ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Agranix fabrique pour le compte de donneurs d'ordres des produits nutritionnels et de soins pour animaux, particulièrement les chevaux ; qu'à l'issue d'une vérification de sa comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003, l'administration fiscale a remis en cause l'application à la vente de certains de ces produits du taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée de 5,5% ; que la société Agranix se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 26 juillet 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 15 octobre 2009 en tant que ce jugement n'a pas entièrement fait droit à sa demande de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités qui résultent de ce chef de redressement ;

2. Considérant qu'en vertu de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure d'imposition mise en oeuvre, d'informer le contribuable, avec une précision suffisante, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus auprès de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition, afin de permettre à l'intéressé, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent ; que, dans ce dernier cas, la demande du contribuable peut porter sur tout document utilisé par l'administration pour établir l'imposition, et notamment sur un document dont l'administration n'a fait état que pour confirmer, dans une proposition de rectification ou une réponse aux observations du contribuable, une prise de position reposant sur d'autres éléments ; que, par suite, en jugeant que les avis de la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et de la direction départementale des services vétérinaires du Lot-et-Garonne " sont seulement venus conforter l'analyse faite par le vérificateur ", pour en déduire qu'ils n'avaient pas servi de fondement aux rectifications au sens de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ; que la société Agranix est fondée, pour ce motif, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

3. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

4. Considérant, en premier lieu, que, pour établir les impositions litigieuses, l'administration fiscale s'est appuyée, comme elle était en droit de le faire, sur des avis, relatifs aux caractéristiques des produits fabriqués par la société Agranix, que la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et la direction départementale des services vétérinaires du Lot-et-Garonne ont émis à sa demande ; qu'il résulte de l'instruction que ces documents ont été communiqués à la société Agranix en annexe à la réponse du 28 avril 2005 que l'administration fiscale a faite à ses observations sur la proposition de rectification ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la procédure d'imposition aurait été conduite en méconnaissance des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales doit être écarté ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 278 bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5,5 % en ce qui concerne les opérations (...) de vente (...) sur les produits suivants : / (...) 4° Aliments simples ou composés utilisés pour la nourriture du bétail, des animaux de basse-cour (...) " ; qu'aux termes de l'article 2 du décret du 28 novembre 1973 portant application de la loi du 1er août 1905 sur la répression des fraudes dans la vente des marchandises et des falsifications des denrées alimentaires, en ce qui concerne les additifs destinés à l'alimentation des animaux, en vigueur lors de la période litigieuse : " (...) on entend par : / (...) aliments complémentaires pour animaux : les mélanges d'aliments qui contiennent des taux élevés de certaines substances et qui, en raison de leur composition, n'assurent la ration journalière que s'ils sont associés à d'autres aliments des animaux (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que la vente d'aliments complémentaires pour animaux est imposée au taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée ; que, toutefois, pour l'application de ces dispositions, ne peuvent être regardés comme des aliments complémentaires pour animaux des produits qui, alors même qu'ils sont destinés à être ingérés par des animaux, présentent les caractéristiques de médicaments vétérinaires, lesquels relèvent du taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 5141-1 du code de la santé publique : " On entend par médicament vétérinaire, tout médicament destiné à l'animal tel que défini à l'article L. 5111-1. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 5111-1 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " On entend par médicament toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou animales, ainsi que tout produit pouvant être administré à l'homme ou à l'animal, en vue d'établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier les fonctions organiques. " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'un produit présenté comme possédant des propriétés curatives ou préventives pour l'animal a le caractère d'un médicament vétérinaire ; que le caractère de médicament vétérinaire par présentation s'apprécie au regard de l'aspect matériel du produit et des indications éventuellement portées sur son étiquette, son emballage ou sur un prospectus distinct, tenant à sa composition, à sa posologie et aux vertus curatives ou préventives qui lui sont prêtées ; qu'est à cet égard sans incidence sur la qualification de médicament vétérinaire la circonstance que son aspect matériel ait été fixé ou que les indications aient été rédigées par un donneur d'ordre du fabricant ;

7. Considérant qu'il suit de ce qui est dit au point 6 que le moyen tiré de ce que les produits vendus par la société Agranix aux donneurs d'ordre, dont il n'est pas contesté qu'ils sont conditionnés par cette dernière dans des boîtes ou flacons sur lesquels sont apposées les étiquettes comportant les indications relatives à leur composition, à leur posologie ou, pour certains, aux vertus curatives ou préventives qui leur sont prêtées, n'auraient pas le caractère de médicaments par présentation au seul motif que les indications figurant sur ces étiquettes n'ont pas été rédigées par le fabricant doit être écarté ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment des indications figurant sur les étiquettes, que les produits Bionutron Yearling, Bionutron Sénior, Bionutron Sport, GP MSE 1, Osbo Cheval, Equinium Life, Ekygard, Balsamic TC, Naviculine, Flair, Ekyflex, Ekyrenal, Nurtene, CMG 20, Bioferon, Hoof Biotine, Red Cell et Vitamue sont présentés respectivement comme possédant des vertus curatives ou préventives de la décalcification ostéo-tendineuse ou de l'hypothyroïdie, des carences calciques et des ulcères gastriques, des affections respiratoires ou de la gorge, du syndrome podotrochléaire et de l'épistaxis et comme protégeant ou soutenant les cartilages, les fonctions hépatique et rénale, la fonction reproductrice de la jument, l'équilibre neuromusculaire, la croissance du sabot, l'équilibre des tissus cutanés, la synthèse des globules rouges ainsi que la convalescence du cheval ; qu'en revanche, les produits Bionutron Racing, Bionutron Stud, GP MSE 2, Vetidral, Biophyt Flex, Equinium Flex et Biopan sont présentés respectivement comme des aliments complémentaires favorisant la souplesse, la résistance à l'effort et la récupération du cheval de course et de la jument en fin de gestation et comme des aliments complémentaires pour les animaux de basse-cour ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Agranix est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant de l'application, au titre de la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2003, du taux normal de la taxe à la vente des produits Bionutron Racing, Bionutron Stud, GP MSE 2, Vetidral, Biophyt Flex, Equinium Flex et Biopan, ainsi que des pénalités correspondantes ; qu'en revanche, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros, à verser à la société Agranix, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 26 juillet 2012 est annulé.

Article 2 : La société Agranix est déchargée des rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant de l'application du taux normal de la taxe à la vente des produits Bionutron Racing, Bionutron Stud, GP MSE 2, Vetidral, Biophyt Flex, Equinium Flex et Biopan, ainsi que des pénalités correspondantes.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 15 octobre 2009 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Agranix est rejeté.

Article 5 : L'Etat versera à la société Agranix une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la société Agranix et au ministre des finances et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 3ème / 8ème ssr
Numéro d'arrêt : 363037
Date de la décision : 16/07/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-09-01 CONTRIBUTIONS ET TAXES. TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES ET ASSIMILÉES. TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE. CALCUL DE LA TAXE. TAUX. - TAUX NORMAL - MÉDICAMENT VÉTÉRINAIRE - QUALIFICATION - RECOURS AUX CRITÈRES POSÉS PAR LE CODE DE LA SANTÉ PUBLIQUE - EXISTENCE.

19-06-02-09-01 Pour déterminer si un produit doit être qualifié de médicament vétérinaire relevant du taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée, et non pas de complément alimentaire pour animaux dont la vente est imposée au taux réduit de cette taxe, il est fait application des critères posés par les dispositions des articles L. 5141-1 et L. 5111-1 du code de la santé publique.


Publications
Proposition de citation : CE, 16 jui. 2014, n° 363037
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christophe Pourreau
Rapporteur public ?: M. Vincent Daumas
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN, STOCLET

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:363037.20140716
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