La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/07/2014 | FRANCE | N°362114

France | France, Conseil d'État, 3ème / 8ème ssr, 16 juillet 2014, 362114


Vu 1°, sous le n° 362114, le pourvoi sommaire, le mémoire complémentaire et le nouveau mémoire, enregistrés les 22 août et 22 novembre 2012 et le 14 août 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société LTHT, dont le siège est 2, rue des Lombards à Paris (75004) ; la société LTHT demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 11PA00935 du 22 juin 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, faisant droit à la requête du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement,

a annulé le jugement n° 0720407 du tribunal administratif de Paris du 22 oc...

Vu 1°, sous le n° 362114, le pourvoi sommaire, le mémoire complémentaire et le nouveau mémoire, enregistrés les 22 août et 22 novembre 2012 et le 14 août 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société LTHT, dont le siège est 2, rue des Lombards à Paris (75004) ; la société LTHT demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 11PA00935 du 22 juin 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, faisant droit à la requête du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement, a annulé le jugement n° 0720407 du tribunal administratif de Paris du 22 octobre 2010 et remis à sa charge les rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2001 au 31 décembre 2004 ainsi que les pénalités correspondantes ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu 2°, sous le n° 362115, le pourvoi sommaire, le mémoire complémentaire et le nouveau mémoire, enregistrés les 22 août et 22 novembre 2012 et le 14 août 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société LTHT, dont le siège est 2, rue des Lombards à Paris (75004) ; la société LTHT demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 11PA00936 du 8 juillet 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, faisant droit à la requête du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement, a annulé le jugement n° 0720408 du tribunal administratif de Paris du 5 novembre 2010 et remis à sa charge les suppléments d'impôt sur les sociétés et de contribution sur l'impôt sur les sociétés au titre des exercices 2001 à 2004 ainsi que les pénalités correspondantes ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, notamment son article 164 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christophe Pourreau, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la société LTHT ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue de deux vérifications de comptabilité de la société LTHT, qui exploite un restaurant sous l'enseigne " Le chant des voyelles ", portant sur les exercices 2001 à 2004, l'administration a écarté la comptabilité de la société comme non probante, reconstitué ses recettes et mis à sa charge, d'une part, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et, d'autre part, des suppléments d'impôt sur les sociétés et de contribution sur l'impôt sur les sociétés, assortis d'une majoration de 40 %, au titre de ces exercices ; que, par deux jugements des 22 octobre et 5 novembre 2010, le tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge de ces impositions supplémentaires et des pénalités correspondantes ; que, par deux arrêts des 22 juin et 8 juillet 2012, la cour administrative d'appel de Paris, faisant droit aux requêtes du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement, a annulé les jugements du tribunal administratif et remis à la charge de la société ces impositions supplémentaires et ces pénalités ;

2. Considérant que la société LTHT demande l'annulation des deux arrêts de la cour administrative d'appel de Paris en soulevant des moyens identiques ; qu'il y a lieu de joindre les deux pourvois pour statuer par une seule décision ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à l'opération de visite et de saisie litigieuse : " I. Lorsque l'autorité judiciaire, saisie par l'administration fiscale, estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts, elle peut (...) autoriser les agents de l'administration des impôts (...) à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être détenus et procéder à leur saisie, quel qu'en soit le support. / II. Chaque visite doit être autorisée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter. / (...) L'ordonnance mentionnée au premier alinéa n'est susceptible que d'un pourvoi en cassation selon les règles prévues par le code de procédure pénale (...). / (...) IV. Un procès-verbal relatant les modalités et le déroulement de l'opération et consignant les constatations effectuées est dressé sur-le-champ par les agents de l'administration des impôts. Un inventaire des pièces et documents saisis lui est annexé s'il y a lieu. (...) " ; qu'aux termes de l'article 164 de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie : " IV. - 1. Pour les procédures de visite et de saisie prévues à l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales pour lesquelles le procès-verbal ou l'inventaire mentionnés au IV de cet article a été remis ou réceptionné antérieurement à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, un appel contre l'ordonnance mentionnée au II de cet article, alors même que cette ordonnance a fait l'objet d'un pourvoi ayant donné lieu à cette date à une décision de rejet du juge de cassation, ou un recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie peut (...) être formé devant le premier président de la cour d'appel dans les cas suivants : / (...) d) Lorsque, à partir d'éléments obtenus par l'administration dans le cadre d'une procédure de visite et de saisie, des impositions ont été établies (...) et qu'elles font ou sont encore susceptibles de faire l'objet, à la date de l'entrée en vigueur de la présente loi, d'une réclamation ou d'un recours contentieux devant le juge (...) / 3. (...) Cet appel et ce recours sont exclusifs de toute appréciation par le juge du fond de la régularité du déroulement des opérations de visite et de saisie. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que le juge judiciaire est seul compétent pour apprécier la régularité de l'autorisation et du déroulement d'une opération de visite et de saisie par l'administration fiscale ;

4. Considérant qu'il ressort des motifs des arrêts attaqués que, pour juger que c'est à tort que le tribunal administratif a déchargé la société des impositions supplémentaires auxquelles elle a été assujettie ainsi que des pénalités correspondantes au motif que l'opération de visite et de saisie, autorisée par une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris du 5 octobre 2004 et à l'occasion de laquelle ont été recueillis les documents qui ont servi de base à la reconstitution des recettes de la société, s'était déroulée de façon irrégulière, la cour administrative d'appel a énoncé, d'une part, que, saisi sur le fondement du IV de l'article 164 de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, le premier président de la cour d'appel de Paris, par une ordonnance du 12 octobre 2010, a rejeté le recours, formé notamment par la société LTHT, contre le déroulement de cette opération et, d'autre part, que le juge administratif n'est pas compétent pour statuer sur la régularité de cette opération ; que, ce faisant, la cour administrative d'appel, qui, en relevant que le premier président de la cour d'appel de Paris a jugé que l'administration fiscale avait été autorisée à visiter les locaux occupés par la société LTHT, n'a pas inexactement interprété les termes de l'ordonnance du 12 octobre 2010, n'a pas commis d'erreur de droit ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la cour administrative d'appel aurait commis une erreur de droit en regardant comme régulières des procédures d'imposition fondées sur des documents recueillis à l'occasion d'une opération de visite et de saisie irrégulière doit être écarté ; que doit également être écarté le moyen tiré de ce que, ce faisant, la cour administrative d'appel aurait méconnu les principes du contradictoire et de loyauté ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que, s'il incombe à l'administration, quelle que soit la procédure de redressement mise en oeuvre, d'informer le contribuable dont elle envisage soit de rehausser, soit d'arrêter d'office les bases d'imposition, de l'origine et de la teneur des renseignements recueillis dans l'exercice de son droit de communication afin que l'intéressé soit mis à même de demander, avant la mise en recouvrement des impositions, que les documents qui contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition, elle n'est tenue à cette obligation qu'en ce qui concerne ceux des renseignements qu'elle a effectivement utilisés pour procéder aux redressements ; qu'il ressort des motifs des arrêts attaqués que la cour administrative d'appel a estimé, par une appréciation souveraine des faits qui lui étaient soumis, exempte de dénaturation, que, pour reconstituer les recettes de la société LTHT, l'administration s'est fondée sur la comptabilité occulte recueillie à l'occasion de l'opération de visite et de saisie, et non sur les documents obtenus dans l'exercice de son droit de communication auprès de la société Métro ; qu'en déduisant de ces énonciations que l'administration pouvait sans irrégularité refuser de lui communiquer ces documents, la cour administrative d'appel, qui a suffisamment motivé son arrêt, n'a pas commis d'erreur de droit ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'il incombe au juge saisi d'une contestation portant sur des impositions mises à la charge d'une société dont la comptabilité a été écartée comme non probante et qui ont été soumises à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, afin d'attribuer la charge de la preuve, de rechercher si l'administration s'est conformée à cet avis ; que, toutefois, il appartient à la société qui conteste avoir à supporter la charge de la preuve de produire des éléments de nature à établir que l'administration ne s'y est pas conformée ; qu'en l'espèce, la société LTHT, qui se borne à relever que, dans son avis du 17 octobre 2006, la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, après avoir émis un avis favorable à la méthode de reconstitution des recettes retenue par l'administration, a énoncé que ses conséquences devaient être limitées en admettant en déduction des dépenses calculées sur la base d'un coefficient de marge brute de 3,7, ne produit aucun élément de nature à établir que l'administration ne se serait pas conformée à cet avis ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la cour administrative d'appel aurait commis une erreur de droit en jugeant que la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions supplémentaires auxquelles elle a été assujettie lui incombait doit être écarté ;

7. Considérant, en quatrième lieu, que, pour écarter le moyen tiré de ce que la méthode de reconstitution des recettes de l'exercice 2004, fondée sur l'extrapolation des recettes des exercices antérieurs, aurait été excessivement sommaire, la cour administrative d'appel a estimé, par une appréciation souveraine des faits qui lui étaient soumis, d'une part, que cette méthode était fondée sur des chiffres tirés de la comptabilité occulte de la société et résultant de recoupements entre les fichiers informatiques et les agendas personnels de son gérant, M. A..., et d'autre part, qu'il ressortait de cette comptabilité occulte que les recettes de la société étaient stables d'un exercice sur l'autre ; que, ce faisant, la cour administrative d'appel, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point et n'était pas tenue de répondre à l'argument, au demeurant infondé, tiré de ce que la méthode de reconstitution des recettes retenue par l'administration a été remise en cause par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, n'a pas entaché son arrêt de dénaturation et n'a pas commis d'erreur de droit ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société LTHT n'est pas fondée à demander l'annulation des arrêts attaqués ; que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Les pourvois de la société LTHT sont rejetés.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société LTHT et au ministre des finances et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 3ème / 8ème ssr
Numéro d'arrêt : 362114
Date de la décision : 16/07/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-03-01-06 CONTRIBUTIONS ET TAXES. GÉNÉRALITÉS. RÈGLES GÉNÉRALES D'ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT. CONTRÔLE FISCAL. - APPRÉCIATION DE LA RÉGULARITÉ D'UNE VISITE DOMICILIAIRE ET D'UNE SAISIE FAITE AU COURS DE CETTE VISITE (ART. L. 16 B DU LPF ET IV DE L'ART. 164 DE LA LOI DU 4 AOÛT 2008) - COMPÉTENCE EXCLUSIVE DU JUGE JUDICIAIRE - EXISTENCE.

19-01-03-01-06 Il résulte des dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales (LPF), dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, et du IV de l'article 164 de cette loi que le juge judiciaire est seul compétent pour apprécier la régularité de l'autorisation et du déroulement d'une opération de visite et de saisie par l'administration fiscale.


Publications
Proposition de citation : CE, 16 jui. 2014, n° 362114
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christophe Pourreau
Rapporteur public ?: M. Vincent Daumas
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:362114.20140716
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award