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09/07/2014 | FRANCE | N°373304

France | France, Conseil d'État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 09 juillet 2014, 373304


Vu la requête, enregistrée le 15 novembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la Fédération nationale des syndicats de sportifs, dont le siège est 5, rue des Colonnes à Paris (75002), représentée par son président en exercice, par M. A...B..., domicilié..., par M. C...E..., demeurant..., et par M. D...F..., domicilié ...; les requérants demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 25 septembre 2013 de l'Agence française de lutte contre le dopage en tant qu'elle approuve la désignation de M. C..

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Vu la requête, enregistrée le 15 novembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la Fédération nationale des syndicats de sportifs, dont le siège est 5, rue des Colonnes à Paris (75002), représentée par son président en exercice, par M. A...B..., domicilié..., par M. C...E..., demeurant..., et par M. D...F..., domicilié ...; les requérants demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération du 25 septembre 2013 de l'Agence française de lutte contre le dopage en tant qu'elle approuve la désignation de M. C...E...dans le groupe " cible " des sportifs susceptibles de faire l'objet des contrôles prévus au III de l'article L. 232-5 du code du sport ainsi que la délibération du 24 octobre 2013 de l'Agence française de lutte contre le dopage en tant qu'elle approuve la désignation de MM. A... B...et D...F...dans ce même groupe " cible " ;

2°) de mettre à la charge de l'Agence française de lutte contre le dopage la somme de 1 500 euros respectivement à MM.B..., F...et E...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que son protocole additionnel n° 4 ;

Vu la convention contre le dopage, signée à Strasbourg le 16 novembre 1989 ;

Vu le code du sport ;

Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;

Vu l'ordonnance n° 2010-379 du 14 avril 2010 ;

Vu la loi n° 2012-158 du 1er février 2012 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Paul Bernard, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Xavier Domino, rapporteur public ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. E...a été désigné, par une délibération du 25 septembre 2013 du collège de l'Agence française de lutte contre le dopage, parmi les sportifs appartenant au groupe " cible " prévu par l'article L. 232-5 du code du sport ; que MM. B...et F...ont, pour leur part, été désignés au sein du même groupe " cible " par une délibération du 24 octobre 2013 du collège de l'Agence ; que MM. B..., E...et F...sont à ce titre astreints à une obligation de localisation à l'effet de permettre des contrôles inopinés relatifs à la lutte contre le dopage ; que la requête de la Fédération nationale des syndicats de sportifs, de MM.B..., E...et F...tend à l'annulation pour excès de pouvoir de ces délibérations en tant qu'elles concernent ces sportifs ;

Sur les conclusions de la requête en tant qu'elle émane de la Fédération nationale des syndicats de sportifs :

2. Considérant que le désistement de la Fédération nationale des syndicats de sportifs est pur et simple : que rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte ;

Sur les conclusions de la requête en tant qu'elle émane de MM.B..., E...et F...:

3. Considérant qu'aux termes du 3° du I de l'article L. 232-5 du code du sport : " Pour les sportifs soumis à l'obligation de localisation (...), [l'Agence française de lutte contre le dopage] diligente les contrôles (...) : / a) Pendant les manifestations sportives organisées par les fédérations agréées ou autorisées par les fédérations délégataires (...) ; / b) Pendant les manifestations sportives internationales (...) ; / c) Pendant les périodes d'entraînement préparant aux manifestations sportives (...) ; / d) Hors des manifestations sportives (...) et hors des périodes d'entraînement y préparant (...) " ; que l'article L. 232-13-1 du même code dispose que : " Les contrôles peuvent être réalisés : / 1° Dans tout lieu où se déroule un entraînement ou une manifestation (...) / 2° Dans tout établissement (...) dans lequel sont pratiquées des activités physiques ou sportives (...) / 3° Dans tout lieu choisi avec l'accord du sportif, permettant de réaliser le contrôle, dans le respect de sa vie privée et de son intimité, y compris, à sa demande, à son domicile (...) " ; que l'article L. 232-15 du même code précise que les sportifs, constituant le groupe " cible ", qui sont tenus de fournir des renseignements précis et actualisés sur leur localisation permettant la réalisation de contrôles, sont désignés pour une année par l'Agence française de lutte contre le dopage parmi : " 1° (...) Les sportifs inscrits sur la liste des sportifs de haut niveau ou sur la liste des sportifs Espoir (...) ; / 2° Les sportifs professionnels licenciés (...) ; / 3° Les sportifs qui ont fait l'objet d'une sanction disciplinaire sur le fondement des articles L. 232-9, L. 323-10 ou L. 232-17 lors des trois dernières années (...) " ; que le même article prévoit que les renseignements relatifs à la localisation des sportifs constituant le groupe " cible " " peuvent faire l'objet d'un traitement informatisé par l'Agence, en vue d'organiser des contrôles " et que ce traitement est autorisé par décision du collège de l'Agence prise après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés ; qu'aux termes de l'article L. 232 14 du même code : " Dans l'exercice de leur mission de contrôle, les personnes (...) ne peuvent accéder aux lieux mentionnés à l'article L. 232-13 qu'entre 6 heures et 21 heures, ou à tout moment dès lors que ces lieux sont ouverts au public ou qu'une compétition ou une manifestation sportive ou un entraînement y préparant est en cours. Un contrôle réalisé au domicile d'un sportif ne peut avoir lieu qu'entre 6 heures et 21 heures " ;

4. Considérant, en premier lieu, qu'il appartient à l'Agence française de lutte contre le dopage, en application de l'article L. 232-15 du code du sport, de désigner les sportifs constituant le groupe " cible " ; que cette désignation n'a pas pour base légale et n'est pas prise en application du programme annuel de contrôles, que l'Agence définit par ailleurs, en vertu du 1° de l'article L. 232-5 du même code afin de diligenter des contrôles en application de l'article L. 232-13 ; qu'il s'ensuit que les requérants ne peuvent, en tout état de cause, utilement soutenir que, faute de publication préalable du programme annuel de contrôles, ils ont été dans l'impossibilité de vérifier si les délibérations les incluant dans le groupe " cible " correspondait aux critères déterminés par ce programme établi par l'Agence française de lutte contre le dopage ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que les standards internationaux de contrôle établis par l'Agence mondiale antidopage sont dépourvus d'applicabilité en droit interne ; que, par suite, le moyen tiré de l'absence de conformité de la décision aux standards internationaux de contrôle de l'Agence mondiale antidopage ne peut qu'être écarté ;

6. Considérant, en troisième lieu, que les dispositions précédemment citées du code du sport, relatives aux obligations imparties aux sportifs désignés dans le groupe " cible ", ne portent atteinte ni à la liberté d'aller et venir ni à la liberté de circulation garantie par l'article 2 du protocole additionnel n° 4 à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elles encadrent strictement la détermination des lieux dans lesquels les contrôles sur les sportifs appartenant au groupe " cible " peuvent être diligentés ainsi que les périodes et horaires durant lesquels ces contrôles peuvent être effectués ; qu'elles excluent que les contrôles puissent avoir lieu au domicile des sportifs hors leur consentement ; que le traitement informatisé prévu à l'article L. 232-15 en vue de l'organisation des contrôles est soumis aux dispositions de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ; que, si le dispositif ainsi défini se révèle contraignant pour ces sportifs, notamment en les soumettant à l'obligation de fournir des renseignements précis et actualisés sur leur localisation, les dispositions législatives en cause sont justifiées par les nécessités de la lutte contre le dopage, qui implique notamment de pouvoir diligenter des contrôles inopinés afin de déceler efficacement l'utilisation de certaines substances dopantes qui, contrairement à ce que soutiennent les requérants, peuvent n'être décelables que peu de temps après leur prise alors même qu'elles ont des effets plus durables ; que ces dispositions ne portent ainsi au droit au respect de la vie privée et familiale des sportifs concernés, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que des atteintes nécessaires et proportionnées aux objectifs d'intérêt général poursuivis par la lutte contre le dopage, notamment la protection de la santé des sportifs ainsi que la garantie de l'équité et de l'éthique des compétitions sportives ;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 232-9 du code du sport : " Il est interdit à tout sportif : / 1° De détenir ou tenter de détenir, sans raison médicale dûment justifiée, une ou des substances ou méthodes interdites figurant sur la liste mentionnée au dernier alinéa du présent article ; / 2° D'utiliser ou tenter d'utiliser une ou des substances ou méthodes interdites figurant sur la liste mentionnée au dernier alinéa du présent article. / L'interdiction prévue au 2° ne s'applique pas aux substances et méthodes pour lesquelles le sportif : / a) Dispose d'une autorisation pour usage à des fins thérapeutiques ; / (...) c) Dispose d'une raison médicale dûment justifiée " ; qu'il résulte de ce qui précède que l'autorisation de l'usage d'une substance à des fins thérapeutiques ou une raison médicale dûment justifiée permettent aux sportifs de bénéficier, sur prescription médicale et dans les conditions prévues par le code du sport, des médicaments et traitements qui leur sont nécessaires sans encourir de sanction pour dopage à raison de la prise de substances ou méthodes interdites ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la désignation de sportifs dans le groupe " cible " porterait atteinte au droit des intéressés de recevoir les soins que requiert leur état de santé ne peut qu'être écarté ;

8. Considérant, en cinquième lieu, que les dispositions de l'article L. 232-15 précisent que les sportifs constituant le groupe " cible " sont désignés par l'Agence française de lutte contre le dopage parmi les sportifs inscrits sur la liste des sportifs de haut niveau ou sur la liste des sportifs Espoir, les sportifs professionnels licenciés et les sportifs qui ont fait l'objet d'une sanction disciplinaire pour dopage ; que les sportifs inscrits sur la liste des sportifs de haut niveau ou sur celle des sportifs Espoir, lesquelles incluent des sportifs amateurs, et les sportifs professionnels licenciés ne sont pas dans la même situation que l'ensemble des autres sportifs, eu égard au niveau des compétitions auxquelles ils sont appelés à participer et au risque plus élevé de dopage que peuvent entraîner ces compétitions ; que les sportifs qui ont fait l'objet d'une sanction disciplinaire pour dopage lors des trois dernières années ne sont pas non plus dans la même situation que les autres sportifs ; qu'il s'ensuit qu'en définissant comme elles l'ont fait les catégories de sportifs susceptibles d'être désignés dans le groupe " cible " par l'Agence française de lutte contre le dopage, les dispositions de l'article L. 232-15 du code du sport ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantissant, sans distinction aucune, la jouissance des droits et libertés garantis par la convention ;

9. Considérant, en sixième lieu, qu'aucune disposition du code du sport n'impose la consultation de la Commission nationale de l'informatique et des libertés préalablement à la désignation de sportifs dans le groupe " cible " ; qu'en outre, les délibérations attaquées n'ont pas pour base légale et n'ont pas été prises pour l'application des dispositions de la délibération n° 53 autorisant le traitement automatisé des données relatives à la localisation des sportifs soumis à des contrôles individualisés adoptée le 7 juin 2007 par l'Agence française de lutte contre le dopage ; que le moyen tiré de ce que la Commission nationale de l'informatique et des libertés aurait dû être à nouveau consultée sur ce traitement automatisé après l'intervention de l'ordonnance du 14 avril 2010 relative à la santé des sportifs et à la mise en conformité du code du sport avec les principes du code mondial antidopage ne peut, dès lors, qu'être écarté comme inopérant ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que MM.B..., E...et F...ne sont pas fondés à demander l'annulation pour excès de pouvoir des délibérations qu'ils attaquent ; que leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761- du code de justice administrative ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il est donné acte du désistement de la Fédération nationale des syndicats de sportifs.

Article 2 : La requête de MM.B..., E...et F...est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Fédération nationale des syndicats de sportifs, à MM. A...B..., C...E...et D...F...et à l'Agence française de lutte contre le dopage. Copie en sera adressée à la ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports.


Synthèse
Formation : 2ème et 7ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 373304
Date de la décision : 09/07/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 09 jui. 2014, n° 373304
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Paul Bernard
Rapporteur public ?: M. Xavier Domino

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:373304.20140709
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