Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 juillet et 15 octobre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Banque de France, dont le siège est au 39 rue Croix-des-Petits-Champs à Paris (75049 Cedex 01) ; la Banque de France demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 10PA01557 du 21 mai 2013 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, à la demande de Mme A...B..., annulé le jugement n° 0707001/5 1 du 21 janvier 2010 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet opposée par le gouverneur de la Banque de France à sa demande d'indemnisation du préjudice résultant de sa non-admission au régime de retraite des agents titulaires de la Banque de France, faute d'avoir été autorisée à poursuivre son activité au-delà de l'âge de soixante ans et l'a condamnée à verser à Mme B... une indemnité de 55 000 euros ;
2°) de mettre à la charge de Mme B... la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 24 juin 2014, présentée pour Mme B... ;
Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
Vu le code du travail ;
Vu la directive 2000/78 du Conseil du 27 novembre 2000 ;
Vu la loi n° 53-611 du 11 juillet 1953 ;
Vu la loi n° 93-980 du 4 août 1993 ;
Vu le décret n° 53-711 du 9 août 1953 ;
Vu le décret n° 68-299 du 29 mars 1968 ;
Vu le statut du personnel de la Banque de France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Luc Briand, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Xavier Domino, rapporteur public,
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delvolvé, avocat de la Banque de France, et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de Mme B... ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B..., secrétaire comptable de la Banque de France, a, par une décision du 31 août 1998, été mise à la retraite à compter du 1er juin 1998, au motif qu'elle avait atteint la limite d'âge de soixante ans applicable aux secrétaires comptables de la Banque de France, aux termes de l'article 468 du statut de son personnel ; que Mme B..., qui n'a pu, de ce fait, atteindre les quinze années de services nécessaires à l'obtention d'une pension du régime spécial de retraite de la Banque de France, a demandé à celle-ci l'indemnisation du préjudice qui en a résulté ; que, saisie du recours contre le jugement du tribunal administratif de Paris du 21 janvier 2010 ayant rejeté le recours dirigé contre la décision implicite de rejet née du silence gardé par la Banque de France à cette demande d'indemnisation, la cour administrative d'appel de Paris a, par un arrêt dont la Banque de France demande l'annulation, annulé ce jugement et condamné la Banque de France à verser à Mme B... une indemnité de 55 000 euros ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 142-1 du code monétaire et financier : " La Banque de France est une institution dont le capital appartient à l'Etat " ; qu'elle constitue une personne publique chargée par la loi de missions de service public, qui n'a pas cependant le caractère d'un établissement public, mais revêt une nature particulière et présente des caractéristiques propres ; qu'au nombre de ces caractéristiques figure l'application à son personnel des dispositions du code du travail qui ne sont incompatibles ni avec son statut, ni avec les missions de service public dont elle est chargée ;
3. Considérant qu'en vertu de l'article 5 de la loi du 11 juillet 1953 portant redressement économique et financier, la fixation des limites d'âge des personnels de la Banque de France relève du pouvoir réglementaire ; que le décret du 9 août 1953 relatif au régime de retraite des personnels de l'Etat et des services publics, pris pour l'application de cette loi, a fixé les conditions générales de mise à la retraite des agents de la Banque de France et prévu que les mesures d'adaptation nécessaires seraient prises par des règlements d'administration publique ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du 29 mars 1968 portant modification des limites d'âge du personnel de la Banque de France, dans sa rédaction applicable au 1er juin 1998 : " Sont arrêtées, pour chaque grade ou emploi, entre soixante ans minimum et soixante-cinq ans maximum, par décision du conseil général de la Banque de France approuvée par le ministre de l'économie et des finances, les limites d'âge des agents de ladite banque recrutés, après la date de publication du présent décret, dans les cadres du personnel titulaire, stagiaire ou auxiliaire, sauf s'ils ont été admis à l'un des concours dont les résultats ont été publiés avant cette date " ; que ce texte, comme l'ensemble des dispositions législatives et réglementaires régissant l'institution, relève du statut de la Banque de France ; qu'ainsi, c'est en application de ce statut que le conseil général de la Banque de France a fixé à soixante ans la limite d'âge applicable aux secrétaires comptables ; qu'il en résulte que les dispositions des articles L. 122-14-12 et L. 122-14-13 du code du travail, qui prévoient que sont nulles et de nul effet toute disposition d'une convention ou d'un accord collectif de travail et toute clause d'un contrat de travail prévoyant une rupture de plein droit du contrat de travail d'un salarié, en raison de son âge ou du fait qu'il serait en droit de bénéficier d'une pension de vieillesse, sont incompatibles avec le statut de la Banque de France ; qu'ainsi, en faisant application des dispositions précitées du code du travail et en en déduisant que la Banque de France avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité en mettant Mme B... à la retraite dès l'âge de soixante ans, la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit ; qu'il y a lieu, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, d'annuler l'arrêt attaqué :
4. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de la Banque de France, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... la somme demandée, au même titre, par la Banque de France ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 21 mai 2013 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : Les conclusions présentées par la Banque de France et par Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la Banque de France, à Mme A...B... et à la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.