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02/07/2014 | FRANCE | N°360194

France | France, Conseil d'État, 4ème - 5ème ssr, 02 juillet 2014, 360194


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 juin et 10 septembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Mon Véto, dont le siège est 101, boulevard de l'Europe à Rouen (76100), représentée par son président, M. A...F..., demeurant..., et M. H...C..., demeurant ...; la société Mon Véto et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision de la chambre supérieure de discipline de l'ordre des vétérinaires n° 12/1035 DS/CO du 3 mai 2012 en tant qu'elle prononce à leur encontre, après av

oir réformé la décision du 3 décembre 2010 de la chambre régionale de discipli...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 juin et 10 septembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société Mon Véto, dont le siège est 101, boulevard de l'Europe à Rouen (76100), représentée par son président, M. A...F..., demeurant..., et M. H...C..., demeurant ...; la société Mon Véto et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision de la chambre supérieure de discipline de l'ordre des vétérinaires n° 12/1035 DS/CO du 3 mai 2012 en tant qu'elle prononce à leur encontre, après avoir réformé la décision du 3 décembre 2010 de la chambre régionale de discipline l'ordre des vétérinaires de Normandie, une sanction d'interdiction de l'exercice de la profession de vétérinaire sur tout le territoire national pendant trois mois, dont deux avec sursis ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la plainte déposée à leur encontre par M. I... D..., M. G...E...et M. G...B...;

3°) de mettre à la charge de l'ordre national des vétérinaires une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code rural et de la pêche maritime ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. David Moreau, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la société Mon Veto et autres et à la SCP Rousseau, Tapie, avocat du Conseil supérieur de l'ordre des vétérinaires et du conseil régional de l'ordres des vétérinaires de Normandie ;

1. Considérant, en premier lieu, que la chambre supérieure de discipline de l'ordre des vétérinaires a suffisamment précisé les motifs pour lesquels elle a estimé que les requérants ont méconnu les dispositions de l'article R. 242-73 du code rural et de la pêche maritime ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée doit être écarté ;

2. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 242-93 du code rural et de la pêche maritime : " Le conseil régional de l'ordre est saisi de l'action disciplinaire contre un vétérinaire par plainte du préfet, du procureur de la République, du directeur départemental des services vétérinaires, du président du Conseil supérieur de l'ordre, d'un autre conseil régional de l'ordre ou de tout intéressé " ; que si MM.D..., E...et B...se bornaient dans leur plainte initiale enregistrée le 27 avril 2010 à invoquer des atteintes à l'honneur de la profession de vétérinaire sans faire état d'un intérêt personnel, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, et notamment des précisions apportées lors de leur audition du 28 novembre 2011, qu'ils se sont prévalus en appel de la concurrence déloyale qu'étaient susceptibles de leur causer les manquements reprochés aux requérants dans la communication réalisée autour de leur nouvelle clinique à Louviers, qui est située à proximité de celle des plaignants ; que la chambre supérieure de discipline de l'ordre des vétérinaires n'a donc commis ni erreur de droit ni erreur de qualification juridique des faits en estimant que ces derniers justifiaient d'un intérêt à saisir le conseil régional de l'ordre des vétérinaires ;

3. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du 2ème alinéa de l'article R. 242-39 du code rural et de la pêche maritime : " Si un dissentiment professionnel surgit entre deux confrères, ceux-ci doivent d'abord chercher une conciliation, au besoin par l'intermédiaire du conseil régional de l'ordre " ; que cette disposition n'a pas eu pour objet d'instituer une procédure de conciliation constituant un préalable obligatoire à tout dépôt de plainte devant les instances disciplinaires ordinales ; que, par suite, et en tout état de cause, les requérants ne peuvent utilement soutenir que la chambre supérieure de discipline de l'ordre des vétérinaires aurait entaché sa décision d'erreur de droit, de dénaturation et de contradiction de motifs en jugeant, pour écarter leur fin de non-recevoir tirée du défaut de conciliation préalable, qu'il n'existait pas de dissentiment professionnel entre eux et les plaignants ;

4. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes mêmes de l'article R. 242-73 du code rural et de la pêche maritime " sont seuls autorisés " à titre d'" enseignes, plaques et supports de communication visibles de la voie publique " pour les domiciles professionnels d'exercice les mentions et signes dont cet article énumère, de façon limitative, le nombre et la nature ; que les inscriptions figurant sur le bandeau de façade ou sur les vitres visibles de la voie publique ayant un caractère de signalétique permanente entrent dans le champ de ces dispositions, à la différence des expositions temporaires de vitrines, qui sont régies par l'article R. 242-74 du même code relatif aux " vitrines " ;

5. Considérant que, pour caractériser l'existence d'une publicité irrégulière sur la façade de l'établissement ouvert par la société Mon Véto à Louviers, la chambre supérieure de discipline de l'ordre des vétérinaires a relevé l'apposition de la mention " Mon Véto " et de représentations d'animaux sur le bandeau de façade, de quatre mentions " clinique vétérinaire " sur les vitrines, d'affiches au revers de certaines vitres de la façade ainsi que du numéro de téléphone de la clinique en caractères volumineux ; que ces mentions, dont la matérialité n'est pas contestée, d'une part, relèvent, de par leur nature et leur visibilité de la voie publique, de la signalétique réglementée par l'article R. 242-73 du code rural et de la pêche maritime mais, d'autre part, ne figurent pas dans la liste des signes et mentions autorisés par cet article ; que, par suite, c'est sans erreur de droit ni erreur de qualification juridique des faits que la chambre supérieure de discipline de l'ordre des vétérinaires les a jugées irrégulières au regard de l'article R. 242-73 du code rural et de la pêche maritime ;

6. Considérant, en cinquième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Mon Véto est l'exploitante de la clinique vétérinaire de Louviers faisant l'objet des mentions de façade et de la mise à disposition de tracts irrégulières retenues par la chambre supérieure de discipline ; que, par suite, celle-ci n'a commis ni erreur de droit ni erreur de qualification juridique des faits en estimant que ces faits étaient imputables à cette société ; qu'en revanche, en retenant que ces manquements, qui ont trait à l'aménagement et à la promotion de la clinique vétérinaire, étaient également imputables à M. C...du seul fait de sa participation au choix du lieu d'implantation de cet établissement, la chambre supérieure de discipline de l'ordre des vétérinaires a commis une erreur de droit ;

7. Considérant, en dernier lieu, que la chambre supérieure de discipline de l'ordre des vétérinaires n'a pas entaché de dénaturation sa décision en prononçant à l'encontre de M.F..., gérant de la société Mon Véto, une sanction de trois mois d'interdiction d'exercer la profession de vétérinaire sur le territoire national, dont deux avec sursis, au titre des manquements aux articles R. 242-70 et R. 242-73 du code rural et de la pêche maritime qu'elle a retenus ; qu'en revanche, cette sanction emporte pour la société Mon Véto, dont il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'elle exploite plusieurs autres établissements, des conséquences manifestement disproportionnées au regard des manquements retenus, dont, d'une part, il n'est pas contesté qu'ils sont circonscrits à un seul des établissements gérés par cette société, et qui, d'autre part, n'ont pas trait à la qualité des soins rendus ; que les requérants sont, par suite, fondés à soutenir que la décision attaquée est entachée de dénaturation sur ce point ;

8. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la décision attaquée doit être annulée en tant qu'elle prononce une sanction à l'encontre de la société Mon Véto et de M. C...;

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'ordre national des vétérinaires, qui n'est pas partie à l'instance ; que les conclusions présentées à ce titre par la société Mon Véto et autres doivent donc, en tout état de cause, être rejetées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision de la chambre supérieure de discipline de l'ordre national des vétérinaires du 3 mai 2012 est annulée en tant qu'elle prononce une sanction à l'encontre de la société Mon Véto et de M.C....

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la chambre supérieure de discipline de l'ordre national des vétérinaires dans cette mesure.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la société Mon Véto et autres est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Mon Véto, à M. A...F..., à M. H... C..., à M. I...D..., à M. G...E...et à M. G...B....

Copie en sera adressée au Conseil supérieur de l'ordre des vétérinaires et au conseil régional de l'ordre des vétérinaires de Normandie.


Synthèse
Formation : 4ème - 5ème ssr
Numéro d'arrêt : 360194
Date de la décision : 02/07/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

PROCÉDURE - VOIES DE RECOURS - CASSATION - CONTRÔLE DU JUGE DE CASSATION - BIEN-FONDÉ - DÉNATURATION - SOCIÉTÉ EXPLOITANT PLUSIEURS CLINIQUES VÉTÉRINAIRES S'ÉTANT LIVRÉE À DE LA PUBLICITÉ IRRÉGULIÈRE SUR L'UN DE CES SITES - SANCTION DE TROIS MOIS D'INTERDICTION D'EXERCER LA PROFESSION SUR LE TERRITOIRE NATIONAL - 1) ABSENCE DE DÉNATURATION S'AGISSANT DU GÉRANT - 2) EXISTENCE D'UNE DÉNATURATION S'AGISSANT DE LA SOCIÉTÉ [RJ1].

54-08-02-02-01-04 Société exploitant plusieurs cliniques vétérinaires et s'étant livrée, sur la façade de l'un de ces établissements, à des pratiques de publicité irrégulière au regard des dispositions de l'article R. 242-73 du code rural et de la pêche maritime énumérant de façon limitative le nombre et la nature des mentions et signes visibles de la voie publique autorisés, en y apposant la mention de sa raison sociale, de représentations d'animaux sur le bandeau de façade, de quatre mentions clinique vétérinaire sur les vitrines, d'affiches au revers de certaines vitres de la façade ainsi que du numéro de téléphone de la clinique en caractères volumineux.,,,1) En prononçant à l'encontre du gérant de cette société une sanction de trois mois d'interdiction d'exercer la profession de vétérinaire sur le territoire national, dont deux avec sursis, la chambre supérieure de discipline de l'ordre des vétérinaires a porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine exempte de dénaturation.... ,,2) En revanche, cette sanction emporte pour la société, qui exploite plusieurs autres établissements, des conséquences manifestement disproportionnées au regard des manquements retenus, lesquels sont circonscrits à un seul des établissements gérés par cette société et n'ont pas trait à la qualité des soins rendus. Par suite, dénaturation sur ce point.

PROFESSIONS - CHARGES ET OFFICES - DISCIPLINE PROFESSIONNELLE - SANCTIONS - VÉTÉRINAIRES - SOCIÉTÉ EXPLOITANT PLUSIEURS CLINIQUES S'ÉTANT LIVRÉE À DE LA PUBLICITÉ IRRÉGULIÈRE SUR L'UN DE CES SITES - SANCTION DE TROIS MOIS D'INTERDICTION D'EXERCER LA PROFESSION SUR LE TERRITOIRE NATIONAL - 1) ABSENCE DE DÉNATURATION S'AGISSANT DU GÉRANT - 2) EXISTENCE D'UNE DÉNATURATION S'AGISSANT DE LA SOCIÉTÉ [RJ1].

55-04-02 Société exploitant plusieurs cliniques vétérinaires et s'étant livrée, sur la façade de l'un de ces établissements, à des pratiques de publicité irrégulière au regard des dispositions de l'article R. 242-73 du code rural et de la pêche maritime énumérant de façon limitative le nombre et la nature des mentions et signes visibles de la voie publique autorisés, en y apposant la mention de sa raison sociale, de représentations d'animaux sur le bandeau de façade, de quatre mentions clinique vétérinaire sur les vitrines, d'affiches au revers de certaines vitres de la façade ainsi que du numéro de téléphone de la clinique en caractères volumineux.,,,1) En prononçant à l'encontre du gérant de cette société une sanction de trois mois d'interdiction d'exercer la profession de vétérinaire sur le territoire national, dont deux avec sursis, la chambre supérieure de discipline de l'ordre des vétérinaires a porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine exempte de dénaturation.... ,,2) En revanche, cette sanction emporte pour la société, qui exploite plusieurs autres établissements, des conséquences manifestement disproportionnées au regard des manquements retenus, lesquels sont circonscrits à un seul des établissements gérés par cette société et n'ont pas trait à la qualité des soins rendus. Par suite, dénaturation sur ce point.


Références :

[RJ1]

Cf., pour le degré de contrôle du juge de cassation, CE, 30 mai 2011, Mme,, n° 339496, T. p. 1108 (dont la solution a été abandonnée par CE, 30 décembre 2014, M. Bonnemaison, n° 381245, A).


Publications
Proposition de citation : CE, 02 jui. 2014, n° 360194
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. David Moreau
Rapporteur public ?: Mme Gaëlle Dumortier
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO ; SCP ROUSSEAU, TAPIE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:360194.20140702
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