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23/06/2014 | FRANCE | N°362311

France | France, Conseil d'État, 4ème sous-section jugeant seule, 23 juin 2014, 362311


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 août et 23 novembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SAS Atac, dont le siège est rue du Maréchal de Lattre de Tassigny à Croix (59170), représentée par son président directeur général en exercice ; la SAS Atac demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt nos 10MA00661, 10MA00844 du 28 juin 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement du 16 décembre 2009 du tribunal administratif de Marseille et la décision du 12 octob

re 2006 de la commission départementale d'équipement commercial des Bouch...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 août et 23 novembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SAS Atac, dont le siège est rue du Maréchal de Lattre de Tassigny à Croix (59170), représentée par son président directeur général en exercice ; la SAS Atac demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt nos 10MA00661, 10MA00844 du 28 juin 2012 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement du 16 décembre 2009 du tribunal administratif de Marseille et la décision du 12 octobre 2006 de la commission départementale d'équipement commercial des Bouches-du-Rhône autorisant la SAS Espar à créer un supermarché sous l'enseigne " Simply Market ", d'une surface de vente de 1 650 m² sur le territoire de la commune de Sénas (Bouches-du-Rhône) ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter les appels de la SARL Jean Picca et fils et de l'association " En toute franchise " du département des Bouches-du-Rhône et autres ;

3°) de mettre à la charge de la SARL Jean Picca et fils, de l'association "En toute franchise " du département des Bouches-du-Rhône, de la SARL " Aux plaisirs du goût ", de la SAS Hafer, de la SARL Titine et de M. C...A...la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. David Moreau, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SAS Atac venant aux droits de la SAS Espar et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la SARL Jean Picca et fils, de l'association En toute franchise des Bouches-du-Rhône, de la SARL Aux plaisirs du goût et de M. A...;

1. Considérant que, par décision du 12 octobre 2006, la commission départementale d'équipement commercial des Bouches-du-Rhône a autorisé la SAS Espar à créer un supermarché sous l'enseigne " Simply Market " d'une surface de vente de 1 650 m² sur le territoire de la commune de Sénas (Bouches-du-Rhône) ; que, par un jugement du 16 décembre 2009, le tribunal administratif de Marseille a rejeté les demandes de l'association " En toute franchise " du département des Bouches-du-Rhône et autres et de la SARL Jean Picca et fils tendant à l'annulation de cette décision ; que, par un arrêt du 28 juin 2012, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement du 16 décembre 2009 ainsi que la décision du 12 octobre 2006 ; que la SAS Atac, qui vient aux droits de la SAS Espar, demande l'annulation de cet arrêt ;

Sur la légalité de l'arrêt attaqué en tant qu'il a annulé la décision du 12 octobre 2006 de la commission départementale d'équipement commercial des Bouches-du-Rhône :

2. Considérant que, saisi d'un pourvoi dirigé contre une décision juridictionnelle reposant sur plusieurs motifs dont l'un est erroné, le juge de cassation, à qui il n'appartient pas de rechercher si la juridiction aurait pris la même décision en se fondant uniquement sur les autres motifs, doit, hormis le cas où ce motif erroné présenterait un caractère surabondant, accueillir le pourvoi ; qu'il en va cependant autrement lorsque la décision juridictionnelle attaquée prononce l'annulation pour excès de pouvoir d'un acte administratif, dans la mesure où l'un quelconque des moyens retenus par le juge du fond peut suffire alors à justifier son dispositif d'annulation ; qu'en pareille hypothèse - et sous réserve du cas où la décision qui lui est déférée aurait été rendue dans des conditions irrégulières - il appartient au juge de cassation, si l'un des moyens reconnus comme fondés par cette décision en justifie légalement le dispositif, de rejeter le pourvoi ; que, toutefois, en raison de l'autorité de chose jugée qui s'attache aux motifs constituant le soutien nécessaire du dispositif de la décision juridictionnelle déférée, le juge de cassation ne saurait, sauf à méconnaître son office, prononcer ce rejet sans avoir, au préalable, censuré celui ou ceux de ces motifs qui étaient erronés ;

3. Considérant que, pour annuler la décision du 12 octobre 2006 de la commission départementale d'équipement commercial des Bouches-du-Rhône, la cour administrative d'appel de Marseille s'est fondée sur trois motifs tirés, premièrement de ce que la SAS Espar ne justifiait pas d'un titre lui permettant de solliciter l'autorisation d'équipement commercial qui lui a été accordée, deuxièmement, de ce que la commission départementale d'équipement commercial a méconnu l'article L. 750-1 du code de commerce dans sa version alors en vigueur en ne recherchant pas si le projet était de nature à compromettre l'équilibre entre les différentes formes de commerce, troisièmement, de ce que sa décision était insuffisamment motivée ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 18 du décret du 9 mars 1993, en vigueur à la date de la décision litigieuse de la commission départementale d'équipement commercial : " La demande d'autorisation (...) est présentée soit par le propriétaire de l'immeuble, soit par une personne justifiant d'un titre l'habilitant à construire sur le terrain, ou à exploiter commercialement l'immeuble. " ; que, pour juger que la demande d'autorisation a été présentée par la SAS Espar en méconnaissance de ces dispositions, la cour administrative d'appel de Marseille a estimé qu'à la suite de la conclusion d'un compromis de vente en avril 2006 entre la commune de Sénas et un tiers, cette commune n'était plus propriétaire des terrains sur lesquels le projet devait être implanté et n'avait pas qualité pour autoriser la SAS Espar à présenter la demande d'autorisation qui lui a été accordée le 12 octobre 2006 ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, et notamment des écritures concordantes des parties, que le compromis de vente entre la commune et M. B...a été conclu sous des conditions suspensives qui n'ont jamais été réalisées ; que, par suite, en estimant que la commune de Sénas n'était plus, en raison de ce compromis de vente, propriétaire des terrains d'implantation du projet, la cour a entaché son arrêt de dénaturation ;

5. Mais considérant que, pour l'application des dispositions combinées de l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 et des articles L. 750 1 et L. 752 6 du code de commerce, dans leur version en vigueur à la date de la décision attaquée, il appartient aux commissions d'équipement commercial, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, d'apprécier si un projet soumis à autorisation est de nature à compromettre, dans la zone de chalandise intéressée, l'équilibre recherché par le législateur entre les diverses formes de commerce et, dans l'affirmative, de rechercher si cet inconvénient est compensé par les effets positifs du projet appréciés, d'une part, en tenant compte de sa contribution à l'emploi, à l'aménagement du territoire, à la concurrence, à la modernisation des équipements commerciaux et, plus généralement, à la satisfaction des besoins des consommateurs et, d'autre part, en évaluant son impact sur les conditions de circulation et de stationnement aux abords du site envisagé ; que, pour estimer que la décision de la commission départementale était insuffisamment motivée, la cour s'est livrée à une appréciation souveraine, exempte de dénaturation ; qu'en jugeant que la commission a méconnu l'article L. 750-1 du code de commerce sans rechercher si le projet était de nature à compromettre l'équilibre entre les différentes formes de commerce, la cour, qui n'a pas relevé un moyen d'office, n'a pas commis d'erreur de droit, ni dénaturé les pièces du dossier ; que ces motifs suffisent à justifier l'annulation de la décision du 12 octobre 2006 de la commission départementale d'équipement commercial des Bouches-du-Rhône ; que, par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que la cour administrative d'appel de Marseille a annulé cette décision ;

Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il a fait application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que les conclusions du pourvoi de la SAS Atac dirigées contre l'arrêt en tant qu'il a mis à la charge de l'Etat le versement de sommes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne sont pas recevables dès lors que cette partie du dispositif ne fait pas grief à la requérante ;

Sur les frais exposés par les parties devant le Conseil d'Etat et non compris dans les dépens :

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la SAS Atac au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la requérante le versement à l'association " En toute franchise " du département des Bouches-du-Rhône, à la SARL " Aux plaisirs du goût ", à la SARL Jean Picca et fils et à M. A...de la somme de 1 000 euros, chacun, au titre de ces dispositions ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la SAS Atac est rejeté.

Article 2 : La SAS Atac versera à l'association " En toute franchise " du département des Bouches-du-Rhône, à la SARL " Aux plaisirs du goût ", à la SARL Jean Picca et fils et à M. A... la somme de 1 000 euros chacun, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SAS Atac, à l'association " En toute franchise " du département des Bouches-du-Rhône, à la SARL " Aux plaisirs du goût ", à la SARL Jean Picca et fils, à M. C...A..., à la SAS Hafer et à la SARL Titine et à la SAS Espar.

Copie en sera adressé pour information au ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique.


Synthèse
Formation : 4ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 362311
Date de la décision : 23/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 23 jui. 2014, n° 362311
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. David Moreau
Rapporteur public ?: M. Rémi Keller
Avocat(s) : SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER ; SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2014:362311.20140623
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