Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 janvier et 13 avril 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la Polynésie française, représentée par son président, qui demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 09PA01620 du 13 octobre 2011 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, sur appel de M. A...B..., a annulé le jugement n° 0800583 du tribunal administratif de la Polynésie Française du 17 février 2009 et a déchargé M. B...des cotisations supplémentaires d'impôt sur les transactions ainsi que des pénalités pour manoeuvres frauduleuses auxquelles il a été assujetti au titre des années 1999 à 2002 ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de M.B... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi organique n° 96-312 du 12 avril 1996 ;
Vu la loi n° 96-313 du 12 avril 1996 ;
Vu le code des impôts de la Polynésie française ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Séverine Larere, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Frédéric Aladjidi, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP de Chaisemartin, Courjon, avocat de la Polynésie Française et à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de M. B...;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le service des contributions de la Polynésie française a remis en cause, en 2006, le crédit d'impôt dont M. B...avait bénéficié, au titre des années 1999 à 2002, en application des dispositions de l'article 184-2 du code des impôts de la Polynésie française, à raison du financement d'un projet de construction immobilière réalisé par la S.C.I. Vairaatoa Nui ; que, par un jugement du 17 février 2009, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté la demande de M. B... tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les transactions ainsi que des pénalités pour manoeuvres frauduleuses auxquelles il a été assujetti au titre des années 1999 à 2002 ; que, par l'arrêt attaqué du 13 octobre 2011, la cour administrative d'appel de Paris a annulé ce jugement et accordé à M. B...la décharge des impositions et des pénalités contestées ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 184-2 du code des impôts de la Polynésie française, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : "Les personnes assujetties à l'impôt sur les transactions bénéficient d'un crédit d'impôt pour tout financement égal ou supérieur à 10 millions de francs dans un projet de construction immobilière, à l'exception des projets à vocation hôtelière, d'un coût total égal ou supérieur à 100 millions de francs dont la demande de permis de construire aura été déposée avant le 31 décembre 2000. (...) / Sont considérés comme financements au sens du présent article : / - les souscriptions d'actions et de parts en numéraire, ou par apport de terrains affectés au projet dans la limite indiquée au premier alinéa, effectuées lors de la constitution ou de l'augmentation du capital de la société s'engageant à réaliser le projet ainsi que les souscriptions en numéraire par voie d'incorporation au capital des sommes laissées en compte courant à la disposition de ladite société ; / (...) Le bénéfice du crédit d'impôt est subordonné à l'engagement pris par le bénéficiaire de conserver les immeubles, les actions ou parts, pendant dix-huit mois au moins ou jusqu'à la date de délivrance du certificat de conformité, si celle-ci intervient avant l'expiration de ce délai. / Ce crédit d'impôt s'élève : / - à 40% si ce financement intervient avant le 31 décembre 1997 ; / à 30 % si ce financement intervient entre le 1er janvier 1998 et le 31 décembre 2001 ; / Ce crédit d'impôt est imputable sur la moitié de l'impôt sur les transactions dû, établi au titre de l'exercice de la réalisation du financement, sur présentation d'une attestation précisant les modalités de financement délivrée par le constructeur. / Il en est tenu compte pour le calcul des acomptes. / Le solde éventuel du crédit d'impôt est imputable dans la même limite sur les cinq exercices suivants. (...) / Ces avantages sont remis en cause, et l'impôt dont le crédit a été préalablement accordé devient immédiatement exigible, nonobstant le cas échéant l'expiration des délais de prescription, dans les circonstances suivantes : / - non-respect des conditions prévues par les dispositions du présent article (...) " ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des termes mêmes de ces dispositions que le crédit d'impôt qu'elles instituent peut être remis en cause par l'administration sans qu'aucun délai de prescription ne puisse lui être opposé ; que c'est, par suite, sans erreur de droit que la cour a jugé que les dispositions de l'article 184-2 du code des impôts de la Polynésie française écartaient, de manière générale, l'application des délais de prescription et que le crédit d'impôt qu'elles instituent pouvait être remis en cause par l'administration sans limitation dans le temps ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que le pouvoir réglementaire ne saurait, sans méconnaître le principe de sécurité juridique, instituer au profit de l'administration fiscale un droit de reprise excluant l'application de tout délai de prescription ; que, par ailleurs, aucun principe constitutionnel ni aucun principe général du droit ne font obstacle à l'application d'un délai de prescription lorsque le bénéfice d'un dispositif fiscal favorable a été obtenu par fraude ; que, par suite, en jugeant que le principe de sécurité juridique s'oppose à ce que puisse être légalement édictée une disposition instituant un droit de reprise au profit de l'administration fiscale excluant, de façon générale et absolue, l'application de toute prescription, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ; que la Polynésie française n'ayant soulevé devant elle aucun moyen de défense tiré de l'existence d'une fraude, elle n'a, en outre et en tout état de cause, entaché son arrêt d'aucune insuffisance de motivation sur ce point ; qu'enfin, le moyen tiré de ce que la cour aurait méconnu les principes du droit de l'Union européenne selon lesquels l'exigence de sécurité juridique doit être conciliée avec l'intérêt public consistant à mettre fin aux situations frauduleusement acquises et n'imposerait à l'administration aucune autre obligation que celle d'agir dans un délai raisonnable doit également être écarté comme nouveau en cassation ;
5. Considérant, en dernier lieu, qu'après avoir relevé que les dispositions de l'article 184-2 du code des impôts de la Polynésie française méconnaissaient, en tant qu'elles excluaient tout délai de prescription, le principe de sécurité juridique et écarté, en conséquence, l'application des dispositions litigieuses, la cour a jugé qu'il y avait lieu de faire application des dispositions de droit commun de l'article 451-1 du code des impôts de la Polynésie française qui, dans sa rédaction alors applicable, prévoyait que : " Les omissions totales ou partielles constatées dans l'assiette ou la liquidation des impôts et taxes visés au présent code ainsi que les erreurs commises dans l'établissement des impositions, dans l'application des tarifs ou dans le calcul des cotisations peuvent être réparées jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due " ; que ces dispositions spéciales, qui visaient notamment la réparation des erreurs commises dans le calcul des cotisations d'impôt, étaient applicables en cas de remise en cause, par l'administration fiscale, d'un crédit d'impôt et répondaient aux exigences de sécurité juridique ; que, c'est, par suite, sans erreur de droit que la cour a jugé qu'elles étaient applicables et qu'elle a écarté l'application des dispositions générales de l'article 2262 du code civil qui, dans sa rédaction alors applicable, prévoyait un délai de prescription de trente ans ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la Polynésie française n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la Polynésie française est rejeté.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. B...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Polynésie française et à M. A...B.... Copie en sera adressée au ministre des finances et des comptes publics et au ministre des outre-mer.